[ [ [ SANS PAPIERS NI FRONTIÈRES - Yannis Lehuédé

Du 26 au 30 mars se tiendra à Tunis le Forum social mondial 2013. Des collectifs de sans-papiers français avaient été déjà présents au FSM précédent de Dakar, en février 2011, mais, n’ayant pas obtenu les laissez-passer des autorités françaises, ils n’avaient pas pu se faire représenter par des sans-papiers véritables, femmes et hommes non régularisés, mais résidant et travaillant en France depuis des années. Il s’agissait alors, comme aujourd’hui, de prendre eux-mêmes la parole à cette tribune mondiale, pour faire retentir leurs voix de contestation de la condition qui leur est faite, damnés de la terre du XXIe siècle, parias au ban des États modernes.
Depuis, les actions menées les ont conduits à penser qu’aujourd’hui la situation est mûre pour porter leur défi sur un plan nouveau et supérieur. Non seulement il y a eu l’expérience de Dakar, et en même temps celle de la caravane Bamako-Dakar [voir la Voix des sans-papiers, n. 3 et 4]. Il y a eu surtout la marche européenne de juin 2012, qui a vu une bonne centaine de sans-papiers français traverser à plusieurs reprises, un mois durant, des frontières européennes, publiquement, au vu et au su de tout le monde et notamment des autorités, dûment informées au préalable, de l’Europe et des pays traversés (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, France, Allemagne, Suisse, Italie) pour aller manifester dans plusieurs capitales et villes importantes à côté de leurs homologues belges, allemands, suisses, italiens rassemblés au sein d’une même organisation, la Coalition internationale des sans-papiers et migrant-e-s (CISPM) [voir la Voix des sans-papiers, n. 8 et 9].
En suivant la même méthode, publique et pacifique, il s’agit maintenant de franchir les frontières méridionales de l’Europe, ces frontières mêmes où tant de sans-papiers venus d’Afrique ont déjà péri en mer. Il s’agit de franchir ce mur dressé entre le Nord et le Sud du monde, rideau de fer derrière lequel le Sud est tenu aux marges, acculé souvent dans la misère et la faim, toujours dans les chaînes de l’esclavage moderne, par les forces surarmées de l’agence européenne FRONTEX [acronyme du français frontières extérieures], spécialement créée.
Entreprise désespérée ? Ces sans-papiers vous répondront que désespérées sont leurs conditions de vie en France. Que la vie de leurs familles, de leurs villages en Afrique, est désespérée. Que leur migration est le plus souvent un exil, conséquence directe de ce désespoir. Ils vous diront qu’ils se sentent légitimés, dans leur action militante pour la liberté de circulation et d’installation de tous les migrants dans tous les pays du monde, par les frontières mêmes qu’ils vont traverser, ces frontières devenues supérieurement symboliques, pour tous les migrants, par les milliers de morts récents, leurs frères et sœurs en route de survie vers l’Europe.
Ils vous diront : « Même repoussés de notre voyage aller-retour aux deux rives de la Méditerranée, notre tentative ne sera pas vaine. Si nous ne passons pas, le monde entier verra combien l’Europe, la France, ces championnes des droits de l’homme, les réservent en réalité à une minorité privilégiée de l’humanité, mais les foulent aux pieds les premières, s’il s’agit de la partie restante. »

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