[ [ [ Les Sans-papiers de Bruxelles occupent... les grues - Yannis Lehuédé

Leur nombre ne fait qu’augmenter. Une puis trois, et maintenant, six grues sont occupées par une quarantaine de Sans-papiers.

Mardi 22 juillet déjà, trois sans-papiers étaient montés sur une grue, place des Martyrs à Bruxelles face à l’Office des Etrangers. Il s’agissait de trois Iraniens, une femme et deux hommes, qui menaient une grève de la faim à la maison de l’Amérique latine à Ixelles. Ils réclamaient un titre de séjour d’une durée minimale de neuf mois et un permis de travail C, comme l’avaient obtenu les grévistes de la faim de l’église du Béguinage au bout de 56 jours de jeûne.

Le samedi suivant, les sans-papiers funambules étaient redescendus après avoir passé quatre nuits suspendus à quelques dizaines de mètres de hauteur. « Les trois grévistes n’ont reçu aucun titre de séjour provisoire, ni promesse de régularisation », avait tenu à préciser lundi l’Office des étrangers, qui avait refusé de négocier directement auprès des Iraniens ou des Collectifs de soutien aux sans-papiers.

Cette action spectaculaire a inspiré d’autres Sans-papiers à Bruxelles

Cinq grévistes de la faim de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) sont montés sur deux grues dimanche soir et ont été rejoints durant la nuit par deux autres occupants du bâtiment de l’avenue Buyl à Ixelles. Une troisième grue a été prise d’assaut par deux sans-papiers qui ne font pas partie des grévistes de l’ULB.

Lundi, peu avant 17H00, 14 sans-papiers ont à leur tour profité de l’absence de périmètre de sécurité dans la rue Grétry pour monter sur la grue et rejoindre ses trois premiers occupants.

A ces 23 sans-papiers de haut vol, se sont ajoutés 7 autres personnes montées en fin d’après-midi sur une grue d’un chantier situé à l’angle du boulevard Emile Jacqmain et de la rue de Malines, à Bruxelles.

Deux nouvelles grues bruxelloises ont été investies, dans la nuit de lundi à mardi. Six personnes sans-papiers sont montées sur une grue de la place Schuman et plusieurs autres individus sont montés sur une grue près du Palais des Beaux-Arts.

Sur la seule place De Brouckère, où l’action a débuté, une trentaine de demandeurs d’asile occupent donc les quatre grues du chantier du futur casino, a indiqué un étudiant du CAS (Comité d’actions et de soutien aux sans-papiers) de l’ULB. « Ils occupent aujourd’hui toutes les grues du chantier et ont passé la nuit à différents étages des grues », précise un étudiant de l’ULB. « Toutes ces personnes sont en grève de la faim et plusieurs d’entre elles sont également en grève de la soif. C’est pour elles la seule manière d’obtenir un titre de séjour ». En occupant l’ensemble des grues du chantier, l’action paralyse les travaux en cours sur ce site.

Dans la nuit de lundi à mardi, un nombre indéterminé de personnes sont également montées sur une grue près du Palais des Beaux-Arts. Six immigrés d’origine marocaine ont par ailleurs pris d’assaut une grue sur la place Schuman.

Un rassemblement a été organisé ce mardi 29 juillet place De Brouckère par le Comité d’actions et de soutien aux sans-papiers de l’ULB. Le CAS dit comprendre le geste désespéré des occupants des grues.

« Nous sommes indignés par la politique criminelle et discriminatoire de la ministre de l’Immigration, une politique du chantage qui encourage les grèves de la faim et les tentatives de suicide pour l’obtention d’un titre de séjour ». « Toutes ces personnes ne font pas partie des grévistes de la faim de l’ULB », précise un membre du comité d’action. « Il y a aussi des personnes qui menaient leur action à Saint-Josse-ten-Node et qui ont décidé de passer à l’étape suivante ».

La coalition gouvernementale au pouvoir en Belgique se déchire sur le dossier des Sans-papiers, entre partisans de la fermeté et de la souplesse. « Quand les décisions seront mûres, on les prendra », a déclaré la semaine dernière le chef du gouvernement Yves Leterme, sans donner d’échéance.

Pour l’heure, les autorités belges affiche leur fermeture. « Nous ne discutons pas avec les personnes qui mènent des actions. Il n’y a pas de dialogue et il n’y en aura pas », a affirmé mardi le directeur de l’Office des étrangers, Freddy Roosemont. Annemie Turtelboom, la ministre libérale flamande en charge de la politique fédérale de migration, est sur la même ligne. « Nous ne négocions pas », a annoncé son porte-parole. La formation centriste francophone CDH n’est pas du même avis. Mais, l’un de ses membres, le ministre de l’Emploi de Bruxelles Benoît Cerexhe, a créé la controverse en s’engageant à accorder des permis de travail pour raisons humanitaires aux sans-papiers titulaires d’une autorisation de séjour ou d’une preuve d’inscription.

Quelques chiffres :

Les associations de défense des sans-papiers estiment à 100.000 le nombre de ressortissants étrangers en situation irrégulière en Belgique, sur une population de 10 millions d’habitants. 2.403 personnes ont été régularisées à la fin mai sur 8.780 dossiers, indiquent les dernières données officielles.

La Belgique a procédé en 2007 à 23.000 arrestations administratives, expulsé près de 9.000 clandestins et facilité le départ volontaire de plus de 2.500 autres, selon l’Office des étrangers.

Also in this section