[ [ [ Assemblée publique le 8 janvier 2010 à 17h au « Bourdon » - Yannis Lehuédé

Le pacage de lois rassemblées dans la LOPPSI 2, devra bientôt passer en deuxième lecture au Sénat. A l’heure où aucune opposition réelle et efficace ne se dessine dans les assemblées des députés et des sénateurs, quelques citoyens se préoccupent fortement d’un tel arsenal.

Les occupants du 7 Boulvard "Bourdon", nous invite a une assemblée publique où tout le monde est convié à participer afin de relayer les informations et organiser les actions possibles. CI-dessous leur texte d’appel.
Rappel: Samedi 15 janvier, manifestation à Odéon.

Pourquoi lutter contre une énième loi sécuritaire ? Nous ne devrions plus
cultiver d’illusions sur les libertés publiques, à l’heure où les
dispositifs sur lesquels ces mesures s’appuient sont déjà largement entrés
dans la vie quotidienne, où la police est déjà omniprésente. La seule
revendication de l’abrogation de cette loi n’offre, il faut bien
l’admettre, aucune perspective.

Si nous voulons nous battre contre cette loi, c’est pour ouvrir des
perspectives d’émancipation qui réclament d’emblée d’aller plus loin que
sa simple abrogation. Pour ceux qui aspirent à la liberté, qui voudraient
que leur vie ne se résume pas au respect d’un parcours administratif, pour
tous ceux qui tentent de s’en sortir par des voies détournées, cette loi
sonne comme une condamnation supplémentaire. Seule une logique s’impose,
et elle proclame régulièrement son triomphe en intensifiant son contrôle
sur le monde sans rencontrer beaucoup de résistance.

En ce moment même le mouvement social est en pleine effervescence en
Europe. En Angleterre, en Italie et en Grèce, les manifestants et les
grèvistes font face aux lois d’austérité imposés par le gouvernement. En
France, il y a quelques semaines seulement salariés, chômeurs, lycéens et
tutti quanti prenaient la rue pour s’élever contre la réforme des
retraites, contre la précarité organisée et le recul du moment où l’on
s’arrache du travail.

Les réponses des gouvernements sont l’austérité et la sécurité. Ici et là
les luttes, le mouvement social paraissent notre seul horizon viable. Et
c’est en reprenant les choses en main, partout, dans nos rues, sur nos
lieux de travail, et dans tous les lieux où l’on subit l’oppression, que
s’éclaircira notre avenir, nous en sommes convaincus. La liberté ne
s’incarne pas pour nous dans la méfiance des uns contre les autres, dans
la performance dans un travail qui n’a pas de sens. La liberté prend sens
dans l’hospitalité, dans les luttes joyeuses et collectives, dures et
déterminées, qui renouent avec les mouvements sociaux de nos anciens.

Les difficultés rencontrées jusqu’à présent pour qu’émerge une opposition
à la loi LOPPSI II doivent nous questionner. On a pu, par exemple,
constater la faiblesse des vieilles organisations dites de la « société
civile », qui n’ont même pas su assumer leur rôle traditionnel de relais
d’information et de garde-fou. Effet de la multiplication des lois
sécuritaires ou conséquences de formes de pensée et d’action trop déliées
des premiers concernés ?

Il nous faut, en tout cas, en prendre acte, et commencer à nous donner de
nouveaux instruments de veille, d’information, repenser à nouveau frais la
dénonciation du « sécuritaire » et être en mesure d’avancer sur ce terrain
sans être pris dans le coup par coup du pouvoir. En apprenant à nous
protéger des différents dispositifs policiers (caméras, mouchards
informatiques, etc.), nous avons déjà emprunté la voie d’une lutte
concrète et immédiate contre la logique sécuritaire, et devons approfondir
ce mouvement en mutualisant nos pratiques et en les renforçant à mesure
qu’avance cette logique—jusqu’à ce qu’enfin on y mette un terme.

Performer la sécurité intérieure, poésie pour un Noël enflammé

Promulguée en 2002, la Loi d’Orientation et de Programmation de la
Sécurité Intérieure (LOPSI) qui voulait définir les orientations
nationales des politiques de sécurité, réorganisant à grand frais de
moyens humains et financiers les services de police nationale et de
gendarmerie a connu un tel succès (avec une augmentation d’environ 30% du
nombre de garde à vue, la généralisation des fichages STIC et JUDEX),
qu’elle appelait une suite.

Au ministère de l’Intérieur, on nous a donc préparé la LOPPSI II qui sera
voté mardi 21 décembre à l’assemblée nationale et rééxaminé au sénat en
janvier. Un P de plus pour « performance ». On entend ainsi performer la
sécurité intérieure, c’est-à-dire « augmenter son rendement ». Cette loi
dont on entend très peu parler devrait pourtant nous inquiéter, ne
serait-ce que par cet ambitieux objectif qu’elle se donne ! Ainsi, «
performer la sécurité intérieure », c’est achever de transformer la France
en un gigantesque commissariat, asseyant encore un peu plus solidement les
cadres d’un système que même le syndicat de la magistrature qualifie de «
société du contrôle ».

Un système où la vidéosurveillance est généralisée , tout comme le fichage
de la population, où votre voisin pourra faire partie d’une sorte de
milice policière et votre logement ou votre voiture héberger un mouchard
informatique à votre insu, où votre enfant de 13 ans peut se voir imposer
un « couvre-feu individuel . Berk ! un monde avec des uniformes partout,
où les contrôleurs pourront manu militari faire descendre les dangereux
fraudeurs des bus ou rames de métro, un système où la sécurité et
l’autorité ne sont plus l’apanage de la « police nationale », puisqu’on
privatise la sécurité, et qu’on recrée les milices privées….bref, un
environnement jovial et convivial.

Petits éléments de contexte concernant la sécurité intérieure

Cette loi, qui peut être présentée comme un véritable « fourre-tout » avec
des volets portant sur des sujets complètement différents, présente en
réalité une vraie cohérence qui est la même depuis 2002. De LOPSI à LOPPSI
II pas moins de 9 textes en 8 ans ont défini une nouvelle réalité pénale
(c’est à dire un dispositif législatif, des lois quoi). Le non respect des
règles entraine des sanctions de plus en plus lourdes tandis que des
comportements auparavant non condamnés entrent dans la sphère des actes
répréhensibles et sanctionnés.

Plus la loi évolue, plus décider par soi-même de ce qui est acceptable ou
non et agir en conséquence devient proscrit. L’enjeu pour chacun est sa
liberté de mouvement, d’action et d’être.Le 30 juillet lors du discours de
Grenoble, N. Sarkozy n’a fait que préciser sa vision de la société. Une
vision dans laquelle « l’étranger » et le « délinquant » se confondent. La
LOPPSI 2 n’est pas un outil isolé. Son adoption précède de peu celle du
projet de loi Besson. Ce texte, adopté en première lecture à l’assemblée
le 12 octobre n’est jamais que le 4ème en 7 ans à venir modifier la
condition des étrangers en France. C’est l’occasion pour le législateur
d’affûter les outils juridiques déjà existant à l’égard des migrants et
d’en créer de nouveaux, rendant plus expéditives les procédures
éloignement tout en prévenant leur retour en France et plus globalement en
Europe.

Les possibilités pour les juges de sanctionner les illégalités des
procédures de police lors des interpellations sont réduites tandis que les
rafles en masse se banalisent. Certaines pratiques jusqu’alors condamnées
par les tribunaux vont devenir acceptables. La majorité des mesures
contenues dans le texte aura pour conséquence de précariser davantage la
situation de nombreux étrangers et tout particulièrement des sans papiers
dont les chances de régularisation s’amenuisent.

Tout est question de gestion, la figure du délinquant comme celle du «
sans papier » ou du Rrom mène vers un monde de la maîtrise des
populations. La police est garante du bon déroulement du vivre ensemble.
L’Etat à travers ses représentants bottés nous protègent de tous ces «
autres » potentiellement nuisibles mais aussi de nous-mêmes.

Bouts de loi, loi de charognards Télé surveillance : Dans la même veine de
mise sous contrôle de la population à laquelle on assiste de manière
accélérée depuis la loi Perben I, en matière de vidéosurveillance,
requalifiée de vidéoprotection ! la loi prévoit de tripler le nombre de
caméras (60 000) et de “permettre aux services de police et de gendarmerie
d’accéder aux images”.On autorise des entreprises privées à mettre des
caméras qui filmeront la voie publique, on étend de toutes façons la
possibilité pour les autorités de placer des dispositifs de
vidéosurveillance partout (et notamment pour les manifestations), les
communes seront subventionnées pour installer leur “videoprotection”.

Délit de vente à la sauvette : Elle n’était réprimée que par une amende
atteignant maximum 750 €, avec la LOPPSI II il est prévu de faire de cette
pratique un délit, punissable de 6 mois de prisons et de 3750 € d’amende !
La chasse au pauvre a commencé “Citoyen relais” : le « service volontaire
citoyen », des citoyens au service de la police, des missions d’aide aux
victimes mais aussi de surveillance du voisinage peuvent leur être
confiées, délation des troubles à la tranquilité publique, des jeunes qui
font l’école buissonière ou qui occupent les halls.

Un amendement, le 196, prévoit d’ailleurs d’augmenter l’amende encourue
pour l’occupation en réunion des espaces communs ou des parkings
souterrains ou des toits des immeubles collectifs d’habitation, jusqu’à
1500€, et permet de prendre des mesures correctives ou éducatives à
l’encontre des mineurs éventuellement impliqués ou de leurs parents. Quant
aux majeurs, ils pourront être convoqués devant le tribunal de police.

Privatisation de la sécurité : le texte prévoit de délivrer des pouvoirs
de policiers à des agents de sécurité engagés par des boites privées :
comme par exemple contrôler une identité.Les effectifs privés sont de 170
000 salariés environ aujourd’hui et seront bientôt supérieurs aux
effectifs publics de la police et de la gendarmerie – 220 000)

Mineurs : quelques points particulièrement choquants : par exemple la
possibilité de comparution immédiate pour les mineurs délinquants sans
passer par le juge des enfants. Ce point a été rejeté lors de l’examen du
texte par le sénat. L’assemblée va-t-elle le réintroduire ? Concernant les
mineurs aussi, l’instauration du couvre feu avec extension du contrat de
responsabilité parentale créé en 2006.

Couvre feu : attention si vous n’êtes pas joignables alors que votre
enfant s’est fait attrapé dans la rue après 22h, il est instauré une
ordonnance de placement du mineur prise par l’administration. Les
inspecteurs d’académie sont chargés de ficher et de sanctionner jeunes
décrocheurs et absentéistes

Peines Planchers : De la même façon l’amendement 390 étendant les peines
planchers aux violences aggravées dès le premier acte de violence alors
qu’elles ne concernent aujourd’hui que les délits commis en récidive
légale a été repoussé. Qu’en sera –t-il dans la rédaction finale ?

Cybercriminalité : A noter encore concernant la lutte contre la
cybercriminalité la police, pourrait utiliser tout moyen (physiquement ou
à distance) pour s’introduire dans des ordinateurs et en extraire des
données dans diverses affaires, allant de crimes graves (pédophilie,
meurtre, etc.), mais aussi au délit « d’aide à l’entrée, à la circulation
et auséjour irrégulier d’un étranger en France commis en bande organisée
», sans le consentement des propriétaires des ordinateurs.

Squatts et habitats précaires

L’article 32 ter A ne peut se lire que comme une attaque à l’encontre des
habitants de bidonvilles, d’habitations de fortune, de campements de sans
abris comme dans le bois de Vincennes, et également à l’encontre de
personnes ayant choisi d’habiter caravanes, roulottes, camions, tipis,
yourtes, auto et éco-constructions.

Toute construction sans permis de construire, comme il en existe beaucoup
dans les DOM TOM pourrait aussi tomber sous le coup de cette procédure
d’exception, car une construction sans permis est “illicite”. Cette
procédure menace également les squatters depuis la nouvelle rédaction et
l’ajout de l’amendement 404. Le sénat a voté la loi en première lecture le
10 Septembre en adoptant l’article 32 ter A sans les amendements 404 et
82. Aussi seules les installations sur terrains (et non dans un local)
sont visées. Le Ministère de l’Intérieur avait annoncé son intention de
l’étendre aux occupants de locaux lors de la deuxième lecture à
l’Assemblée Nationale,sans succès.

Les lois ne sont définitivement votées qu’après une première lecture à
l’assemblée et au sénat, puis une deuxième lecture à l’assemblée et au
sénat (soit 4 fois examens et votes), et éventuellement un « troisième
tour » en Commission Mixte Paritaire (le besoin d’un décret d’application
n’est pas certain ici) ; des amendements peuvent être déposés tout au long
de la procédure.

L’article 32 ter A prévoit une possibilité d’expulsion dans un délai de
48h après simple mise en demeure du préfet sans que les justiciables
n’aient accès à un juge. Les termes employés d’atteinte à « la salubrité,
la tranquillité ou la santé publique » ne répondant à aucune définition
juridique précise laisse au préfet un pouvoir totalement discrétionnaire
et arbitraire.

La rédaction de l’article vise toute personne qui aura décidé en réunion
(2 personnes et plus), de s’installer sur un terrain quel que soit le
propriétaire. D’autre part la soi disant possibilité de recours, qui n’est
que la possibilité de recours en annulation – existant pour toute décision
administrative – ne permettra pas un débat sur le fond de la décision mais
seulement de soulever devant le juge administratif, les irrégularités dans
les formes de l’acte … La procédure d’expulsion en vigueur actuellement,
nécessite une décision du juge judiciaire, elle protège dans certains cas
d’une expulsion en hiver, elle permet d’être pris en compte dans des
dispositifs de relogement voire d’hébergement, elle doit respecter des
délais et des actes de procédure délivrés par un huissier, elle prévoit la
protection des biens des personnes expulsées ….

L’article 32 ter prévoit en outre une sanction financière pour ceux qui ne
s’exécuteraient pas assez vite, ainsi que la destruction de l’habitation
et des biens qu’elle renferme, sur procédure accélérée.Il n’est prévu ni
relogement ni hébergement pour les expulsés. Ils doivent quitter les lieux
et se rendre “invisibles”.