L’action de trois sans-papiers iraniens qui étaient montés sur une grue face à l’Office des étrangers à Bruxelles en réclamant leur régularisation a fait école. Le nombre de grues prises d’assaut, a augmenté et mardi dernier une quarantaine de sans-papiers occupaient six grues à Bruxelles. Depuis les pressions subies ont conduit la plupart des occupants à retrouver le plancher des vaches.

Grue occupée sur le chantier du casino
Le Bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Freddy Thielemans, a écourté ses vacances en revenant mardi 29 juillet de son lieu de villégiature pour gérer une crise inhabituelle. Ce jour là, une quarantaine de sans-papiers occupaient six grue de la capitale Belge. De retour à Bruxelles, il a déclaré que contrairement à certains nombre de politiques qui n’en n’ont pas le courage, il avait le devoir en tant que bourgmestre d’être présent à chaque fois que des événements majeurs se déroulaient dans la Ville mais qu’il ne pouvait intervenir sans un ordre de justice sauf s’il jugeait qu’il y avait un risque pour la population. Monsieur Thielemans faisait probablement allusion à l’attitude de la Ministre VLD de la Politique de migration et d’asile, Annemie Turtelboom, qui a déclaré depuis son lieu de vacances : « Nous ne discutons ni ne négocions avec les personnes qui mènent des actions, il s’agit d’un problème d’ordre public et cela est de la responsabilité de la Ville de Bruxelles. »
Mardi soir, une partie des occupants sans-papiers, à bout de force, sont redescendus volontairement des grues avec l’aide des pompiers. Ce même soir, un entrepreneur du chantier de la place De Brouckère du futur casino de Bruxelles où toutes les grues étaient depuis dimanche soir, avait obtenu l’autorisation du juge des référés de procéder à l’expulsion des éventuels derniers occupants le lendemain matin.
Des unités spéciales d’intervention étaient prêtes à déloger les quelques récalcitrants restants qui risquaient tout simplement d’être arrêtés, conduits dans des centres fermés et être rapatriés de force. Cette menace semble avoir porté. Le jour même il ne restait plus beaucoup de sans-papiers sur les grues du Casino de Bruxelles. Par crainte d’une expulsion, la majorité d’entre eux est redescendue volontairement.
Les pompiers et la police de Bruxelles ont déployé un important réseau de sauvetage, pour venir en aide aux sans-papiers affaiblis par leurs grèves de la faim et de la soif. « Nous sommes ici uniquement pour accompagner les gens qui veulent descendre. Nous n’y obligeons personne », a insisté Tanguy du Bus de Warnaffe, commandant des pompiers.
Selon un responsable du chantier, quelques sans-papiers occupaient toujours les grues mercredi matin. L’entrepreneur, a alors envoyé un huissier signifier auprès des derniers occupants qui refuseraient de descendre l’ordonnance d"évacuation prononcé par le juge des référés. La police a tenté d’identifier les derniers occupants.

Évacuation d’un occupant des grues du chantier du casino
La police n’est pas intervenu de manière musclée. Le dernier sans-papiers a avoir accepté de descendre volontairement a été emmené vers 19 heures à l’hôpital Saint-Pierre en vue d’y être examiné. Il devrait par la suite introduire un dossier auprès de l’Office des étrangers et ne devrait pas être poursuivi, a indiqué Ali Sayahi-Ofi, un ancien sans-papiers qui a négocié avec lui.
La police a établi un périmètre de sécurité autour de la grue, installée rue Grétry dans le centre de Bruxelles, pour empêcher tout nouveau coup d’éclat. Mais un homme avait échappé à la vigilance des policiers en se cachant dans l’engin de chantier. Peu avant trois heures du matin le récalcitrant a malheureusement chuté de l’engin alors qu’il descendait de la grue le long d’un câble. Le sans-papier souffre de multiples fractures. Ses jours ne seraient plus en danger.

Grues occupée rue Schuman
Ailleurs dans Bruxelles, deux grues d’un chantier situé au rond-point Schuman étaient encore occupée par six sans-papiers. L’un des occupants, a fait savoir par téléphone qu’ils réclamaient des papiers et qu’ils attendraient pour cela aussi longtemps qu’il le faudra.
Le sans-papier a ajouté qu’ils sauteront de la grue si des policiers devaient les expulser ou même s’approcher d’eux. Une requête a été introduite par l’entrepreneur du chantier, devant le juge des référés pour obtenir l’évacuation des six sans-papiers qui occupent deux grues du chantier depuis trois nuits, a-t-on appris auprès des autorités de la Ville.
Trois sans-papiers ont tenté de remonter sur une grue du chantier du Casino. Ils n’ont pas obtempéré aux injonctions des policiers, ont forcé le périmètre de sécurité et se sont ensuite rebellés, ont indiqué les autorités. Finalement arrétés par la police, ils devaient être déférés au parquet.
Par ailleurs, des sans-papiers ont escaladé mercredi les échafaudages de l’église du Béguinage à Bruxelles. Jeudi matin ils étaient huit a occuper l’échafaudage. Selon un des deux curés de l’église, Daniel Alliet, la police a indiqué qu’elle pourrait procéder à une évacuation des lieux. Les forces de l’ordre auraient précisé aux occupants que si ces derniers redescendaient sur base volontaire avant l’intervention policière, ils ne seraient pas identifiés et a fortiori pas poursuivis.
De son côté, Daniel Alliet a déclaré que « l’ouverture de son église aux sans-papiers n’était, dans le contexte actuel, pas un bon signe ». Il a annoncé qu’il préparait, en collaboration avec les syndicats FGTB et CSC, des actions en faveur de la régularisation pour la rentrée.
Le porte-parole de la Coordination nationale des sans-papiers, Abdel Bouchoukh, a dit mercredi lors d’un point presse tenu au rond-point Schuman, qu’il soutenait les actions des occupants des grues. « C’est la seule manière de faire passer un message. La fin justifie les moyens. Nous prônons des actions plus dures car les autres mouvements de sans-papiers n’obtiennent aucun résultat. Nous tentons toutefois de contrôler la situation mais le mouvement est en marche et s’étend. La seule issue actuellement pour les sans-papiers est de monter sur les grues », a-t-il déclaré.
La Confédération Construction a invité mardi les autorités à intervenir à la suite des déclarations de M. Bouchouckh dans la presse suggérant « la mise en place d’un mouvement massif d’occupations des grues ».
« Les travailleurs doivent rester solidaires. La lutte des travailleurs sans-papiers est un combat de tous les travailleurs. Je connais un grand nombre de sans-papiers qui travaillent au noir sur des chantiers, principalement en Flandre. Les entrepreneurs intelligents dont les grues sont occupées devraient engager symboliquement les occupants sans-papiers », a répondu le porte-parole de la Coordination nationale des sans-papiers.
De son côté, le bourgmestre de Bruxelles a épinglé mardi la responsabilité des personnes qui incitent les sans-papiers à risquer leur vie sans participer eux-mêmes à ces actions extrêmes. « Ce n’est pas nous qui jouons avec la vie des sans-papiers mais bien la ministre de la Migration qui les rend désespérés. Nous tentons de sensibiliser les gens et créer un dialogue pour ne plus être méprisés », a rétorqué M. Bouchouckh.
Turtelboom "doit répondre aux situations d’urgence"
Le Premier ministre Yves Leterme, dont le gouvernement est divisé sur la question des sans-papiers, refuse de céder à ce qu’il estime être un « chantage » des clandestins. Il laisse l’Office national des étrangers négocier avec eux au cas par cas. »
Le parti socialiste exige de la ministre de la Politique de migration et d’asile Annemie Turtelboom qu’elle « fasse les ouvertures nécessaires pour répondre aux situations d’urgence (des sans-papiers), par exemple en octroyant des titres de séjour valables au moins jusqu’à l’entrée en vigueur de la circulaire ou, à tout le moins, en suspendant l’éloignement des personnes qui pourraient en bénéficier ».
Le PS a insisté mercredi pour que « soient pris au plus vite les textes nécessaires à l’exécution de l’accord de gouvernement, et apporter ainsi plus d’objectivité et d’humanité dans la question des sans-papiers ».
« Loin de soutenir ou d’encourager des attitudes extrêmes », le PS estime que « les grèves de la faim sont avant tout suscitées par l’absence de décision en matière de régularisation ». Ce parti regrette que « conjuguant cynisme et mauvaise foi, certains partenaires de la majorité ont empêché le gouvernement de prendre les mesures pourtant inscrites dans l’accord de gouvernement et ont voulu faire porter sur les villes et communes la responsabilité de la gestion des grèves de la faim ».