[ [ [ Le PS veut « définir des zones de sécurité prioritaires » - Yannis Lehuédé

Et voilà pourquoi votre fille est muette… On s’étonnait de la mollesse de l’opposition pendant les débats sur la Loppsi. La plus monstrueuse des lois peut passer au Parlement sans susciter plus que quelques aimables échanges à fleurets mouchetés, sans que l’opposition ne prenne la peine de démonter une par une toutes les dispositions inacceptables de cet arsenal liberticide. Les ténors de l’opposition, loin de profiter de l’occasion pour dénoncer les innombrables dispositions irresponsables que prétend imposer l’ordre nouveau sécuritaire, n’étaient capables que de sarcasmes, pour se moquer d’une politique à leurs yeux insuffisamment efficace...

On retrouve ici, à la base de cette abstention scandaleuse de la gauche, les nouvelles conceptions qui sont proposées par le Parti socialiste – et avec lesquelles il pense aller aux élections... Son actuel "monsieur sécurité" s’en expliquait, il y a à peine un mois, alors que son parti tenait un "forum sur la sécurité" qui restera parmi les pages plus honteuses de l’histoire de la gauche. Car c’est bien alors que la Loppsi se présentait au législateur que ces imbéciles prétendaient réfléchir doctement à ces questions auxquelles ils ne comprennent rien. Et la défense des libertés ? Oubliée.

Après l’égalité réelle, le Parti socialiste tient ce mercredi son forum sur la sécurité. Attendu sur ces questions, le PS entend s’inspirer des initiatives prises par ses nombreux élus locaux, notamment dans les villes. Le PS prévoit 9.000 postes de policiers et gendarmes supplémentaires. Mais aussi de prévenir la délinquance en dépistant dès la petite enfance les premières difficultés scolaires, ou d’installer des caméras de surveillance dans certains cas. Le PS veut démontrer que « la crédibilité a changé de camp ». Explication avec Jean-Jacques Urvoas, secrétaire national du PS à la sécurité.

• Le Parti socialiste tient ce mercredi son forum sur la sécurité. Le parti a souvent été accusé de verser dans l’angélisme sur les questions de sécurité. C’est fini ?

Je n’ai jamais considéré que le PS puisse avoir commis un texte qui puisse le taxer d’angélisme. François Mitterrand disait en 1981 : « Il faut des hommes libres dans des villes sûres ». En 2001, nous disions « mieux punir, mieux prévenir ». Ça relève d’un vieux schéma. Qui ne passe pas l’épreuve de l’expérience. Le PS a toujours assumé la complexité de la question. Nous pensons qu’une partie des difficultés de Nicolas Sarkozy est liée au fait qu’il a simplifié a l’outrance la question de la sécurité. Il était atteint d’un strabisme répressif. Nous revendiquons le fait d’avoir plusieurs solutions, dont aucune n’est miraculeuse. Mais sûrement y a-t-il eu des évolutions au PS. Les individus qui parlent ne sont pas les mêmes non plus. Globalement, nous devons faire baisser le niveau de violence dans notre pays. La sécurité n’est pas un État naturel.

• L’action des élus locaux du PS inspire-t-elle vos propositions ?

Honnêtement, c’est la vraie nouveauté de cette démarche. Nos élus se sont depuis très longtemps investis sur ces questions. Ils innovent. Les électeurs ont validé ces innovations. Il serait stupide de ne pas s’inspirer de leurs expériences et de ne pas les généraliser. Par exemple, il faut que nous ayons des intervenants éducatifs. On est toujours sur l’idée que l’éducateur doit avoir sa chance avant le procureur. Que la nuit, ce n’est pas nécessairement à la police de ramasser quelqu’un à 3h du matin. On peut avoir des médiateurs de nuit, des agents de la tranquillité publique. Nous voulons que la police fasse son métier mais on ne combat pas la délinquance qu’avec la police. Elle est là pour interpeler et rechercher. Nous proposons aussi de définir une stratégie locale de sécurité. Les problèmes ne sont pas les mêmes à Pau ou à Aubervilliers.

• C’est le retour de la police de proximité ?

Non. La police de proximité était cohérente et applicable pour la totalité du territoire en même temps. C’était donc extrêmement ambitieux. L’État n’a plus les moyens financiers de faire ça. Nous voulons prioriser notre action. Nous allons définir des zones de sécurité prioritaires, là où l’État est en partie défaillant, nous redéployerons une police des quartiers. La police rentre dans ces quartiers mais n’y reste pas. Nous voulons qu’on voit des policiers dans la rue, mais pas juste en voiture.

• Faut-il plus de policiers ?

Oui, il faut plus de policiers car Nicolas Sarkozy en a supprimé trop depuis 4 ans. 10.000 postes de policiers et gendarmes ont été supprimés. Ce sera 15.000 à la fin de la législature. Nous serons obligés de recréer des postes.

Pour les gardiens de la paix, Sarkozy réduit leur nombre de 103.000 à 99.000 à la fin de la mandature. Nous voulons les remonter à 105.000 à la fin de la législature. Pour la gendarmerie nous augmenterons les effectifs de 97.000 à 100.000.

•Tout cela a un coût…

Cela peut se faire par des choix budgétaires. C’est une priorité pour la sécurité.

• Le PS est-il favorable aux caméras de surveillance ?

Ça dépend pour faire quoi. C’est un outil. Ce n’est pas un miracle. Suivant les usages, vous avez de l’efficacité ou pas. Des caméras dans un bus, un couloir, ça a une efficacité. Nous n’en faisons pas une espèce de solution miracle. Des caméras dans des espaces publics ouverts ne répondent pas au problème de la délinquance. Celui qui a décidé d’être malfaisant dans un lieu ouvert avec caméras, il se dissimule.

• Le PS parle-t-il d’une seule voix sur la sécurité ? Ce n’a pas été le cas sur la convention sur l’égalité réelle…

Normalement oui. L’origine de nos propos vient de l’expertise de nos élus. J’ai fait le tour, je me suis inspiré d’eux. Il y aura nombre de maires cet après-midi à Créteil pour le forum. C’est le résultat d’un travail qui a commencé au lendemain du congrès de Reims. Et depuis septembre, il y a un comité de pilotage.

• Gérard Filoche, qui fait partie de l’aile gauche du PS, s’étonne que François Rebsamen, dans un entretien au Nouvel observateur, propose de prévenir la délinquance en « dépistant dès la petite enfance les premières difficultés scolaires ». Que lui répondez-vous ?

Gérard Filoche a tort. Il faut regarder ce que nous disons. Nous agissons d’abord pour la protection de l’enfance. Ce sont des pratiques qui ont produit des résultats au Canada. Il ne s’agit pas de déceler un gêne de la délinquance. Ce n’est pas ça. Quand on s’aperçoit qu’un gamin est en situation de violence à l’école, qu’il a un comportement qui interpelle un adulte, c’est de la responsabilité des éducateurs de s’en occuper. Le président du tribunal de Bobigny le dit. La société doit s’occuper de ces signes annonciateurs de comportement et de souffrance. Il s’agit de protéger l’enfant.

• Entre François Rebsamen, Manuel Valls, vous-même ou d’autres, les prétendants se bousculent pour occuper le poste de ministre de l’Intérieur, en cas de victoire du PS…

Cette question se pose de manière trop rapide. Je suggère qu’on achète un canapé en attendant, comme on est plusieurs à s’assoir dessus ! Chaque chose en son temps. Notre réflexion ne s’arrête pas demain. Nous faisons des propositions, puis il y aura des arbitrages globaux quand le PS va rassembler tous ses forums. Peut-être que des choses que nous dirons ce soir ne seront pas poursuivies.

• La sécurité avait été un sujet majeur de l’élection présidentielle en 2002. En 2007, le sujet avait porté Nicolas Sarkozy. Qu’en sera-t-il en 2012 ?

Ce sera évidemment un sujet de la campagne présidentielle. Nous entendons démontrer l’efficacité de la gauche et que la crédibilité a changé de camp. Sinon nos maires n’auraient pas été réélus.

[Source : Public Sénat]

In der gleichen Rubrik