[ [ [ Le Préfet Boucault contre le droit de manifester du DAL - Yannis Lehuédé

Ce vendredi, à 10 heures du matin, Jean-Baptiste Eyraud, dit Babar, porte-parole de l’association Droit au logement, est convoqué au commissariat du XVème, après y avoir été déjà entendu hier, jeudi, à 15 heures. Et pourquoi tant de diligence policière ? Parce qu’un CRS a déposé une plainte assortie d’un arrêt de travail de complaisance de 6 jours, sans doute parce qu’il se sera fait un peu mal en le molestant le militant du DAL, lors d’une manifestation qui s’est tenue le 29 novembre, il y a près de deux mois.

Un bout de film permet de se faire une idée de l’ambiance, et duquel des deux pourrait avoir eu le plus mal…

http://droitaulogement.org/suites-a-des-brutalites-policieres-le-29-11-2012/

Soulignons qu’il s’agissait d’une manifestation déclarée en Préfecture de police, qui s’est tenue devant la moins connue Préfecture de région, située 5 rue Leblanc, dans le XVème.

Ceux qui manifestaient ce 29 novembre étaient des familles "oubliées du DALO", c’est-à-dire en droit d’obtenir un logement social et qui n’en ont pas. De simples citoyens ayant un problème de logement, demandant pacifiquement l’application de la loi.

Reconnaissons au DAL d’être probablement l’organisation parisienne qui a la plus large expérience des manifestations, et ce depuis 1990, avec le 9ème collectif de sans-papiers, lui depuis 1996. En 2006 paraissait, chez Robert Laffont, un de ces livres à sensation sur la police, intitulé Place Beauvau : la face cachée de la police, dans lequel était décrit ce service spécial du ministère de l’intérieur (sous Sarkozy), consacré exclusivement à la surveillance du DAL et du 9ème collectif – hommage du vice à la vertu, pourrait-on dire, reconnaissant la qualité du travail militant de ces deux groupes les plus actifs sur la chaussée parisienne.

Avec plus de vingt ans d’expérience d’organisation de manifestations, Babar est certainement un des militants les plus aguerris de la capitale. Ce 29 novembre, le spectacle qu’offrait la police de monsieur Valls n’était certes pas à l’honneur de la gauche qu’il est supposé représenter : on aura rarement vu un tel degré d’atteinte au droit de manifester. Et on en a pourtant vu de belles ces dernières années sous les différents ministres de l’intérieur de la présidence Sarkozy. Mais pas à ce point : dès la sortie du RER, les manifestants, pour une bonne part des femmes et des enfants, se sont retrouvés serrés par un dispositif policier massif, "encagés", comme dit le communiqué du DAL, et dirigés vers une intimidante rangée de cars destinés à rafler tous les manifestants, vraisemblablement pour les parquer dans la nouvelle cellule à ciel ouvert de la rue de l’Evangile, derrière des barbelés – dans ce commissariat spécial anti-manifestations légué par Guéant à Valls et auquel ce dernier n’hésite pas à recourir.

Le 29 novembre, refusant de respecter cette intolérable atteinte au droit de manifester, Babar a tenté de sortir de ce périmètre policier, finissant par se faire plaquer au sol et embarquer, lui seul, ayant réussi au moins à détourner le sinistre scénario de la rafle en cours.

C’est deux mois plus tard qu’on le convoque sous une accusation fantaisiste de violence à agent. Monsieur Valls a bien de la chance que Babar soit moins procédurier que lui. Les multiples plaintes qu’il pourrait déposer, elles, seraient fondées.

On s’interroge pour l’occasion sur le préfet de police, Bernard Boucault, serviteur émérite de tous les gouvernements de gauche au moins depuis 1983. Sarkozy n’aurait trouvé d’autre solution pour le dégager du corps préfectoral que de le nommer directeur de l’ENA. C’est là qu’il aura officié ces six dernières années, avant de reprendre du service sous le nouveau régime de gauche, pour obtenir le graal, la digne consécration d’une riche carrière : la préfecture de police de Paris, la direction d’une des vingt plus grandes entreprises françaises, avec 46000 employés. Et pas n’importe laquelle. Une entreprise qui cumule des pouvoirs aussi bien administratifs que policiers et judiciaires, le Préfet disposant de surcroit des pouvoirs militaires en tant que préfet de défense.

On est en doit de s’interroger sur ce qu’enseignait Bernard Boucault aux futurs administrateurs de la nation, pendant ses six années de direction de l’ENA ? Six ans, c’est long, le temps de former une génération. Faut-il craindre que ces futurs administrateurs aient d’aussi pauvres notions de droit public ? Ne connait-il rien au droit de manifester ? Après une aussi longue carrière, ça serait dommage.

Trève de persiflages. Accordons à Bernard Boucault qu’il connait certainement mieux que nous le droit de manifester et ses subtilités. C’est en toute connaissance de cause qu’il viole la légalité républicaine. Ce qui s’appelle une circonstance agravante. Parmi les circonstances éventuellement atténuantes, on pourrait noter le caractère attendrissant des égards qu’ils rendaient ainsi à son homologue Préfet de la région Ile de France, le protégeant des cris que les miséreux voulaient pousser sous ses fenêtres...

Accordons lui aussi qu’en ces âges de centralisme avancé, la responsabilité directe du ministre de l’intérieur, qui siège à Paris, pas si loin de cette préfecture de région devant laquelle les mal logés se sont vu empêcher de manifester, un ministre d’autant plus responsable qu’il a choisi un Préfet à sa convenance et à celles du Premier ministre et du Président de la république.

Empêcher sans interdire, c’est précisément ce qui qualifie l’abus de pouvoir.

S’ajoute une deuxième procédure contre Babar, non seulement accusé d’avoir blessé le policier qui l’a tabassé, mais coupable d’une deuxième infraction en refusant de se soumettre à la prise d’ADN que la loi permet à la police de prélever pour un oui ou pour un non. C’est peut-être ce qui justifie la deuxième convocation de ce matin. Tant qu’ils y sont les flics pourraient tout autant lui en coller une troisième, en constatant encore aujourd’hui le refus de prise d’ADN – action citoyenne qui a le douteux privilège de constituer ce qu’on appelle un "délit continu", c’est-à-dire qui se reproduit à chaque instant…

Qu’ils en rajoutent ou pas, les flics de Boucault-Valls-Ayrault-Hollande ont déjà su montrer leur faible respect des principes démocratiques fondamentaux tel le droit de manifester.

Paris s’éveille

COMMUNIQUE

Paris le 24 janvier 2013

Suites à des brutalités policières (le 29-11-2012) des poursuites sont lancées contre un porte parole de DAL pour violences à agent et refus de fichage ADN

JB Eyraud, porte parole de DAL fédération, est convoqué vendredi matin à 10h au Commissariat du 15e arrondissement de Paris, 240 rue de Vaugirard, métro Vaugirard. Des militants l’accompagneront pour protester contre ce harcèlement judiciaire.

Une plainte pour violence ayant entraîné une ITT de 6 jours a été déposée par un CRS, celui qui justement avait fait preuve de brutalités a trois reprises contre JB Eyraud, le 29 novembre 2012, devant la Préfecture de région Ile de France. (Voir communiqué du 29 11 12, ci dessous.)

Une manifestation déclarée, et non violente avait été “encagée” par les forces de police, présentes en grand nombre, sans explications, conduisant les familles vers de cars de police stationnés le long de la Préfecture de région. Dénonçant ce traitement JB Eyraud était alors sorti du périmètre policier, et avait été brutalement repoussé, puis jeté à terre, après avoir reçu un coup de poing au visage.

Les choses en seraient restées là, si le policier brutal n’avait pas porté plainte. En effet, la préfecture de police avait cessé depuis d’employer ce dispositif répressif à l’encontre des mal logés.

Convoqué au Commissariat, jeudi à 15h, JB Eyraud a pris connaissance des causes de cette convocation. Puis la police lui a signifié son obligation de se plier a un prélèvement ADN, ce qu’il a refusé.

Après des menaces de mise en garde à vue, JB Eyraud est sortie libre du commissariat, muni d’une convocation pour un nouvel interrogatoire demain, à 10H.

Ce ne sera pas la première fois que la police tente de criminaliser des militants du DAL, et porte des accusations mensongères.

En 1997, lors de l’occupation d’un immeuble Place Iéna, 6 militants préalablement copieusement passés à tabac avaient ensuite été poursuivis. La vérité avait finalement été mise à jour, et les policiers avaient été condamnés, décision confirmée en appel, en 2000.

DAL est une association non violente, et à toujours respecté ce principe, malgré les violences policières, les brutalités et les provocations répétées depuis 20 ans.

Nous rappelons aussi que des poursuites sont engagées contre des cadres du DAL à Rouen, et à Poitiers, où un procès se tiendra le 1er Février à 9h.

Nous demandons l’arrêt des poursuites contre JB Eyraud et tout les militants du logement poursuivis , et que soit mis fin à ces nouvelles pratiques d’encadrement des manifestations, qui restreignent le droit de manifester.

Un toit c’est un droit !

Communiqué du 29-11-2012

Violence policière contre les DALOs et le porte parole du DAL devant la préfecture de région ile de France, Mer. 29 novembre, vers 15h

Pour le troisième mois depuis septembre, les oubliés du DALO avec Droit Au Logement, avaient décidé de se rassembler pacifiquement devant la Préfecture de région Ile de France (située 5 rue Leblanc, au RER C, Bd Victor, Paris 15e) pour exiger que l’État les reloge, en conformité avec la loi .

Une déclaration de manifestation avait été transmise à la Préfecture de police, sans que celle ci n’interdise l’initiative.

Sur place le traitement est hautement policé, comme si cette manifestation présentait une quelconque menace pour les institutions publiques, et l’ordre établi :

• sortant du RER, les familles, essentiellement des femmes et des enfants, sont bloquées aux portes, encerclés, puis “encagés”, par une centaine de CRS équipés de boucliers, et sont poussées vers une place située à proximité de la Préfecture.

• La présence de nombreux cars le long de la Préfecture, vers lesquels sont dirigés autoritairement les familles laisse penser qu’une interpellation est programmée.

• A mi chemin, le porte parole du DAL JB Eyraud estimant que cette forme d’emprisonnement par des policiers lourdement équipés, et parfois brutaux, est dangereux, humiliant, qu’il constitue une atteinte à la liberté de manifester. Il décide de sortir de la “cage”. Il est alors rejeté brutalement à trois reprises, et jeté au sol. Il reçoit un coup de poing sur la mâchoire, ses lunettes et son sac sont projetés au sol. Il tente une troisième fois de briser la “cage” et est cette fois attrapé par le cou et projeté au sol.

• Trois mères de familles ont reçu des coups de bottes de la part de CRS...

[Source : Fédération Droit Au logement]

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