[ [ [ Gatignon : “Pourquoi pas des champs de pavot ou d’herbe en Ile-de-France (...) - Yannis Lehuédé

Stéphane Gatignon poursuit sa courageuse campagne “contre la prohibition des drogues dites douces”, et pour la légalisation du cannabis en particulier.

“Pour rompre avec les narcotrafics internationaux, il est nécessaire de favoriser la cannabiculture en France”, dit-il.

C’est à l’ensemble de la gauche de se prononcer sur ce débat qui est un des principaux débats de société, en France comme dans bien des pays.

Si on veut une véritable alternance, il faut sortir du nucléaire comme de la prohibition – de même qu’il faut aborder la question de la politique néo-coloniale française, en commençant par reconnaître les responsabilités françaises dans le génocide des Tutsi de 1994. Et abroger l’ensemble des lois racistes et sécuritaires élaborées depuis dix ans, de même qu’il faut engager une politique de réduction réelle du budget militaire qui asphyxie les comptes de la Nation.

Seule une gauche qui aura le courage d’une telle politique, véritablement alternative, pourra mobiliser l’ensemble de ses sympathisants qui ordinairement gonfle les rangs abstentionnistes quand la gauche, au contraire, se soumet aux consensus conservateur.

Applaudissons donc Gatignon, l’espoir d’une nouvelle gauche !

Paris s’éveille

4.4.2011

L’un est maire de Sevran (Seine-Saint-Denis) depuis 2001, ville parmi les plus pauvres de France. L’autre est un ancien policier de terrain qui a dirigé des compagnies de CRS dans ce département gangrené par les trafics de stupéfiants. Stéphane Gatignon, 41 ans, ex-communiste qui a rejoint Europe Ecologie en 2010, et Serge Supersac, 54 ans, retraité depuis l’automne, prônent une « réponse lucide », « Pour en finir avec les dealers » : la légalisation du cannabis, conclusion d’une démonstration argumentée qu’ils développent au fil d’un livre à paraître demain.

« Le cercle vicieux ne prendra pas fin avec une intensification des interventions de police », écrit Serge Supersac, qui défend l’urgence de changer la loi. En premier lieu « parce qu’on ne peut pas faire de prévention efficace dans un cadre de prohibition ». Stéphane Gatignon va plus loin : « Il faut en finir avec la prohibition des drogues dites douces, car sinon la banlieue et ma ville en particulier passeront bientôt sous la coupe du crime organisé. »

• Pourquoi prônez-vous la dépénalisation du cannabis ?

STÉPHANE GATIGNON. La France est le pays d’Europe où les lois sont les plus répressives et où l’on fume le plus de cannabis. La pénalisation de cette drogue n’a pas empêché la consommation de masse. Tout le monde le sait, y compris les plus fervents défenseurs de la prohibition. C’est toute l’hypocrisie de la société française. La prohibition favorise par ailleurs l’émergence d’organisations mafieuses. Aujourd’hui, il faut concevoir les usagers du cannabis comme les consommateurs d’alcool ou de tabac. C’est une question de santé publique.

• N’y a-t-il pas précisément de risque sanitaire ?

Non, aucun effet mécanique n’est prouvé entre la dépénalisation et l’explosion de la consommation des drogues, dures ou douces. Regardez l’exemple du Portugal. En revanche, une fois le cannabis dépénalisé et même légalisé, on pourrait enfin, comme pour l’alcool, lancer des campagnes réelles de prévention pour expliquer ses dangers. Expliquer que, lorsqu’on fume, on n’étudie et ne travaille pas dans de bonnes conditions. Dire aussi que 15 à 20% des accidents dans le monde du travail sont en lien avec la consommation du cannabis. Les 650 M€ investis par l’État pour la lutte contre les trafics pourront servir à cette prévention.

• Vous craignez que des villes comme Sevran se retrouvent sous la coupe du crime organisé si rien ne change…

Le risque est réel. On n’est plus dans l’image du petit dealer de quartier. Avec la crise, tout ce qui est argent facile triomphe. Les réseaux se structurent, avec des comptables, des avocats, des businessmen, en sorte qui investissent tous les pans de la société…

• Le travail de la police ne sert-il donc à rien ?

La police fait son travail, mais elle vide la mer avec une petite cuillère. Quand elle démantèle un bout de réseau, un escalier de vente, un autre se met en place. Depuis des années, la pression policière est forte à Sevran. Nous avons d’ailleurs bénéficié en 2007 du premier groupe de traitement de la délinquance relatif à la drogue. Mais on n’arrive pas à s’en sortir. La guerre contre les trafics est déjà perdue. En dix-huit mois, on a eu plus de six morts, sans compter les blessés et les coups de feu qui terrorisent tout le monde.

• Que proposez-vous alors ?

La dépénalisation de l’usage du cannabis, sa légalisation et la mise en place d’une structure économique pour la vente. Pour rompre avec les narcotrafics internationaux, il est nécessaire de favoriser la cannabiculture en France. Pourquoi pas des champs de pavot ou d’herbe en Ile-de-France ? Il faudra aussi proposer du travail aux 100000 dealers de rue, qui touchent entre 900 et 1400 € par mois. Et imaginer, comme pour le tabac, une sorte de Seita (NDLR : Altadis) du cannabis.

• Cela ne relève-t-il pas de l’utopie ?

Non, c’est une question de priorités. Il faut sortir des grands débats moraux. Je ne défends pas une idéologie, mais des solutions pragmatiques.

• Que faites-vous des conventions internationales qui interdisent la production ?

Une discussion internationale s’impose. Plusieurs chefs d’État, en Colombie, au Brésil ou encore au Mexique, défendent cette idée de la légalisation des drogues et de leur contrôle pour sortir de la guerre qu’ils vivent. Sinon, les États risquent d’être contrôlés par les narcotrafiquants.

[Source : Le Parisien]

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