Le 24 novembre, le quotidien suisse 24 heures publiait une interview de maître Aba Neeman, avocat de Bernard Rappaz depuis 1992.
Aba Neeman : « Je n’ai jamais songé à laisser tomber Bernard Rappaz »
Hier, les HUG ont déposé au Tribunal fédéral un recours contre l’injonction de nourrir de force Bernard Rappaz. Une procédure qui, selon son avocat, ouvre la voie pour une interruption de peine. Aba Neeman en a immédiatement fait la demande auprès d’Esther Waeber-Kalbermatten. L’homme qui défend Bernard Rappaz depuis presque 20 ans n’entend pas renoncer. Interview.
• Dimanche, on apprenait que Bernard Rappaz était prêt à renoncer à sa grève de la faim en échange d’une interruption de peine de six mois. Est-il décidé à se comporter comme un prisonnier de droit commun?
– Il me semble. Mais Bernard Rappaz a toujours posé des conditions pour arrêter sa grève de la faim. Cet été, c’était pour préparer sa demande de grâce. Il est engagé dans une épreuve de force parce qu’il estime qu’il a été condamné trop lourdement. Aujourd’hui, il n’y a plus de moyens juridiques théoriques pour contester sa condamnation. A chaque fois que je le vois, je lui dis qu’il faut sortir de cette impasse.
• Et il vous écoute?
– Je l’espère. En tout cas, il me suit sur les procédures. Mais ce qui m’inquiète, ce ne sont pas les échéances judiciaires, c’est le fait qu’il est en danger permanent. Il peut à tout moment avoir un malaise cardiaque.
• Quelles nouvelles avez-vous de son état de santé?
– Le dernier certificat médical en ma possession date du 16 novembre. Il attestait des problèmes de vue, ainsi qu’un ralentissement du cœur à 45 battements à la minute. Les médecins établissent un certificat médical lorsqu’il y a quelque chose de nouveau. Il y a eu un bulletin le 26 octobre, puis le 9 novembre et enfin le 16 novembre. Les deux premiers ont été adressés à l’Etat du Valais, avec une copie chez moi. Le troisième m’a été adressé à la demande de Bernard Rappaz.
• Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois?
–Je lui ai rendu visite jeudi dernier. Je le vois dans une pièce vitrée, il arrive en chaise roulante. J’ai été très choqué de le voir, il y a trois semaines. Je l’avais trouvé tellement maigre et affaibli. Mais maintenant, je ne vois plus tellement de différence. Le diamètre de ses cuisses est effrayant. Ce n’est pas facile d’aller le voir en se disant: «Dans quel était vais-je le trouver?»
• Quel lien avez-vous lui?
– Je suis son avocat depuis 1992-1993. Mais je ne le vois pas en dehors des procès, si c’est ce que vous voulez savoir. C’est un client assez attachant. Il est convaincu de son combat. Les gens passionnés sont intéressants.
• Mais on vous sent assez distant…
– Ce n’est pas mon rôle de donner mon opinion personnelle. Distant, je ne dirais pas. Mais découragé, oui. La dernière décision du Tribunal fédéral me semble très injuste. Il est acquis pour tout le monde que l’on ne peut pas faire une alimentation forcée. En droit, Bernard Rappaz devait être libéré. Je n’ai fait qu’un combat judiciaire. Je ne suis jamais intervenu sur le terrain politique.
• Qu’est-ce que cela représente d’être l’avocat de Bernard Rappaz? Est-ce un client comme un autre?
– Ça ne peut pas l’être. Il y a un aspect émotionnel qui entre en ligne de compte. Et puis, cela prend un temps énorme. Certains amis me disent parfois que c’est le moment d’arrêter. Mais jamais je n’ai songé à l’abandonner. Et je ne le ferai sûrement pas maintenant.
[Source : 24 heures]