[ [ [ Vers les cimes - Yannis Lehuédé

Le réveil est fixé à 4h du matin. L’objectif est d’arriver au camp de base des Annapurnas (le point culminant de notre randonnée) pour le lever du soleil. Nous enfilons toutes nos épaisseurs de vêtements pour l’occasion. Après avoir bu un thé dans la salle commune à la lampe torche, où une partie de notre équipe dort encore profondément, nous partons dans l’obscurité, toujours plus haut.

Dans un froid glacial, la procession se fait à la lueur des lampes frontales. Cela ressemble à un collier de perles lumineuses qui monte sur le flanc de la montagne, tandis que les premières lueurs du jour se font perceptibles. Les membres du groupe (sauf deux, souffrants ou démotivés par l’altitude), notre guide, deux de ses assistants et un porteur qui n’était jamais monté là-haut, sommes tellement motivés par cette quête que nous nous essoufflons au bout de quelques minutes. L’altitude y est pour quelque chose, et notre impatience aussi. Nous ralentissons l’allure, un accident respiratoire est si vite arrivé.

Le camp de base

Nous parcourons, les pieds dans la neige, le creux d’une vallée qui monte sérieusement et, au bout d’une heure et demi, arrivons en vue du camp de base, à environ 4 130m. Il y a un peu plus de baraquements que là où nous nous étions arrêtés pour la nuit. Derrière, un petit pic rocailleux le surplombe. Nous traversons le camp où les habitants s’éveillent timidement.

Le soleil se lève, éclairant progressivement un cirque de gigantesques remparts qui nous entourent, ornés de treize sommets de 6 500m à 8 500m d’altitude (Annapurna Sud, Inchiuli, Annapurna 1, Gangapurna, Annapurna 3, Machapucharé…).

Cirque de l’Annapurna

Ce panorama s’étend sur 360° et il est difficile d’imaginer que de si haut, on se sente aussi petits. Et, en se promenant sur les terrasses qui bordent le camp, on se rend compte qu’il est au bord d’un précipice de tous côtés (exception faite du large champ de glace d’où nous sommes arrivés).

Les membres de notre expédition s’éparpillent pour admirer la vue. La neige fraîche recouvre une bonne partie des rochers et des montagnes. Notre guide avoue qu’il peut parfois se lasser de ce point de vue, mais pas aujourd’hui ! Ce spectacle est grandiose, sans vent, avec juste ce qu’il faut de neige sur le sol pour embellir la nature et les premiers rayons du soleil montant éclairent une partie du cirque de lumière rasante.

Lever de soleil

Nous nous retrouvons sur le pic qui surplombe le camp. Il y a là un petit autel bouddhiste orné d’une multitude de drapeaux à prière et quelques monticules de cailloux autour. Je monte plus haut, accompagné de Kilian (un des assistants de notre guide) pour ériger un petit autel avec une bougie, des bâtons d’encens et des pierres recueillies dans la rivière et un peu partout sur le chemin durant les jours précédents.

Autel

Il faut (entre autres) rendre hommage à la beauté de cet endroit, remercier la clémence du ciel qui a véritablement accompagné notre procession. L’endroit est particulièrement émouvant et apaisant. C’est l’aboutissement de notre marche et le rendez-vous tant attendu avec ces montagnes. Pourtant, sur le plus haut rocher où je puisse monter, je ne peux qu’admirer ces treize belles montagnes qui nous surplombent. On dit que le Népal est la porte de l’Himalaya, il faudrait monter encore beaucoup plus haut pour l’entrouvrir !

L’équipe des guides

Ensuite, nous prenons quelques photos de groupe et redescendons aux baraquements prendre un thé (il faut reconnaître qu’il fait bien froid). Il faut entamer la descente vers le camp où se trouve notre lodge. Les fumeurs expérimentent une cigarette à cette altitude. Pour moi, c’en fut une qui ressemble aux autres, qui ne fait pas spécialement tourner la tête, je pourrai dire à ceux qui me demandent : « je l’ai fait », rien de plus.

La journée ne fait que commencer et nous devons parcourir une longue descente aujourd’hui. Nous repartons dans l’euphorie, courant dans la neige fraîche immaculée, nous retournant souvent pour admirer encore et encore le panorama, et nous marchons le plus souvent à reculons.

Descente

Il faut ensuite entamer le chemin inverse de ces derniers jours, celui du retour. Nous retraversons les paysages que nous avions découverts à l’aller, mais heureusement, nous les revisitons sous un regard nouveau. Là où on voyait des chutes de neige auparavant, il y a maintenant une lumière différente et nous nous focalisons sur d’autres détails.

Vallée

Les bambouseraies, les cascades, les rhododendrons (y a-t-il de nouvelles fleurs depuis notre passage ?) et enfin la rivière avec les hautes herbes sur le large fond de la vallée. Des grillons chantent au soleil et nous retrouvons un peu plus bas les coccinelles.

Nous arrivons en milieu d’après-midi à Dovan. Nous n’avions vu ce hameau que sous une pluie battante. Malgré sa situation dans la vallée encaissée, il est cette fois au soleil.

Forêt

Il y a aujourd’hui une multitude de touristes qui s’entassent dans les quelques lodges. Un groupe d’adolescents anglo- saxons s’entasse dans des tentes montées à proximité du potager. On croirait qu’une armée en campagne a établi ses quartiers ici ! Nous arrivons à trouver une place dans la salle commune pour le repas du soir et partons nous coucher très tôt (avant 20h00 !), il faut dire que la journée a été chargée d’émotions…

Tout le monde dormira profondément cette nuit !

Le lendemain.

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