Le président de l’Union syndicale des magistrats (USM) et sa consoeur du Syndicat de la magistrature (SM) se sont dits samedi «consternés» et «désolés», au lendemain d’une manifestation et de réactions de soutien à sept policiers condamnés à la prison ferme par le tribunal de Bobigny.
Par ailleurs, les cinq parlementaires UMP de Seine-Saint-denis ont exprimé samedi leur solidarité aux sept policiers. Les députés Éric Raoult, Patrice Calméjance et Gérard Gaudron, et les sénateurs Philippe Dallier et Christian Demuynck «apportent tout leur soutien et leur solidarité aux policiers, au préfet (de Seine-Saint-Denis, Christian) Lambert, ainsi qu’au ministre de l’Intérieur, qui face à une délinquance de plus en plus violente, effectuent un travail efficace contre les délinquants et les trafiquants de drogue». Ils expriment également «leur étonnement vis-à-vis d’un jugement disproportionné».
«Que le ministre de l’Intérieur soutienne des policiers condamnés pour des faits particulièrement graves, c’est ahurissant. Qu’un syndicat de police dise qu’on porte atteinte au métier de policier, c’est consternant», a déclaré Christophe Régnard (USM, majoritaire) à l’AFP.
Sept policiers de Seine-Saint-denis ont été condamnés vendredi à des peines allant de six mois à un an de prison ferme pour avoir menti et accusé à tort un homme. «Un homme aurait pu rester en détention toute sa vie» à cause de ces fausses déclarations, souligne M. Régnard.
«Ce qui m’ulcère, c’est le parallèle qu’ils (certains syndicats) font entre les condamnations des policiers qu’ils jugent sévères et les remises en liberté de délinquants à Bobigny dans d’autres affaires», a poursuivi le président de l’USM. «Je conteste que la justice soit laxiste», a-t-il dit. «Ca fait quinze ans qu’on nous dit la même chose sur Bobigny, mais aucun chiffre ne démontre un laxisme particulier» dans ce tribunal, affirme M. Régnard.
Le ministre de la Justice Michel Mercier, que les syndicats de magistrats ont appelé à réagir dans l’affaire des sept policiers condamnés à de la prison ferme par le tribunal de Bobigny, «ne souhaite pas alimenter la polémique». «Il ne lui appartient pas de commenter la décision rendue par le tribunal de Bobigny», a-t-on ajouté à la Chancellerie.
«Les policiers doivent être irréprochables»
«Une fois de plus, on n’a pas entendu le ministre de la Justice», déplore également Clarisse Taron, présidente du Syndicat de la magistrature (SM, gauche). «Ce qui me désole, c’est qu’on renforce une guerre police-justice qui n’a pas lieu d’être», a-t-elle déclaré à l’AFP.
«Je travaille tous les jours avec des policiers, qui, je pense, ne cautionneraient pas le comportement de leurs collègues» condamnés, a-t-elle assuré. «C’est sûr qu’un policier qui faute est condamné plus lourdement. Mais comme les magistrats, ils doivent être irréprochables», a estimé Mme Taron. «C’est un des fondements de la démocratie: qu’on puisse faire confiance en la police», a-t-elle ajouté.
A propos des critiques de policiers envers les magistrats, elle a déclaré que «la plupart des magistrats prônent l’ordre et la sécurité». «On n’est pas un corps révolutionnaire», a-t-elle dit, soulignant: «notre rôle est d’appliquer les règles de la procédure pénale».
Déclarations «scandaleuses»
Martine Aubry a lancé samedi au ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux qui a critiqué un jugement concernant sept policiers à Bobigny: «Laissez les magistrats faire leur travail!» car «quand on doute de la justice, la République n’existe plus».
Faisant allusion aux «atteintes» faites à la presse, au fait que «le gouvernement n’ait pas renoncé à supprimer le juge d’instruction, le seul juge indépendant aujourd’hui», la patronne du PS a prévenu: «Nous ne pouvons pas accepter que M. Hortefeux, une fois de plus, attaque les magistrats sur une décision qu’ils ont prise vis-à-vis des policiers.»
«La République, c’est l’impartialité de l’Etat», a assuré Mme Aubry, très applaudie, à la tribune de la convention Egalité réelle.
Dans un communiqué, l’ancienne ministre PS de la Justice, Elisabeth Guigou, élue de Seine-Saint-Denis, s’est dite «consternée par ce (qu’elle) voit et ce (qu’elle) entend». «Je comprends l’émotion des fonctionnaires de police, leur travail difficile spécialement en Seine-Saint-Denis, et qui subissent la politique du chiffre du gouvernement, ainsi que les réductions d’effectifs. Mais je trouve inadmissible que le ministre de l’Intérieur se permette de critiquer des décisions de justice», poursuit-elle.
«Cela ne devrait pas exister dans une démocratie. La sécurité est un problème grave dans notre pays. Pour le résoudre, il est indispensable que police et justice travaillent ensemble. Les déclarations du ministre de l’Intérieur qui attise les oppositions, sont irresponsables et nuisibles à la sécurité des Françaises et des Français», conclut Mme Guigou.
Vendredi, l’ex-garde des Sceaux Marylise Lebranchu, a condamné «avec fermeté» cette manifestation qui appelle «des sanctions immédiates contre ceux qui viennent de mettre en cause publiquement la justice alors qu’ils sont dépositaires de l’autorité publique».
Respect de la constitution
Par ailleurs, le président d’honneur du PRG, Roger-Gérard Schwartzenberg, a estimé samedi que Brice Hortefeux avait «enfreint la Constitution et le code pénal» en jugeant que la condamnation de policiers à de la prison ferme, à Bobigny, pouvait «légitimement apparaître» à la profession «comme disproportionné».
«Il serait souhaitable que le ministre de l’Intérieur respecte la Constitution et le code pénal. Critiquer publiquement le jugement rendu par le tribunal de Bobigny enfreint le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, qui interdit à l’exécutif de s’immiscer dans le fonctionnement de l’autorité judiciaire», a explique M. Schwartzenberg dans un communiqué.
(Source AFP)