[ [ [ Lycéens, squats: Montreuil sur une poudrière - Yannis Lehuédé

Médiapart rapporte le témoignage de l’écrivain Yves Pagès sur les événements de Montreuil :
«Devant le lycée, j’ai vu des policiers surarmés, en tenue de robocop, un déploiement de force complètement disproportionné par rapport à la situation. Je suis parent d’élève de ce lycée, j’ai interpellé un des policiers. Il m’a mis sous le nez son flashball et m’a dit: “ces morveux n’ont qu’à rester chez leurs
parents, connard”...»

Ce qui indique que les forces de polices ont été envoyées contre les lycéens avec instruction de se servir de leurs flashballs. Préfet et ministres coupables de cette politique criminelle doivent démissionner.

La police est de sortie, ce jeudi 14 octobre à Montreuil-sous-Bois. Deux expulsions de squats et des affrontements violents avec des lycéens en grève en l’espace de quelques heures: le préfet de Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, ancien patron du RAID, a déployé les grands moyens, cars de CRS, tonfas, flashballs, gaz lacrymogènes, avec dans le viseur, des cibles diverses. Résultat: des personnes à la rue, des sans-papiers arrêtés, des lycéens choqués, dont un hospitalisé après avoir été blessé au visage par un tir de flashball et une
ambiance électrique partout dans la ville.

Tout commence par l’expulsion de deux squats, à l’aube. Les policiers font d’abord irruption dans un lieu appelé le «hangar», dans lequel logeaient des étrangers sans papiers, principalement d’origine malienne. Selon plusieurs témoignages, six personnes sont arrêtées et placées en garde à vue. C’est ensuite au tour de la Demi-Lune, tout près de là, d’être encerclée. Y vivaient depuis deux ans des militants actifs dans la lutte contre les expulsions de Roms et de sans-papiers. Cet endroit servait aussi de salle de concerts et de débats, dans le sillage de la Clinique, dont l’évacuation il y a un an et demi s’était terminée par un drame similaire: un manifestant avait été atteint à l’œil par un tir de flashball.

Présent jeudi matin au moment des faits, un des résidents de Demi-Lune, rencontré devant la mairie de Montreuil en milieu de journée, raconte que les policiers ont «défoncé les portes», qu’ils ont exigé des personnes vivant là qu’elles ne prennent que le «minium nécessaire» et que les«pelleteuses sont tout de suite arrivées pour tout détruire». Alerté sur ce qui se passait, l’écrivain Yves Pagès s’est rendu à proximité du squat. Il explique que de là, un détachement de CRS est parti vers le lycée Jean-Jaurès. «Je les ai suivi en scooter», dit-il.

«Et là, devant le lycée, poursuit-il, j’ai vu des policiers surarmés, en tenue de robocop, un déploiement de force complètement disproportionné par rapport à la situation. Je suis parent d’élève de ce lycée, j’ai interpellé un des policiers. Il m’a mis sous le nez son flashball et m’a dit: “ces morveux n’ont qu’à rester chez leurs
parents, connard”. Un autre, qui était muni d’une gazeuse, m’a dit qu’il fallait bien qu’il se défende. Il y a eu des tirs de lacrymogènes et de flashballs. J’ai vu le blessé dans le camion de pompier. Il y a eu aussi un gamin qui a été arrêté et menotté devant ses camarades. Des jeunes filles ont pris leur premier coup de tonfa. Qu’on lâche, comme ça, des CRS sur des gamins, grévistes, en plus, c’est inadmissible.»
Et il dénonce l’«hyperbanalisation» de l’usage du flashball dans les banlieues, «là où les flics ont un sentiment d’impunité. Jamais des policiers n’interviendraient comme ça en plein Paris!»

Des affrontements violents ont eu lieu, même la police en convient. Selon une procédure rodée dans ce type de cas, la préfecture de Seine-Saint-Denis diffuse via l’AFP ses «éléments de langage»: les policiers «ont été la cible de jets de projectiles», un jeune de 16 ans a été «légèrement blessé au visage par un tir de flashball», l’adolescent a été évacué à l’hôpital André-Grégoire de Montreuil et l’Inspection générale des services (IGS) «a été saisie» par le préfet.

«À partir du moment où des lycéens bloquent des établissements, nous ne pouvons plus répondre de leur sécurité, car certains blocages risquent de dégénérer en début d’émeutes urbaines», déclare de son côté à l’AFP l’inspecteur d’académie, Daniel Auverlot.

Vers 13 heures, plusieurs centaines d’élèves des trois lycées de Montreuil, Condorcet, Eugénie-Cotton et Jean-Jaurès, se réunissent devant la mairie. Margot, en terminale S, explique pourquoi elle manifeste contre les retraites: «On ne bloque pas par plaisir. Sarkozy veut obliger nos parents à travailler plus longtemps, sans qu’ils aient plus de droits, alors que nous, nous allons arriver sur le marché du travail, nous n’aurons pas de travail. C’est le monde à l’envers!»

À cette heure, outre les lycéens, une foule hétéroclite de Montreuillois se retrouve devant la mairie, des enseignants indignés, des syndicalistes CGT et employés territoriaux en colère, des agents de la mairie houspillés par des militants opposés aux expulsions de Roms. Messages successifs et désordonnés au mégaphone, rumeurs en boucle sur les événements de la matinée. Ça part dans tous les sens.

Certains des lycéens rejoignent, en métro, les manifestations parisiennes à Jussieu ou devant le Medef. D’autres, de manière spontanée, marchent dans la ville. Avant de traverser le périphérique, en direction du lycée Ravel, une cinquantaine d’entre eux s’engouffrent dans un centre commercial, en ressortant aussi vite qu’ils étaient entrés, mais semant la panique chez les commerçants.

Une fois dans Paris, leur cortège se délite, les forces de l’ordre interviennent là encore à coups de gaz lacrymogène. Les yeux rougis, plusieurs jeunes rentrent chez eux, avec un sentiment d’incompréhension énorme: «Demain, on va revenir, on bloquera le lycée, et là on aura nos capuches, nos baskets et de quoi nous
défendre!», lance Fatima, en première comptabilité au lycée Eugénie-Cotton.

Dans l’après-midi, les violences trouvent un écho jusqu’au Sénat où Dominique Voynet (Verts), la maire de la ville, prend à partie Éric Woerth: «J’ai bien compris que vous cherchiez à faire porter à la gauche la responsabilité de troubles que votre aveuglement et votre surdité seuls expliquent (...), que vous êtes en difficulté face à la rue. Mais je vous pose la question: le pouvoir est-il à ce point
fébrile qu’il en soit réduit à ce genre de provocation? Que vaut donc un pouvoir politique quand il en est réduit à tirer sur ses enfants?»

Ce à quoi le ministre du travail répond, cinglant: «Je salue le sang froid et le professionnalisme des forces de l’ordre en France», s’en prenant à «tous ceux qui attisent, qui poussent les jeunes à descendre dans la rue».

Lors d’une conférence de presse, Dominique Voynet précise que le lycéen touché par le flashball a «trois fractures au visage», qu’il «va être opéré demain (vendredi)» et qu’il «risque de perdre un œil».


[Source : Mediapart]

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