[ [ [ Le silence pour réveiller les consciences - Yannis Lehuédé

À Toulouse et à Lille

Ils étaient près de 120, mardi 26 mai, à être venus observer non pas une mais 60 minutes de silence, place de la République à Lille. Comme tous les derniers mardis du mois depuis un an de 18 h 30 à 19 h 30, ils se tiennent là, silencieux, en cercle autour de la dalle des droits de l’homme pour manifester leur refus des méthodes expéditives d’interpellation, d’arrestation, d’enfermement et d’expulsion des étrangers. "Pour que la France redevienne le pays des droits de l’homme", dit simplement une banderole à l’extérieur du cercle.

Mardi, autour de la même heure, dans plus d’une soixantaine de villes de France, petites, moyennes ou grandes, des cercles de silence étaient simultanément organisés. Une simultanéité exceptionnelle voulue pour interpeller les candidats aux élections européennes.

Initiés par les franciscains de Toulouse fin 2007, les Cercles du silence rassemblent aujourd’hui chaque mois dans plus de 120 villes de France, près de 10 000 personnes, croyants et non croyants, sexagénaires, quadras, jeunes salariés ou étudiants, hommes d’affaires cravatés ou enseignants, militants associatifs ou simples citoyens... "Le silence est une discipline exigeante mais qui est à la portée de tous. Beaucoup de personnes sont prêtes à cette exigence à cause de la gravité de ce qui se passe", confie le frère Alain Richard. Doyens de la communauté des franciscains de Toulouse c’est lui qui a lancé le premier cercle de silence en octobre 2007 sur la place du Capitole pour dénoncer l’enfermement des sans-papiers au centre de rétention de Blagnac-Cornebarrieu. A 84 ans, ce religieux catholique, à la fois disciple de Saint-François d’Assise et de Gandhi, promène sa barbe blanche aux quatre coins de la France, multipliant écrits
et conférences pour expliquer son action silencieuse. C’est durant la guerre d’Algérie que cet ingénieur agronome de formation, entré dans les ordres en 1947, a découvert la force de la non-violence. "Ce n’est pas un "truc", une recette, mais un chemin pour être plus humain", dit-il, estimant que l’enfermement des sans-papiers "détruit ce qu’il y a de plus humain en nous".

“PLUS FORT QUE LES MOTS”

Le silence ne laisse pas indifférent. Ce mardi, à Lille, les passants qui traversent en flots réguliers la place de la République à cette heure de sortie des bureaux, ralentissent le pas, "interpellés". Beaucoup s’arrêtent pour lire le tract que deux des habitués du cercle, restés à l’écart pour ne pas troubler le silence, leur tendent. Certains rejoignent le cercle, comme Chloé 27 ans, frappée par ce silence qu’elle dit "plus fort que les mots."

"C’est important que tout le monde participe à ce type d’actions.", dit Olivier, 29 ans, vendeur dans un magasin de prêt à porter qui, passé un jour à côté du cercle du silence est revenu pour y prendre part. Il a posé ses écouteurs et son gobelet de soda, ne serait-ce qu’un quart d’heure pour protester contre "ces trop grandes injustices".

[Source : LE MONDE]

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