[ [ [ Le procès des "inculpés de Vincennes", un procès inéquitable. Procès de (...) - Yannis Lehuédé

Migreurop - 28 janvier 2010

Le troisième jour de procès débute à 13h35. Comme lors des deux séances
précédentes la salle compte une quarantaine de personnes assises ; une
large part du public venu pour assister aux débats restera à la porte.
La présence policière est plus importante que la veille, moins diffuse
aussi. Une quarantaine de policiers se masse dans le hall et bloque dès
le début du procès les issues du hall. Par conséquent, l’accès aux
étages et jusqu’au couloir principal, seul passage pour se rendre aux
toilettes sont barrés d’uniformes qui en interdisent formellement le
franchissement pour éviter d’hypothétiques dégradations du matériel. Une
vedette de la préfecture de police est amarrée face à la grande porte,
le ton est donné.

De mêmes règles de sécurité impactent l’ambiance de la salle du procès,
saturée de policiers entourant le public. On compte trois gendarmes aux
côtés du tribunal, treize dans la salle, dont une bonne partie regroupée
près des portes d’entrée. La tension, latente, monte d’un cran lorsque
la présidente du tribunal Mme Dutartre annonce que la demande de
récusation présentée la veille par Me Stambouli est rejetée par le
président du Tribunal de Grande Instance (TGI) par ordonnance. Aussi, le
tribunal poursuivra selon sa composition initiale. Me Terrel demande
alors à la présidente de s’exprimer plus fortement car le public, jusque
dans les rangs les plus proches du tribunal, peine à entendre sa voix.
Cette dernière s’en défend, le sénateur Brard (cité comme témoin de la
défense) réclame avec virulence son droit à comprendre les déclarations
de la présidente. Les échanges qui suivront, secs, se soldent par la
sortie de Mme Dutartre, indignée. La séance est suspendue.

La séance reprend une dizaine de minute après, il est environ 14h00. Me
Terrel prend la parole et exprime une doléance de la défense qui au nom
de la publicité de l’audition réclame un plus large accueil du public
dans la salle. Si les bancs sont complets, la chambre a la capacité
d’accueillir des personnes qui resteraient debout, comme il se fait
dans d’autres procès. Ce faisant, Me Terrel désigne les nombreux
policiers qui occupent l’espace du fond. Mme Dutatre rappelle que le
procès est public mais maintient son refus d’accepter toute personne
supplémentaire debout. Face à l’insistance de Me Terrel, elle lève la
séance et se retire. L’atmosphère est électrique. Les échanges entre
avocats et magistrats, acerbes, se déclinent sur fond de protestation du
public resté à l’extérieur de la salle.

L’agacement du public de l’audience est palpable. L’audience de ce
mercredi ne se terminera que quatre heures plus tard, au long desquelles
des pics de tension se font sentir.

Achevés les plaidoiries des cinq avocats de la défense (voir ci-après
les points saillants de ces plaidoiries), la séance est suspendue pour
une vingtaine de minutes. Il est 16h50. Le public de l’audience sort de
la salle mais ne peut accéder aux toilettes. Le ton monde. Les policiers
ne cèderont pas, personne ne peut sortir.

Alors que la fin de la séance approche, un dernier heurt entre avocats
et présidente du tribunal trouvera son règlement en présence du
bâtonnier. Pendant une vingtaine de minutes, ces derniers négocient le
calendrier de la suite du procès. Une fois parvenu au consensus, la
séance s’achève sur une touche enfin positive : monsieur Nadir Otmani,
dernier prévenu en détention provisoire, est libéré. Il est 19h30.

Un procès inéquitable*

Après l’annonce par le tribunal de sa décision de rejeter la demande de
récusation présentée par Me Stambouli, une grande partie des plaidoiries
de la défense, ce mercredi 27 janvier, va consister à démontrer que les
prévenus de l’incendie du CRA de Vincennes ont été victimes d’une
instruction menée entièrement à charge, par un juge d’instruction de
parti pris, dans le cadre d’un procès au rabais. Elle demandera par
conséquent un renvoi pour permettre l’indispensable complément
d’information dans cette affaire.

Une instruction à charge*

  • Aucune des demandes d’actes et d’informations supplémentaires
    présentées par la défense n’a été acceptée, le dossier étant
    principalement constitué des pièces fournies par la police ;
  • Pas de prise en compte du contexte et notamment pas de lien établi
    entre la mort d’un retenu la veille de l’incendie et le déclenchement de
    la révolte dans le CRA ;
  • Refus de verser à la procédure de rapport de la CRAZA (Commission
    nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative
    et des zones d’attente), qui annonce quelques semaines avant les faits
    que les conditions matérielles dans le CRA de Vincennes laissaient
    redouter de graves incidents. Motif : « n’est pas de nature à
    l’établissement de la vérité » ;
  • Dans le dossier il existe de très nombreuses pièces qui concernent la
    téléphonie d’un maintenu (pour qui il y a eu un non lieu) dans le but
    évident de mettre en cause les associations et soutiens, accusés d’avoir
    attisé la violence par le biais de conversations téléphoniques.

Un juge d’instruction de parti pris*

Au cours de l’instruction, le juge a été entendu qualifier la langue
bambara parlée par certains des prévenus de « dialecte » et ironiser sur
la référence à la cérémonie d’accompagnement des morts que les maintenus
se sont plaints de n’avoir pu organiser au CRA après le décès de M.
Souli. Il a fait preuve de partialité en répondant à la place des
policiers, ou en reformulant leurs réponses aux questions posées par la
défense, et refusé de déplacer la date du transport sur les lieux bien
que, fixée pendant des vacances scolaires, elle empêche d’y assister
plusieurs conseils.

Un dossier vide*

Aucun témoignage de policier, aucune photo extraite des bandes vidéo ne
désigne aucun des prévenus comme l’auteur des mises à feu. A l’avocate
du prévenu encore détenu, on a dit que les bandes vidéo le mettaient en
cause mais elle ne peut les voir. On lui a donné des photos, mais qui
montrent un instant T qui ne dit ni ce qui s’est passé juste avant ni ce
qui s’est passé juste après, accompagnées d’un compte rendu de la police
où il est expliqué « ce qu’il faut voir sur les photos », mais rien
n’est vérifiable et parfois ne coïncide.

Une justice au rabais*

  • Tout dans le traitement de cette affaire montre le mépris dans lequel
    sont tenus les prévenus, mépris qui prolonge l’invisibilité du régime
    de l’enfermement administratif et de ceux qui y sont contraints :
  • Malgré l’extrême faiblesse des charges, les prévenus ont fait de très
    longues périodes de détention provisoire qui ne se justifiaient ni par
    l’absence de garanties de représentation ni par les risques de récidive.
  • Il n’a été procédé à aucune enquête de personnalité concernant les
    prévenus, dont certains sont pourtant à peine majeurs.
  • Le procès est prévu pour être expédié en trois demi-journées, alors
    d’autres affaires comptant le même nombre de prévenus peuvent se
    dérouler sur un mois (Clearstream, 112 heures de débat ; Tiberi, 4
    semaines).

Presque toutes les demandes présentées par la défense seront cependant
rejetées, à commencer par la demande de nullité de l’ordonnance de
renvoi devant le tribunal correctionnel, à l’exception du visionnage des
bandes vidéo qui sont à la base de la mise en cause des prévenus.

/Prochaine audience, lundi 1er février 2010 à la 16ème chambre correctionnelle/*.

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