[ [ [ Le crime de François Hollande - Yannis Lehuédé

C’est avec la plus grande bonhomie, normal, que le Président de la République s’est fait descendre d’hélicoptère pour passer deux heures sur le Terrible, sous-marin nucléaire qui mérite son nom. "Prodige de science et de technique", fierté de la nation, normal. Ce machin fait régulièrement des séjours de deux mois sous l’eau, chargé à bloc de fusées porteuses de têtes nucléaires capables de pulvériser n’importe quelle région du globe, "à tout moment".

On ne sait où il est, ni d’où il va tirer, mais le Président de la République peut "à tout moment" donner cette instruction. Tuez les tous !

Normal. "C’est un élément essentiel de notre sécurité."

Il s’explique, le Président : il s’agit de "pouvoir utiliser une menace pour garantir la paix". Normal.

Mieux : ça "contribue à la préservation, et de notre statut de puissance dans le monde, et de garantir la paix et la sécurité des Français". Il improvise, c’est pas très bien écrit, normal. Mais il a bien dit que c’est pour préserver "notre statut de puissance dans le monde". Et, accessoirement "garantir la paix et la sécurité des Français". Quant aux autres, qu’ils crèvent. Normal.

“La dissuasion nucléaire est le patrimoine de toute la nation.” C’est tout. Élu président de la République, il se retrouve chef des armées, et c’est comme tel qu’il a “la responsabilité de [la] continuité” de la politique de "dissuasion", et qu’il doit “en assurer la poursuite”.

Et puis, comme il parle, il parle trop, normal, et il révèle un épisode normalement classé "secret défense" : "Heureusement que je ne suis pas venu au milieu de la patrouille, j’ai compris que c’était le moment où cela se relâchait un peu sur le plan moral." Le bonhomme semble bien faire allusion à des événements récents qu’on n’aura pu éviter de lui rapporter tant cela aurait été grave. Que peut donc être du "relâchement moral" ? Indiscipline ? A bord du machin porteur de 16 missiles M51 qui projettent jusqu’à 8000 km de six à dix têtes nucléaires dîtes TN75, qui ont chacune un pouvoir de destruction d’au moins 150 000 tonnes de dynamite, soit l’équivalent de dix bombes d’Hiroshima. Désuète, la TN75 devrait être remplacée bientôt par une nouvelle bombe, élaborée grâce à la recherche par simulation qui se fait depuis qu’on ne fait plus d’essais de ces délicats instruments. Celle-ci s’appelle TNO. Plus puissante. Normal.

Les sous-mariniers dont le moral se relâche après un mois sous l’eau ont entre les mains la possibilité de pulvériser la planète : le Terrible à lui seul est porteur de plus de 1500 Hiroshima.

Pourquoi tant de haine ?

Les États-Unis, la Grande-Bretagne, et même la Russie et la Chine, ont tous laissé entendre ces dernières années qu’ils seraient favorables à l’abolition de l’arme nucléaire. La France, seule, continue à faire l’apologie de la "dissuasion", incitant les uns et les autres membres du Conseil de sécurité à persister dans la voie apocalyptique.

Depuis 2009, après le discours de Prague d’Obama, on a pourtant entendu la voix de deux anciens premiers ministres, Michel Rocard et Alain Juppé, celle de deux anciens ministres de la Défense, Paul Quilés et Alain Richard, et même d’un militaire, ancien responsable des forces aériennes nucléaires d’attaque, le général Norlain, comme celle des consciences les plus respectées, tel Albert Jacquart ou Stéphane Hessel, pour exiger qu’on en finisse avec cette folie.

Plus récemment, un professeur de philosophie en retraite, Jean-Marie Matagne, animateur de l’Action des citoyens pour le désarmement nucléaire, faisait une grève de la faim de 42 jours pour demander la chose la plus normale à notre nouveau président normal : un référendum qui permette au moins au peuple de donner son opinion sur cette politique si inconsidérément coûteuse et manifestement dangereuse. Il ne sera reçu, sur le trottoir de l’Élysée, que par le chef de la sécurité du Palais présidentiel…

Un rapport parlementaire, co-signé par un socialiste, Jean-Michel Boucheron, et un homme à l’extrême-droite de l’UMP, Jacques Myard, précise la pensée "stratégique" française qui, comme aux temps de l’Union sacrée réalisée en 1914, réunit droite et gauche dans la même inconscience cocardière.

"La proposition américaine d’une suppression généralisée des armes nucléaires doit être examinée avec circonspection. Une telle suppression aurait pour effet de donner aux États-Unis, et demain à la Chine, une écrasante supériorité stratégique et politique compte tenu de leur puissance conventionnelle. Cette proposition ne peut constituer un réel facteur de paix que si elle s’accompagne d’une proposition de réduction massive des armements conventionnels."

Voilà qui est finement raisonné, non ? Il faudrait donc engager, à l’échelle mondiale, une politique de désarmement généralisé. La crise économique actuelle en offre la possibilité, à l’heure où les États manquent cruellement de moyens pour faire face aux lourds problèmes écologiques et sociaux auxquels l’humanité est confrontée.

C’est tout à l’opposé de la doctrine française. Au contraire, nos gouvernants insistent pour souligner qu’une telle perspective n’est pas à l’ordre du jour et qu’il faut donc continuer à s’armer, à n’importe quel prix, y compris en persistant à courir le risque d’une destruction totale de la planète…

La "raisonnable" politique française est aujourd’hui le principal boulet que l’humanité doit traîner, à côté de quoi les hystéries idéologiques de pays comme l’Iran ou la Corée du Nord sont en fait négligeables et ne servent que d’alibi à nos nucléocrates qui s’amusent d’ailleurs à entretenir ces adversaires, les protéger, et même à les assister autant que faire se peut pour qu’ils puissent conserver leur fonction d’épouvantails.

Comme l’argumentaire abolitionniste a pris du vent dans les voiles, on assiste ici à toutes sortes de subterfuges pour définir des lignes de retraite qui maintiendraient ce qui est essentiel pour nos dirigeants indignes, de pouvoir encore s’exprimer comme "grande puissance".

Ainsi, on pouvait lire, dans Le Monde daté du 31 juillet, l’intéressante contribution du général Étienne Copel, fameux pour avoir, dans sa jeunesse, en 1973, piloté seul un avion larguant une bombe sur Mururoa. Il quittera l’armée en 1984 pour pouvoir exprimer librement ses critiques, appelant dès l’époque à une armée de métier qui aura vu le jour près de vingt ans plus tard. Il dénonce continument la gabegie militaire, s’insurge contre les nouveaux missiles M51, extrêmement coûteux et parfaitement inutile tant les performances du M45 qu’ils remplacent étaient déjà plus que suffisantes.

Il dénonce aujourd’hui l’inconscience des parlementaires qui ne discutent même pas la politique nucléaire en dépit de son coût vertigineux et de sa totale irrationalité. Et il démonte un par un les arguments des nucléaristes imbéciles :

"Dire que supprimer la dissuasion nucléaire reviendrait à perdre notre assurance-vie est très exagéré. Une affirmation ne vaut pas une démonstration. Les Allemands, qui n’ont pas d’arme nucléaire, sont-ils plus en danger que nous ?"

Finement observé. Il ajoute une deuxième observation de bon sens :

"Il est difficile d’imaginer un cas où la survie de la France ne serait assurée que par son armement nucléaire. Nous ne sommes plus au temps de la guerre froide."

"Aujourd’hui, personne n’a suggéré de cas concret où notre armement nucléaire pourrait encore sauver la France."

Sa conclusion est moins bonne :

"Est-ce une raison pour s’en débarrasser ?“ "Non !" répond-il… "Il peut servir grandement notre politique étrangère."

Ainsi, de droite comme de gauche, sous l’infâme Sarkozy comme sous la présidence “normale” de ce pauvre François Hollande, comme auparavant sous le règne hystérique de Jacques Chirac, le général le plus raisonnable et le plus libre de ses propos ne peut qu’inviter à quelques économies, titrant son article comme un cri de désespoir : "N’abandonnons pas la dissuasion nucléaire"!

On reste sans voix… Ce pays qui aura déjà entraîné l’Europe – et le monde – au moins une fois dans la plus folle des politiques de destruction, en 1914, pour récupérer l’Alsace-Lorraine, dans l’espoir d’assurer sa prééminence face à une Allemagne qui n’en demandait pas tant, ce pays dont la politique coloniale aura, de même, provoqué un torrent de misère et sang sur une bonne partie du globe, ce pays qui, il y a moins de vingt ans, pouvait carrément s’engager dans une politique génocidaire au Rwanda pour maintenir son “influence” en Afrique, ce pays dont la folie furieuse s’habille de placides raisonnements, n’est prêt à renoncer à rien pour creuser le sillon criminel de son orgueil sans mesure.

Paris s’éveille

PS Le 6 août, pour l’anniversaire d’Hiroshima, les partisans de l’abolition des armes nucléaires se rassemblent au Mur de la Paix, devant la tour Eiffel, dès 10 heures du matin, pour un jeûne international de trois jours, jusqu’au neuf août, anniversaire de Nagasaki.

Discours de M. le Président de la République à bord du Terrible

Je voulais venir avec vos officiers généraux, le chef d’état-major des armées, le chef d’état-major de la marine et le commandant de la force océanique stratégique.

Je voulais venir voir le travail que vous effectuez au service de la dissuasion nucléaire. Par ma présence, comme chef des armées et au delà de vous, je confirme l’engagement qui est le nôtre pour préserver ce qui est un élément essentiel de notre sécurité, c’est à dire la dissuasion.

Cette capacité, que nous devons avoir à tout moment, de pouvoir utiliser une menace pour garantir la paix.

Ce que vous faites contribue à la préservation, et de notre statut de puissance dans le monde, et en même temps vous nous permettez, de garantir la paix et la sécurité des Français.

C’est l’occasion pour moi de vous exprimer ma gratitude et celle de toute la nation pour une tâche difficile, celle que vous exercez, dans le respect de l’autorité qui vous est ici donnée à travers votre commandant qui exerce la mission.

Il assume une grande responsabilité puisqu’il est le seul à pouvoir dire comment doit s’effectuer la mission, sauf s’il devait recevoir l’ordre qui viendrait de ma part pour l’engagement de la force de dissuasion.

Le Terrible est le dernier de nos 4 SNLE et c’est un prodige de la technique, de la science, mettant en œuvre un certain nombre de matériels qui rarement ont pu être réunis sur un même bâtiment. Vous pouvez être fiers d’être ici sur ce sous-marin. Et bien peu de nations peuvent disposer d’une dissuasion totalement autonome et indépendante comme la nôtre.

Cet outil est le résultat d’une politique industrielle, d’un effort de recherche, d’ingénieurs, de techniciens qui se sont mobilisés, d’ouvriers également, pour mettre en œuvre ces moyens si complexes. Mais sans vous, il n’est pas possible de les utiliser. C’est vous les sous-mariniers qui permettez, dans ce dernier moment, sur ce sous-marin, d’assurer l’engagement de la France.

La dissuasion nucléaire est le patrimoine de toute la nation. Comme chef des armées, j’ai la responsabilité de sa continuité, je dois en assurer la poursuite. Je dois préserver à la fois un niveau technique qui doit rester de très grande qualité et puis une recherche qui doit être en permanence renouvelée. J’ai été impressionné, pour le peu qui m’a été donné de voir, mais je vais continuer ma visite, par le souci permanent qui est le votre de sécurité et de la difficulté de vivre dans cet espace contraint, restreint, tout en vous concentrant sur votre travail. Vous êtes plus d’une centaine, dans des métiers différents à pouvoir répondre à tous les défis qui vous sont posés.

Donc voilà, je voulais vous exprimer ma reconnaissance, avoir une pensée aussi pour vos proches, pour vos familles, qui pendant plus de deux mois sont sans nouvelles de vous, et qui attendent, et en même temps savent que vous effectuez plus que votre devoir. Vous allez bientôt rentrer, c’est pourquoi vous m’accueillez avec le sourire. Heureusement que je ne suis pas venu au milieu de la patrouille, j’ai compris que c’était le moment où cela se relâchait un peu sur le plan moral. Vous avez aussi eu le sentiment pendant ces deux mois d’avoir vécu une expérience, qui restera gravée dans votre mémoire.

Je veux terminer pour dire que depuis novembre 1972, il y a toujours eu un sous-marin à la mer, c’est à dire que la permanence de la mission a été assurée, 24 heures sur 24, 365 jours par an, pendant 40 ans, il n’y a jamais eu de discontinuité, ce qui fait que nous sommes respectés, et ça va donc se poursuivre. La dernière fois qu’un président de la République est venu en mer dans un sous-marin, c’était en 1974, le sous-marin s’appelait déjà LE TERRIBLE, mais ce n’était pas celui-là, et il s’agissait du président Valéry Giscard d’Estaing. Ensuite, il y a eu des visites régulières à quai de tous les chefs d’Etat. Je souhaitais pendant deux heures, deux heures c’est trop court, par rapport à ce que vous, vous vivez, je souhaitais chercher à comprendre ce qu’était votre mission et montrer que la nation est attentive à la tâche que vous effectuez.

Alors vous savez que la dissuasion nucléaire repose sur deux composantes, la composante océanique, pour laquelle vous vous dévouez, et puis la composante aéroportée et j’aurai à cœur aussi de faire une visite auprès de ces professionnels qui permettent également d’assurer la dissuasion. Je veux donc exprimer deux messages, le premier à toute la nation, en lui disant que malgré les difficultés financières, malgré les contraintes de toutes sortes, malgré les efforts qu’il nous faut engager dans beaucoup de domaines, pour lesquels nous sommes mobilisés, l’éducation nationale, la santé, la solidarité, l’attachement aux plus jeunes, aux plus anciens, nous devons continuer à faire un effort pour permettre que notre dissuasion nucléaire soit toujours respectée. Et puis un message aux sous-mariniers que vous êtes, vous qui êtes dans cette patrouille et à tous les autres qui vont vous succéder, puisque vous allez rentrer, d’autres vont partir, je veux leur dire que nous sommes très fiers d’avoir des équipages aussi professionnels et des hommes aussi mobilisés pour la mission qui leur a été confiée, donc soyez fiers de répondre à votre devoir et de servir la nation comme vous le faites sur ce sous-marin.

Vive la République et vive la France.

[Source : elysee.fr]

Non Monsieur le Président, la « dissuasion » nucléaire ne contribue pas à la Paix,
ni à la sécurité de la France, ni à celle de la Planète

"Je me suis engagé devant les Français pour préserver la dissuasion nucléaire parce que c’est un élément qui contribue à la paix" affirme François Hollande lors d’une conférence de Presse en marge du sommet de Rio, en réponse à la proposition de l’ancien Premier Ministre Michel Rocard sur BFM TV de supprimer l’inutile budget de la dissuasion française.

C’est pourtant la théorie erronée de la dissuasion qui demeure le principal argument de la prolifération nucléaire. Car si les armes atomiques sont si bénéfiques que cela, pourquoi dès lors ne pas permettre leur acquisition par tous ?

A contrario, dans le cadre du sommet de l’ONU sur la Terre, le président de la République aurait pu élargir le propos en invitant les puissances nucléaires à s’engager dans un processus d’élimination de l’arme nucléaire pour consacrer les budgets ainsi dégagés aux financements des grands enjeux de la planète : environnement, climat, agriculture, énergie, objectifs du millénaire pour le développement...

Il n’est plus tolérable de continuer, d’un côté, à produire les outils de l’apocalypse, et de l’autre, de ne pas donner les moyens à la sauvegarde de la Planète et à la satisfaction des besoins humains élémentaires (faim, santé, éducation, habitat, culture). Pour le Mouvement de la Paix, la vraie dissuasion, c’est la construction d’un monde plus juste, plus solidaire, plus démocratique. C’est le sens du programme « Culture de la Paix » de l’ONU.

Signez la Cyber-Lettre adressée à l’Elysée

Certes, le président de la République confirme que la France prendra toute sa place dans les négociations et discussions sur le désarmement nucléaire. Le Mouvement de la Paix demande au président de la République de ne pas en rester au verbe et d’engager la France dans le soutien à la Convention d’élimination des armes nucléaires, actuellement soutenue par 146 États.La France se grandirait de jouer un rôle moteur dans ce processus, en respectant les engagements du Traité de non-prolifération bafoués depuis 20 ans (1) en gelant le programme de nouveaux missiles à tête nucléaire M51 et en s’opposant au projet de défense anti-missile des USA en Europe qui relance déjà la course aux armements nucléaires.

Selon le sondage IFOP/Mouvement de la paix, publié en mars 2012 : "81% des français sont favorables à l’engagement de la France dans un processus de Convention internationale d’élimination totale et contrôlée des armes atomiques".
Au moment où on nous annonce qu’il faut d’urgence trouver 10 milliards pour le budget 2013, il y a là près de 4 milliards disponibles en renonçant à la modernisation illégale des armes atomiques françaises.

Le Mouvement de la Paix invite les citoyennes et citoyens à amplifier leur engagement pour sauver la planète de la destruction atomique, et à soutenir la Lettre-pétition au président de la République du Collectif français de la Campagne internationale pour abolir l’arme nucléaire (ICAN – France).

http://www.icanfrance.org et http://www.mvtpaix.org

Le Mouvement de la Paix

Saint-Ouen, le 22 juin 2012

1 : La France a rejoint le TNP en 1992. Le traité est entré en vigueur le 1er juillet 1970.

Jeûne international pour l’abolition des armes nucléaires du 6 au 9 août 2012 à Paris

Participez au jeûne international pour l’abolition des armes nucléaires du 6 au 9 août 2012 à Paris

Du 6 au 9 août 2012 nous serons plusieurs dizaines à jeûner à Paris, au Mur pour la Paix, devant la Tour Eiffel, pour demander l’abolition des armes nucléaires et en souvenir des victimes de Hiroshima et Nagasaki.

La sécurité par la dissuasion nucléaire est un mythe absurde. Une frappe nucléaire aurait des conséquences humanitaires catastrophiques pour nous tous. Nous vivons sous la menace mondiale de 20 000 armes nucléaires dont 2 000 en état d’alerte prêtes à partir - dont 300 pour la France et 96 en alerte permanente.

L’abolition de toutes les armes nucléaires est un impératif de survie.

Nous voulons le désarmement total et complet sous contrôle international dans le cadre d’une Convention d’élimination des armes nucléaires.

Nous voulons que les États nucléaires cessent de moderniser leurs armes de destruction massive et engagent des mesures réelles de désarmement dès maintenant.

Abolir les armes nucléaires, nous le devons et nous le pouvons !

[Source : demosphère, Vigilance Hiroshima Nagasaki]

Communiqué de presse du Réseau "Sortir du nucléaire" et d’Armes nucléaires Stop - 1er juin 2012

Du 6 au 9 août 2012, jeûne international à Paris pour l’abolition des armes nucléaires

Le 2 juin 2012 est la Journée mondiale pour l’Abolition des Armes nucléaires. Nous saisissons cette occasion pour annoncer la tenue d’un Jeûne International du 6 au 9 août à Paris pour l’abolition des armes nucléaires.

Nous demandons que les États dotés d’armes nucléaires s’engagent enfin dans un processus de désarmement nucléaire général et complet sous un contrôle international strict et efficace. L’article VI du Traité de Non-Prolifération (TNP) leur impose cette obligation, laquelle a été confirmée par l’avis de la Cour Internationale de Justice en 1996. Nous rappelons que les 3/4 des États membres de l’ONU ont voté favorablement sur le principe d’une Convention d’élimination lors de l’Assemblée générale en décembre 2010.

Après la première session préparatoire pour la prochaine Conférence d’Examen du TNP qui s’est tenue à l’ONU à Vienne au début du mois de mai, les ONG qui ont participé activement aux débats sont très critiques sur la volonté réelle de désarmement des États détenant des arsenaux nucléaires. En particulier, la France a continué de répéter que le seul objectif du TNP est la non-prolifération et que le sujet du désarmement n’est pas le problème actuel.

Nous exprimons fortement notre opposition à cette attitude de blocage que le nouveau président François Hollande semble décidé à faire perdurer. Nous rappelons qu’aucun débat citoyen sur la politique de la dissuasion nucléaire n’a jamais eu lieu en France.

En s’engageant concrètement dans la voie du désarmement, la France prendrait un rôle majeur dans un processus international. Elle aurait le soutien des pays européens favorables à une Convention d’Élimination, auxquels pourraient se joindre le Royaume-Uni, l’autre puissance nucléaire européenne, et les pays qui demandent le retrait des armes nucléaires américaines des bases de l’OTAN. Cette politique renforcerait son rayonnement et son prestige sur la scène internationale.

Un Jeûne International pour l’Abolition des armes nucléaires aura lieu à Paris, du 6 au 9 août 2012, dates de commémoration des bombardements nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki.

Plusieurs associations, impliquées dans la campagne internationale ICAN (International Campaign to Abolish Nuclear Weapons), préparent cet événement important dont la Mairie du 2ème arrondissement de Paris est également partenaire. La Maison de Vigilance a organisé depuis 28 ans de tels jeûnes, initiés par Théodore Monod et Solange Fernex. Cette année, la mobilisation de nouveaux acteurs donnera une dimension internationale à cette action de protestation et d’interpellation.

Pourquoi un jeûne international ? Pour reprendre l’appel de Stéphane Hessel et d’Albert Jacquard dans leur récent pamphlet : "Exigez le désarmement nucléaire total !"

Réseau "Sortir du nucléaire", Armes Nucléaires Stop, Maison de Vigilance

Réponse de Jean-Marie Matagne, président d’ACDN, au chef de Cabinet du Président de la République, M. Pierre Besnard

Saintes, le 12 juillet 2012

Monsieur le Chef de Cabinet,

J’ai bien reçu votre lettre du 4 juillet 2012 et vous en remercie.

Dans cette lettre vous m’indiquez que mes « récentes correspondances sont bien parvenues au Président de la République », qu’il vous a « confié le soin de (me) répondre », et vous me renvoyez au secrétariat « du Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie » qui me tiendra « informé de la suite utile qui pourra être réservée à (ma) demande ».

Toutefois, malgré tout le respect que je lui porte, je n’ai pas l’impression que Madame Delphine Batho, actuelle Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, pas plus que Madame Nicole Brick avant d’être privée de ce Ministère pour son opposition aux intérêts pétroliers de la Compagnie Shell, ait en charge de gérer l’agenda du Président de la République. Cette tâche ne fait-elle pas plutôt partie de vos attributions ?

La demande adressée au nouveau Président de la République, M. François Hollande, dès le 7 mai 2012, au nom de l’association que je préside, concernait une entrevue avec lui, et ma dernière correspondance en date du 16 juin était tout à fait explicite à cet égard. Permettez-moi d’en citer les passages qui semblent vous avoir échappé, ainsi qu’à Monsieur le Président :

« Je souhaite vous rencontrer parce que vous êtes le président de tous les Français, et si vous êtes accessible aux enfants des écoles maternelles comme aux ouvriers menacés de chômage, vous devez pouvoir l’être également à un citoyen qui étudie la question du désarmement nucléaire et travaille à sa promotion depuis plus d’un quart de siècle. »

« Je souhaite vous rencontrer personnellement parce que, même si je serais heureux de pouvoir rencontrer Messieurs les Ministres de la Défense et des Affaires étrangères, particulièrement concernés par le sujet, chacun sait que, dans la Ve République, c’est le Président qui fixe la ligne générale en ces domaines. »

Or, au moment même où vous m’adressiez votre réponse sur demande du Président de la République, celui-ci se trouvait à bord du SNLE-NG Le Terrible et confirmait sa volonté de maintenir dans son intégralité la force de dissuasion nucléaire française, tandis que le Ministre de la Défense, M. Jean-Yves Le Drian, en faisait autant à la base des SNLE de l’Ile Longue. La ligne était donc fixée.

Qui plus est, la veille, M. Jean-Marc Ayrault, Premier Ministre, avait déclaré dans son discours de politique générale à l’Assemblée nationale : « Pour préparer l’avenir, un livre blanc de la défense et de la sécurité nationale sera élaboré pour la fin de cette année et présenté à votre Assemblée dès l’année 2013, au début, avec une loi de programmation militaire qui suivra. Les choix qui s’imposeront se feront dans la transparence et la cohérence, dans le cadre d’un grand débat ouvert et démocratique d’abord qui associera la représentation nationale. Mais ces choix ont un objectif, une priorité, c’est assurer les conditions de notre indépendance. Notre force de dissuasion – garantie essentielle de notre sécurité – sera maintenue. »

Ceci après avoir affirmé : « Il est fini... le temps où la concertation n’était conçue que pour donner l’apparence du dialogue social à la décision d’un seul. (...) Oui, nous voulons donner toutes ses chances à la démocratie (...) Je crois profondément que les Françaises et les Français veulent être traités en adultes. »

En tant qu’adulte, donc, je constate que le « grand débat ouvert et démocratique » pourra bien porter sur la politique de défense, mais pas sur son postulat fondamental : « Notre force de dissuasion (nucléaire) sera maintenue », car c’est une « garantie essentielle de notre sécurité ». Ce postulat, qui n’a jamais été démontré et ne le sera jamais pour la bonne raison qu’il est possible d’en démontrer l’inanité, relève, lui, du « choix d’un seul » : celui du Président de la République.

Il est donc parfaitement clair que le Président n’envisage même pas, ne serait-ce qu’à titre d’hypothèse méritant considération, l’éventualité d’un référendum qui permettrait aux Français de s’emparer du sujet et de dire si, oui ou non, ils souhaitent continuer à financer leur prétendue défense par la préparation de crimes contre l’humanité au moyen d’armes nucléaires.

Par acquit de conscience, j’ai téléphoné ce 12 juillet au numéro que vous m’avez indiqué comme étant celui du secrétariat de Madame la Ministre de l’Écologie, secrétariat censé me tenir « informé de la suite utile qui pourra être réservée à (ma) demande ». Une jeune femme prénommée Joëlle, qui s’est présentée comme l’une des quatre secrétaires de Madame la Ministre mais qui a refusé de m’indiquer son nom de famille (ce doit être un secret d’État, de même que sont secrets le numéro de téléphone et l’adresse courriel de votre Cabinet, ce qui m’obligera à vous expédier cette lettre demain par la poste et vous en fera connaître la teneur après tout le monde), m’a fait savoir qu’elle ignorait tout de cette affaire.

Dans ces conditions, vous comprendrez, Monsieur le chef de Cabinet, que je ne sois plus demandeur d’aucune entrevue, ni avec Monsieur le Président de la République, ni avec Monsieur le Premier ministre, ni enfin avec aucun de leurs Ministres, puisqu’ils sont tous chargés de mettre en musique la partition dont le Président a déjà dicté le thème mélodique.

Le 25 juin dernier, j’étais venu à l’Élysée avec mon collègue Luc Dazy, le ventre vide, certes, mais porteur de cinq dossiers conséquents et similaires, destinés respectivement à Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre de la Défense, Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale (qui avait attiré votre attention ainsi que celle de votre homologue de Matignon sur ma lettre du 18 mai).

Si vous-même ou l’un de vos collaborateurs nous aviez reçus pour convenir d’une date d’entrevue avec le Président de la République, comme cela nous avait été annoncé par la Préfecture de La Rochelle, je comptais vous remettre ces dossiers à l’intention de leurs destinataires. Je n’ai même pas pu les laisser à la conciergerie de l’Élysée, puisque des policiers nous ont empêchés d’en approcher l’entrée. J’ai dû repartir chargé de mes dossiers mais délesté de mes dernières illusions, déjà bien maigres. Je n’en ai plus aucune sur la politique et les choix du successeur de M. Nicolas Sarkozy.

Je rencontrerai volontiers à titre privé les membres du gouvernement qui me feraient connaître, si c’était le cas, leur intérêt personnel pour une approche des questions de défense sortant des discours habituels, lesquels se perpétuent d’une majorité à l’autre. J’allais dire : d’une dictature à l’autre, car cette politique est bien dictatoriale. Tout esprit démocratique « normal » admettra que seul un dictateur puisse s’arroger le droit de décider, sans procès ni appel, la mort de millions de personnes.

J’écris en tout état de cause à Mme Cécile Duflot et M. Pascal Canfin, sachant que le Parti qu’ils représentent au gouvernement leur demande expressément, depuis le 24 juin dernier, « de tout mettre en œuvre pour que soit mis à l’étude dans un délai rapproché un projet de loi ou une proposition de loi portant l’organisation d’un large débat et d’un référendum sur la question suivante : "Approuvez-vous que la France participe avec les autres États concernés à l’élimination complète des armes nucléaires, sous un contrôle mutuel et international strict et efficace" ».

Je solliciterai à nouveau une audience auprès de Monsieur François Hollande le jour où il voudra bien me faire savoir que la question du référendum est devenue d’actualité. En attendant, il n’est plus pour moi, comme dans la lettre ouverte datée du 10 juillet dont je vous prie de trouver un exemplaire ci-joint, que « François le Terrible », seul maître à bord de nos SNLE.

Veuillez agréer, Monsieur le chef de Cabinet, l’expression de ma considération distinguée.

Jean-Marie Matagne, Président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN)

[Source : ACDN]

Pour un désarmement nucléaire mondial, seule réponse à la prolifération anarchique, MM. Juppé, Norlain, Richard et Rocard

Conçue dans la lutte extrême de la seconde guerre mondiale, l’arme nucléaire est devenue l’outil de la dissuasion mutuelle des deux protagonistes de la guerre froide, rejoints par le Royaume-Uni, la France et la Chine. La dissuasion, associée à la suprématie stratégique des "deux grands" de l’époque, a joué un rôle de limitation des conflits armés pendant la guerre froide ; elle a conservé en partie cette fonction depuis lors. Deux évolutions profondes de la scène mondiale obligent cependant à réexaminer le rôle de l’arme nucléaire pour demain.

D’une part, la variété des conflits après la fin des blocs offre beaucoup moins de prise aux mécanismes de la dissuasion. Beaucoup des acteurs y sont engagés avec des objectifs purement locaux, ne se rangent aux pressions d’aucune puissance globale et n’atteignent pas les intérêts vitaux des puissances nucléaires. Celles-ci ont opté durablement pour des politiques coopératives dans leurs rapports mutuels. Les seuls porteurs d’une contestation globale sont des acteurs non étatiques tentant de répandre leur fondamentalisme. La pertinence stratégique de la dissuasion connaît des "angles morts" de plus en plus larges.

D’autre part, l’instrument de régulation constitué par les accords antiprolifération à partir du traité de 1968 a perdu de son efficacité. Il a pu, voici deux ou trois décennies, amener certains États à ne pas acquérir l’arme nucléaire ou à s’en défaire. Mais les engagements des puissances nucléaires qui fondaient l’équilibre du système n’ont pas abouti. Israël, l’Inde et le Pakistan sont entrés dans le "club" sans résistance, le règlement des crises régionales les plus aiguës n’a pas été obtenu et les détenteurs de l’arme n’ont fait que des progrès limités dans le processus de désarmement auquel ils avaient souscrit.

Ces échecs de la non-prolifération, que confirment et accentuent les actions de l’Iran et de la Corée du Nord, ont des conséquences cumulatives : la légitimité des accords actuels est affaiblie par les proliférations déjà admises, l’efficacité d’un système fondé sur un petit nombre d’acteurs connaissant la cohérence stratégique de l’adversaire est minée par l’arrivée de nouveaux venus. Le phénomène contient des risques d’emballement à terme par la multiplication des protagonistes et par l’instabilité institutionnelle pouvant affecter l’un d’eux. La sécurité internationale est donc gravement en cause. Ajoutons que les succès relatifs obtenus contre la prolifération d’autres types d’armes peuvent être fragilisés par la propagation de la plus puissante des armes de destruction massive qu’est l’arme nucléaire.

La conséquence de ces observations est claire : la réussite de la non-prolifération est une nécessité première pour la paix, et elle repose sur des initiatives urgentes et beaucoup plus radicales des cinq puissances nucléaires reconnues par le traité de 1968. Elles doivent engager un processus conduisant de manière planifiée au désarmement complet, y associer pleinement les trois puissances nucléaires de fait, écarter tout projet de développement d’arme nouvelle, prendre plus d’initiatives et de risques politiques pour surmonter les crises régionales majeures.

Barack Obama, le président américain, a pris des positions très prometteuses dans ce sens à partir de son discours de Prague le 6 avril, puis de ses rencontres avec le président russe Dmitri Medvedev. Un mouvement stratégique majeur peut être en train de s’engager. Les obstacles prévisibles sont cependant massifs : l’attachement aux acquis de puissance de l’establishment politique et militaire aux États-Unis, la méfiance devant le changement des dirigeants russes et chinois, les stratégies régionales de l’Inde, du Pakistan et d’Israël, la difficulté d’obtenir la renonciation de la Corée du Nord et de l’Iran.

La France a une place spéciale dans ce débat par sa tradition d’indépendance, le sens des responsabilités que démontrent la stricte suffisance de son arsenal et la solidité de ses dispositifs de sécurité, sa participation persévérante et constructive à toutes les initiatives de limitation et de contrôle efficace des armements. Elle est tout aussi intéressée que les autres puissances nucléaires au rétablissement d’une non-prolifération crédible. Le message politique de paix et de justice qu’elle entend adresser au monde lui impose d’être un acteur dynamique et créatif du processus de désarmement effectif et équilibré qui peut s’amorcer et qu’espèrent la très vaste majorité des peuples de la planète et tous nos partenaires européens.

Au nom de leur expérience de ce sujet, les signataires de la présente déclaration expriment le vœu que la France affirme résolument son engagement pour le succès de ce processus de désarmement et sa résolution d’en tirer les conséquences le moment venu quant à ses propres capacités, en ouvrant les débats nécessaires dans ses institutions démocratiques et en préparant activement les échéances prochaines de négociation, en premier lieu la préparation de la conférence quinquennale d’examen du traité de non-prolifération nucléaire de 2010.

Alain Juppé, ancien premier ministre ; Bernard Norlain, général, ancien commandant de la force aérienne de combat ; Alain Richard, ancien ministre de la défense ; Michel Rocard, ancien premier ministre.

[Source : Le Monde]

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