[ [ [ Des Sans-papiers s’invitent dans le parc du patron - Yannis Lehuédé

Le temps d’une journée, une partie des grévistes de Nanterre sont venus à Allonnes (Maine-et-Loire) pour demander à leur patron que les salaires soient versés et que 9 de leurs camarades soient aussi régularisés.

En grève depuis le 20 mai à Nanterre, des ouvriers africains ont pique-niqué, le 17 juillet, dans le parc Maupassant, près de Saumur. Ils sont venus dans un jardin à la française, là-bas ils trient des gravats.

« Zola rend visite à Maupassant. » Le mot émane des militants du comité de soutien aux grévistes sans papiers de l’entreprise BMS (Buisson Multi Services), à Nanterre (Hauts-de-Seine). Ces ouvriers, la plupart d’origine malienne, occupent leur lieu de travail depuis le 20 mai. Ils campent sur le site de cette entreprise de démolition, un dépôt à ciel ouvert où sont triés les déchets des chantiers parisiens.

À Allonnes, dans le Saumurois, jeudi midi, une trentaine des 46 grévistes ont débarqué en car, au Parc Maupassant de Bois-Savary. Un jardin à la française, créé de toutes pièces il y a quelques années, par le couple Buisson. Claude, le mari, est leur patron chez BMS. Les bras chargés de caisses de tomates et de pain, les travailleurs sont entrés par la haute grille restée ouverte.

Le déclic de ce pique-nique saumurois ? C’est un reportage de TF1 sur ce parc, qui appartient à Catherine Buisson. « Il y a un choc des contrastes entre leurs conditions de travail et la beauté de ce site », souligne Dominique Kalinski, secrétaire de l’union locale de la CGT à Nanterre.

« Ça fait cinq ans que je travaille sans contrat, du lundi au samedi. De 7 h à 21 h parfois. Payé entre 46 € et 51 € la journée. Parfois on avait un peu plus, quand on restait tard », raconte Amadou Diallo, l’un des ouvriers.

« Ils travaillent sans gants, ni masque, ni chaussures de sécurité », renchérit Dominique Kalinski. « Même sans papiers, ils sont avant tout salariés. Et notre droit du travail reconnaît tous les salariés. » Qui plus est, certains n’ont pas touché de salaires depuis mars.

« D’ici quelques semaines, vous serez payés », répond Claude Buisson. « L’entreprise est désormais en dépôt de bilan. » Avec les syndicalistes, il discute posément : « Je n’ai peut-être pas fait le maximum », admet-il, se disant de bonne foi.

« On ne peut pas dire que c’est la faute à pas de chance. Votre entreprise cumule travail clandestin et conditions de travail innommables », lui répond-on. « J’ai tout de même une certaine gentillesse. Et les gars m’apprécient. Si je n’ai pas pu faire, ce n’est pas parce que je ne voulais pas, mais parce que je ne pouvais pas. »

S’en suit une discussion avec une poignée de salariés serrés autour de lui. Aucune animosité de part et d’autre. Un associé et des contremaîtres sont pointés du doigt. « Je vais essayer de remonter une société et de vous reprendre », glisse Claude Buisson.

En tout cas, il s’est engagé à accompagner une délégation à la préfecture. Depuis le mouvement de grève, 37 des 46 grévistes ont été régularisés. Reste neuf ouvriers encore sans papiers. « Le plus important maintenant, ce sont ces neuf-là », conclut Amadou Diallo.

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