[ [ [ Perpignan : faire du chiffre en arrêtant les étrangers qui rentrent dans leur (...) - Yannis Lehuédé

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La Cimade avait déjà interpellé les médias en mars 2009 sur les arrestations à la frontière
franco-espagnole de Marocains qui rentraient dans leur pays d’origine. Pourtant, ce phénomène n’a pas
cessé d’exister depuis.

Rappelons qu’au mois de mars, au total 27 Marocains ont été interpellés, placés en garde à vue, puis en
rétention avant d’être reconduits au Maroc alors qu’ils voyageaient à bord de bus à destination du Maroc,
munis de leur billet retour.

Entre avril et juin 2009, 23% des personnes placées en rétention au centre de rétention administrative
(CRA) de Perpignan étaient en route vers leur pays d’origine. La majorité des ces personnes venaient
d’Italie et retournaient au Maroc. Mais nous avons également rencontré des personnes d’autres
nationalités (Ukrainiens, Moldaves, Algériens, Colombiens, etc.) qui, dans les mêmes conditions, se sont
vues reconduire de force après avoir séjourné en moyenne 8 jours au CRA de Perpignan.

Les interpellations de ces personnes par les services de la police aux frontières (PAF) des
Pyrénées-Orientales interviennent sur la frontière franco-espagnole, soit dans la gare de Cerbère, soit
sur la plateforme autoroutière du Perthus. Cette pratique mise en place par la préfecture des
Pyrénées-Orientales est l’illustration parfaite de la politique du chiffre initiée par Nicolas Sarkozy
quand il dirigeait le ministère de l’Intérieur. Officialisée et ouvertement médiatisée par le ministre de
l’Immigration, cette politique vise – dans les discours officiels – la lutte contre l’immigration
clandestine en France. Or, le fait d’interpeller, de placer en garde à vue, puis en rétention des
personnes qui rentraient chez elles est loin d’illustrer cette volonté...

N’oublions pas les coûts matériels et financiers, et surtout humains d’une telle politique : ces
personnes subissent une privation de liberté de plusieurs jours, l’humiliation des menottes et de la
présentation devant un juge avant de retourner dans leur pays pour lequel ils avaient déjà acheté et payé
par leurs propres moyens les billets de bus ou de train.

Les Marocains constituent l’écrasante majorité des personnes placées au CRA de Perpignan. Généralement,
ces personnes voyagent à bord de bus assurant une liaison Italie – Maroc, et fréquemment, avec beaucoup
de bagages. Or, la reconduite au Maroc depuis Perpignan se fait – sauf exception - par avion. Ainsi, les
personnes qui avaient déjà payé un billet, doivent encore mettre leur argent sur la table pour payer le
surplus de bagages une fois présentées à l’embarquement.

Les Algériens qui souhaitent rentrer et qui sont placées au CRA de Perpignan prennent le train ou le bus
jusqu’au sud de l’Espagne d’où ils embarquent sur les ferries à destination d’Oran ou d’Alger. Le
problème des bagages déjà mentionné pour les Marocains se retrouve ici.
Nous rencontrons en rétention également des touristes, c’est-à-dire des personnes qui sont de passage
dans l’Union européenne (UE), donc également munies d’un billet de retour.

La préfecture des
Pyrénées-Orientales a – à plusieurs reprises – placé des personnes en rétention qui avait un départ pour
leur pays (Mauritanie, Mexique, Ukraine) moins de 24h après leur interpellation. Pour la plupart, ces
personnes souhaitaient se rendre à l’aéroport de Barcelone.

Un exemple parmi tant d’autres (qui s’est bien terminé) : en mai, la PAF contrôle, au Perthus, une
voiture immatriculée en Russie. A bord trois hommes et une femme, tous de nationalité russe, ont une
bonne situation dans leur pays : ingénieur, gérant d’une société d’électricité et photographes. Ils
n’étaient pas en train de fuir. D’autant plus que leurs conjoints respectifs étaient restés là-bas.
Munis de visas touristiques d’une durée de 30 jours, ils ont été mal renseignés sur la validité de ces
documents : délivrés par les autorités polonaises, ces visas n’étaient pas valides pour tout l’espace
Schengen, mais uniquement pour la Pologne. Cependant, à l’ambassade de Pologne à Moscou, on leur avait
dit : « Vu que la Pologne fait partie de l’Union européenne, il n’y aura pas de problème ». Cela s’est
avéré vrai dans un premier temps lors de contrôles en Autriche et en Italie. La dernière destination du
voyage était Barcelone, où 2 des 4 personnes voulait réaliser un travail photographique. Contrôlés à la
sortie du territoire français, ces 4 touristes apprennent par la PAF que leur visa n’est pas valide ni
pour la France ni pour l’Espagne. Immédiatement, ils proposent de faire demi-tour et de retourner en
Pologne.
Aucune discussion possible, aucune place pour le bon sens. Les personnes sont placées en rétention et
leur voiture immobilisée au Perthus. Les 4 doivent repartir en Russie – décision à laquelle ils ne sont
pas opposés – mais en avion. Et la voiture ? La préfecture nous répond qu’ils n’ont « qu’à demander un
visa Schengen pour la récupérer »... Après moult interventions auprès du préfet et grâce à l’appui du
consulat de Russie à Marseille, elles ont, après 5 jours passés en rétention, été finalement libérées.

On peut s’interroger sur les raisons qui poussent la préfecture à procéder à de telles pratiques. La
réponse est simple : en arrêtant des personnes souhaitant rentrer, les autorités préfectorales tiennent
des personnes documentées (passeport, laissez-passer, carte nationale d’identité) dont la seule volonté
est de quitter la France, et le centre de rétention, dans les plus brefs délais. Par conséquent, ils ne
formeront pas de recours contre les décisions de reconduites à la frontière et ne déposeront pas de
demande d’asile. Ainsi, ce sont des personnes « facilement expulsables » qui permettent aux services
préfectoraux de remplir les objectifs chiffrés qui leur sont dictés, chaque année, par le ministère de
l’Immigration.

[Source : Cimade]

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