[ [ [ Depuis dix jours, Mayotte se bat contre la vie chère - Yannis Lehuédé

L’excellent blog Le jura libertaire nous offre une revue de presse des événements à Mayotte. Les mass-médias sont plutôt discrets sur ce mouvement (à part pour décrire une atmosphère de guère civile…) qui dure depuis une dizaine de jours, et qui se bat contre la vie chère. Et pour cause, on apprendra ci-dessous qu’un carton d’ailes de poulets coûtant une quinzaine d’euros à la Réunion, coûte dix euros de plus à Mayotte ! Voilà le bilan économique dressé par Le Monde : « Car le problème est plus profond. Dans ce nouveau département, le salaire minimum a doublé en 7 ans, pour atteindre 80 % du smig net, tandis que les prix ont augmenté de "seulement" 40 % sur cette période. Mais seules 30 000 personnes travaillent, sur plus de 200 000, et seuls 4 "revenus sociaux" sur 22 sont en place, avec le RSA prévu à 25 % seulement à partir du 1er janvier 2012.
Un "ancien" vit avec 150 à 300 euros par mois, les handicapés sont encore à l’abandon, un chômeur ne perçoit aucune allocation et chaque travailleur doit faire vivre plus de six personnes. »
Depuis que Mayotte est devenue un département français, la revendication est simple : être traité comme les autres départements, aligner les prix comme il est fait partout et instaurer, entre autres, le RSA.

Mayotte paralysée par des manifestations contre la vie chère

LEMONDE.FR, 7 octobre

Mamoudzou, envoyé spécial - Les négociations ont été suspendues à Mamoudzou, vendredi 7 octobre, entre les représentants des manifestants et une dizaine de chefs d’entreprises de la grande distribution, après 26 heures non-stop, sous la houlette du préfet Thomas Degos.

Les avancées obtenues - la proposition de baisse des prix d’une dizaine de produits jugés de première nécessité comme le poulet, le riz, la farine, le lait, l’huile, mais aussi le sable, le ciment, le gaz, l’électricité… - n’ont pas suffit aux centaines de personnes rassemblées sur la place de la République, ainsi nommée lors de la création du 101ème département le 31 mars dernier.

Depuis la 1ère manifestation contre la vie chère du 21 septembre, à l’appel de l’intersyndicale composée de la CGT, CFDT, FO et deux associations de consommateurs, les rues de Mamoudzou, puis désormais de toute l’île sont paralysées. Les négociations ont été entamées le 29 septembre, après des échauffourées la veille, et depuis se poursuivent à un rythme intense, sans succès. Les barrages paralysent désormais toute l’île.

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Mayotte : nouveaux affrontements lors de manifestations contre la vie chère

De nouveaux affrontements ont éclaté jeudi [6 octobre] à Mayotte entre manifestants et gendarmes mobiles, au dixième jour du mouvement de protestation contre la vie chère, sans toutefois faire de blessés, tandis que les négociations se poursuivent.

Profitant des vacances scolaires du 1er au 16 octobre, quelque 200 jeunes, certains âgés de moins de 10 ans, ont attaqué vers 08H00 un convoi de gendarmes mobiles à Passamainty (île de Grande Terre) sur la voie allant vers Mamoudzou. Utilisant des cailloux et des barres de fer, ils ont été repoussés à coup de grenades lacrymogènes.

D’autres affrontements ont été signalés à Kaweni, dans la zone industrielle de Mamoudzou, où se trouve le plus grand bidonville de Mayotte. Des jeunes ont provoqué les gendarmes mobiles qui ont utilisé des grenades lacrymogènes pour disperser les protestataires.

Ce bidonville est habité par une population pauvre, principalement des clandestins venus des îles voisines des Comores, formant des familles nombreuses, et vivant dans des conditions insalubres, sans ressources.

De nombreux barrages ont fleuri un peu partout sur les deux îles de Mayotte, notamment à Bandrélé, en Grande Terre, où il était impossible de passer. Arbres abattus, carcasses de voitures ont obligé de nombreux automobilistes à rebrousser chemin.

Une ambulance transportant une femme victime d’une fausse couche a été empêchée de passer par des manifestants. Les autorités ont lancé un appel pour que les urgences médicales puissent franchir les barrages.

Comme la veille, tous les commerces étaient fermés et Mayotte va tout droit vers la pénurie, faute d’un accord valable pour tous sur les prix.

Les négociations qui ont repris dans l’après-midi au Conseil général se poursuivaient dans la soirée, entre l’intersyndicale qui a appelé au mouvement, l’État, et les patrons de la grande distribution. Le préfet Thomas Degos a déclaré ne pas vouloir quitter la table sans accord.

Les représentants de l’intersyndicale demandent l’alignement des prix sur ceux pratiqués à l’île de La Réunion. Le carton d’ailes de poulet, base de l’alimentation à Mayotte, coûte ainsi 24,21 euros les 10 kg à Mamoudzou contre 15,90 euros à La Réunion.

La ministre de l’Outremer Marie-Luce Penchard a assuré mercredi que le RSA serait appliqué au 1er janvier prochain à Mayotte.

L’instauration d’un RSA « qui ne représentera que 25 % du RSA national et qui ne sera pas révisé avant cinq ans, constitue une réponse pour le moins courte qui n’est pas à la hauteur des enjeux », a estimé dans un communiqué le député PS de la Guadeloupe Victorin Lurel qui revient d’un déplacement à Mayotte, et qui a appelé la ministre à « se rendre à Mayotte afin de proposer des solutions pérennes ».

Dans l’entourage de celle-ci, on souligne que bien qu’étant en déplacement à Saint-Pierre-et-Miquelon, Mme Penchard suit « très attentivement » la situation et les négociations menées par le préfet Degos.

De son côté, le PCF a appelé le gouvernement à « intervenir sans tarder en faveur de l’ouverture de véritables négociations », « seule manière de permettre la détente sociale ».

Leur presse (Agence Faut Payer), 6 octobre 2011.

Conflit social : journée d’affrontements à Mayotte

Depuis lundi, le mouvement social contre la vie chère s’est intensifié à Mayotte. Magasins fermés, rues désertées, barrages routiers… L’île est complètement paralysée et Mamoudzou, le chef-lieu, a connu une journée de violences entre manifestants et forces de l’ordre.

Des hordes d’adolescents, foulard sur le visage, ont jeté pierres et cocktails Molotov sur les forces de l’ordre qui ont répliqué par des grenades lacrymogènes. Des barrages entravaient la circulation à travers toute l’île.

L’île de Mayotte connaissait hier son huitième jour de grève contre la vie chère. Et l’arrivée de la pluie en début d’après-midi n’a pas fait retomber la tension. Dès les premières heures de la matinée, des barrages entravaient la circulation à travers toute l’île. Mamoudzou, Bandrélé, Chirongui, Kahani, Vahibé, Pamandzi. Aucune ville n’a été épargnée par les blocages le plus souvent opérés par des groupes de jeunes excités.

À Passamaïnty (banlieue de Mamoudzou), des hordes d’adolescents, foulard autour du visage, ont jeté pierres et cocktails Molotov sur les forces de l’ordre qui ont répliqué en lançant des grenades lacrymogènes. Ce type de scène s’est reproduit plusieurs fois.

Partout dans l’île, la circulation était chaotique. Certains automobilistes ont même dû payer un droit de passage. Sur la route du Sud, la circulation a été coupée jusqu’en fin d’après-midi. Les blocages n’ont pas épargné Petite-Terre. Valise à la main, les voyageurs ont été contraints de rejoindre à pied l’aéroport, dont l’accès était condamné par les barrages. Surréaliste. Le trafic des barges entre Petite-Terre et Grande-Terre a lui aussi été perturbé, ajoutant encore à la confusion régnant à Mamoudzou. À Kawéni, zone industrielle du chef-lieu, des affrontements ont éclaté entre manifestants et forces de l’ordre : les grenades lacrymogènes ont répondu aux jets de pierre toute la journée. Et des manifestants s’en sont pris violemment à un « mzungu » (un Blanc) qui a eu le malheur de sortir son appareil photo.

BARRAGES DE FORTUNES, POUBELLES INCENDIÉES, PNEUS CALCINÉS

Même le centre-ville de Mamoudzou a été le théâtre de nombreuses scènes de violence (jeunes agressifs, jets de pierres, de cocktails Molotov etc.) et à des débordements, issus, selon la police, d’une jeunesse qui est bien loin des négociations autour de la vie chère. Dans le centre-ville, barrages de fortunes, poubelles incendiées, pneus calcinés jonchaient les rues, témoins des derniers blocages. Quant aux magasins, tous ont dû tirer leurs rideaux sous la pression des manifestants. Un supermarché a bien tenté d’ouvrir ses portes hier matin, mais il a immédiatement subi une tentative de pillage. De fait, Mamoudzou avait des allures de ville fantôme.

Le mouvement de contestation a très largement dépassé le motif de revendication de base. Et l’intersyndicale à l’origine des manifestations (CGTMa, Cisma CFDT, AFOC — Association des consommateurs FO —, Association des consommateurs Ascoma et Collectif des citoyens perdus) semble dépassée par l’ampleur de l’événement, sans pour autant appeler à un retour au calme. Hier soir, elle était encore occupée à négocier la réduction des prix de dix produits de consommation courante (sable, bouteille de gaz, ailes de poulet, farines, lait, œufs, etc.). État, représentants de la grande distribution et syndicats semblaient bien décidés à trouver un accord, quitte à y passer la nuit… En attendant, les forces de l’ordre s’apprêtent à accueillir des renforts de la Réunion et de métropole et le mot d’ordre pour la journée de vendredi est : restez chez vous.

Leur presse (Juliette Camuzard, Clicanoo.re), 7 octobre 2011.

Mayotte : démission totale !!!

Les négociations se poursuivent alors que les communes de Mayotte ressemblaient à un état de siège. Aucun appel au calme des responsables politiques à la radio, aucun effort des adultes qui regardent les jeunes agresser les automobilistes sans rien dire.

Des jeunes et très jeunes font tomber deux arbres en cours d’après-midi à Koungou

Aucun lien possible entre les villages aujourd’hui à Mayotte. Les barrages et les feux sont allumés un peu partout sur l’île par des jeunes casseurs. Partout ? Non ! Car tel le village des invincibles gaulois, le village de Dzoumogné résiste : « nous, les jeunes adultes avons signalé que tout poseur de barrage serait dénoncé à la Police, et depuis ce matin nous n’avons encore eu aucun barrage ! » affirmait ce jeune croisé sur le bord de la route. Qu’attendent les autres villages pour réagir ainsi ?

Les gendarmes étaient toute la journée au four et au moulin, alors qu’à Dzoumogné, les ambulances ne pouvaient passer, dont une femme enceinte d’un bébé en état de mort fatale qui a du être transportée par la brigade nautique de Longoni à Mamoudzou…

Les chauffeurs de taxi ont décidé de rejoindre à leur tour le mouvement de grève en mettant en place plusieurs opérations escargot qui ont momentanément paralysé le trafic à Kawéni, et le personnel naviguant du Service de Transport maritime (STM) a mis en place depuis mercredi un service plus que minimum : une barge effectue les rotations chaque heure, et aucun véhicule n’est accepté à bord, hormis les urgences et les évacuations sanitaires. Des camions de police qui voulaient intervenir en Petite Terre se sont donc vus refoulés dans la matinée.

Mais le problème actuel de Mayotte c’est qu’elle ne vit plus : les rideaux sont baissés, la consommation est réduite à néant. Les supermarchés ont pu ouvrir un moment en matinée, protégés par la gendarmerie, à la demande du préfet. Mais le Sodifram de Kawéni a du fermer après avoir été pillée dans la foulée par des manifestants en colère…

Du côté des syndicats, après avoir refusé l’ensemble des propositions faites par les décideurs économiques, les leaders se sont entretenus avec leur base ce jeudi matin. Salim Nahouda reste sur la proposition de l’intersyndicale : « que les distributeurs maintiennent leurs marges à 30 % ». Les prix de la bouteille de gaz ont été sujets à débat la veille : « nous demandons que les tarifs soient régulés par décret comme c’est le cas en métropole ou à La Réunion. C’est à dire que de 25 euros proposés par Somagaz et Total, nous pouvons descendre à 20 euros si l’État prend en charge les 5 euros de différence. » Enfin, la proposition de maintenir cette baisse des prix sur un mois « est rejetée. Nous demandons que cela dure le temps des négociations. »

Mais dès le départ des négociations du jour, le préfet Thomas Degos a prévenu : « on ne sort pas tant qu’aucun accord ne sera signé ». Résultat : à 19 heures les parties discutaient toujours, avec des éléments positifs à la clef.

Leur presse (Annette Lafond, Malango Actualité), 6 octobre 2011.

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