REPORTAGE. Intrigués, ils s’approchent, écoutent. Se chuchotent dans l’oreille, rigolent. Et s’éparpillent, telle une volée de moineaux, vers le baby-foot où une partie s’engage. Comme tous les ados du monde, les garçons de la plate-forme d’accueil des mineurs isolés étrangers de France terre d’asile, aiment jouer. Pourtant, à y regarder de plus près, ces garçons là ne sont pas comme les autres.
REPORTAGE. Intrigués, ils s’approchent, écoutent. Se chuchotent dans l’oreille, rigolent. Et s’éparpillent, telle une volée de moineaux, vers le baby-foot où une partie s’engage. Comme tous les ados du monde, les garçons de la plate-forme d’accueil des mineurs isolés étrangers de France terre d’asile, aiment jouer. Pourtant, à y regarder de plus près, ces garçons là ne sont pas comme les autres.
De plus en plus nombreux Afghans dans leur très grande majorité, ils ont connu la guerre, l’insécurité, la misère. Leurs familles se sont ruinées pour les envoyer en Europe. Seuls, ils ont traversé le continent et tous ses dangers pour échouer ici, à Paris. Presque tous sont passés par le square Villemin, entre la gare de l’Est et le canal Saint-Martin. C’est là que, trois fois par semaine, la maraude de France terre d’asile, les a recueillis. La plate-forme dispose de 50 places dans des chambres d’hôtels pour des garçons, entre 16 et 18 ans. Ici, une quinzaine de salariés les prennent en charge : éducateurs, juristes, travailleurs sociaux, professeurs de français. Une trentaine sont scolarisés dans les classes de français langue étrangère. « Théoriquement, on ne devrait les garder que deux mois, explique Lisa Vitturi, directrice du centre. Ensuite, l’aide social à l’enfance (ASE) doit les mettre dans des foyers ou des familles d’accueil. Mais comme l’ASE est débordée, on les garde un peu plus longtemps. »
Depuis la fermeture du centre de Sangatte, près de Calais, en novembre 2002, les migrants affluent vers la capitale. Parmi eux, les mineurs isolés sont de plus en plus nombreux. En 2008, France terre d’asile en a répertorié 683 à Paris, contre 480 en 2007. Entièrement financée par l’État, la plate-forme d’accueil, créée il y a cinq ans, ne concerne que les garçons entre 16 et 18 ans. Or, de nuit, sur la place du Colonel-Fabien, il n’est pas toujours évident de savoir précisément l’âge des migrants. « A force, on finit par les reconnaître, explique la directrice. Si je n’ai que trois places, je vais prendre le plus jeune ou le plus malade. » Autre difficulté, depuis la fermeture du square Villemin, les migrants sont dispersés et plus difficiles à rencontrer. « On sait qu’il y a des mineurs qui dorment sous les ponts, confie Lisa Vitturi. On n’arrive pas à aller les chercher. »
« Il fallait que je parte en Occident »
Près de la bruyante partie de babyfoot, Atila accepte de raconter, en persan, son parcours à une interprète. A 16 ans, il a une carrure d’homme, un visage juvénile et de grands yeux noirs. Il fixe son interlocuteur d’un regard brillant, sourit rarement. Et raconte. Né en Iran, il est revenu en Afghanistan avec sa famille à dix ans. Il ne sait plus très bien quel âge il avait quand, une nuit, les talibans ont frappé à sa porte pour l’emmener dans un camp d’entraînement. Il y a appris le maniement des fusils et des grenades et reçu un enseignement islamiste. De temps à autre, il pouvait retourner voir sa famille. Une fois, il a eu le malheur de ne pas rentrer au camp. Atila remonte sa manche : son poignet est barré d’une cicatrice, les talibans l’ont brûlé au fer chaud pour le punir. « Mon père m’a dit qu’il fallait que je parte en Occident, faire des études. » Il a mis un an pour traverser l’Europe, par la Grèce et l’Italie, voyageant sous les camions, se nourrissant dans les poubelles. A Paris, il a dormi trois semaines dans le square Villemin, avant d’être recueilli par la plate-forme. C’était il y a trois mois. Depuis, Atila se reconstruit, apprend le français et voudrait faire des études. Lisa Vitturi confirme : « Avant, pour les Afghans, la France étaient un pays de transit, maintenant beaucoup veulent s’installer ici. »
Source l’Humanité, 11 septembre