[ [ [ Stéphane Gatignon : “Pour en finir avec les dealers” - Yannis Lehuédé

En finira-t-on un jour avec l’absurde prohibition des drogues et la ridicule persécution du cannabis ? Aujourd’hui, c’est un CRS à la retraite (ancien patron de compagnies de CRS en Seine Saint Denis !) et le maire d’une des communes les plus sinistrées de banlieue parisienne qui lancent ce cri d’alarme conjointement : il faut légaliser. Sinon, dit Gatignon, "sinon la banlieue et ma ville [Sevran] en particulier passeront bientôt sous la coupe du crime organisé". Plus largement, à l’échelle planétaire, il voit le danger que "les États risquent d’être contrôlés par les narcotrafiquants".

Rassurons-le : c’est déjà fait. En France, comme au Mexique, au Maroc ou aux États-Unis, cela fait belle lurette que le trafic est en fait une entreprise d’État.

Comme le nucléaire, la prohibition est le deuxième pilier de ces États pseudo-démocratiques qui sont en fait de véritables entreprises criminelles.

On voit comment aujourd’hui la prohibition leur permet d’instaurer la société sécuritaire absolue que propose la Loppsi.

À ce propos, on peut relever que l’article 108 de la Loppsi légalise le trafic d’État.

Cannabis sans frontières et le CIRC (Collectif d’information et de recherche cannabique) auront signalé ce scandale ultime, mais on aura remarqué comment cet article n’aura suscité aucune réaction – par même de la coordination antiloppsi pour laquelle la question était trop complexe, trop "clivante".

C’est qu’on est, là aussi, au cœur des contradictions de la gauche, qui par paresse intellectuelle se contente des préjugés ambiants plutôt que d’aborder de front cette question.

Notons que les Verts se distinguent néanmoins dans ce paysage terne, ce pourquoi Stéphane Gatignon aura quitté le Parti communiste et rejoint Europe Écologie.

Paris s’éveille

L’un est maire de Sevran (Seine-Saint-Denis) depuis 2001, ville parmi les plus pauvres de France. L’autre est un ancien policier de terrain qui a dirigé des compagnies de CRS dans ce département gangrené par les trafics de stupéfiants. Stéphane Gatignon, 41 ans, ex-communiste qui a rejoint Europe Écologie en 2010, et Serge Supersac, 54 ans, retraité depuis l’automne, prônent une « réponse lucide » « Pour en finir avec les dealers » : la légalisation du cannabis, conclusion d’une démonstration argumentée qu’ils développent au fil d’un livre à paraître demain.

« Le cercle vicieux ne prendra pas fin avec une intensification des interventions de police », écrit Serge Supersac, qui défend l’urgence de changer la loi. En premier lieu « parce qu’on ne peut pas faire de prévention efficace dans un cadre de prohibition ». Stéphane Gatignon va plus loin : « Il faut en finir avec la prohibition des drogues dites douces, car sinon la banlieue et ma ville en particulier passeront bientôt sous la coupe du crime organisé. »

Pourquoi prônez-vous la dépénalisation du cannabis ?

Stéphane Gatignon. La France est le pays d’Europe où les lois sont les plus répressives et où l’on fume le plus de cannabis. La pénalisation de cette drogue n’a pas empêché la consommation de masse. Tout le monde le sait, y compris les plus fervents défenseurs de la prohibition. C’est toute l’hypocrisie de la société française. La prohibition favorise par ailleurs l’émergence d’organisations mafieuses. Aujourd’hui, il faut concevoir les usagers du cannabis comme les consommateurs d’alcool ou de tabac. C’est une question de santé publique.

N’y a-t-il pas précisément de risque sanitaire ?

• Non, aucun effet mécanique n’est prouvé entre la dépénalisation et l’explosion de la consommation des drogues, dures ou douces. Regardez l’exemple du Portugal. En revanche, une fois le cannabis dépénalisé et même légalisé, on pourrait enfin, comme pour l’alcool, lancer des campagnes réelles de prévention pour expliquer ses dangers. Expliquer que, lorsqu’on fume, on n’étudie et ne travaille pas dans de bonnes conditions. Dire aussi que 15 à 20% des accidents dans le monde du travail sont en lien avec la consommation du cannabis. Les 650 M€ investis par l’État pour la lutte contre les trafics pourront servir à cette prévention.

Vous craignez que des villes comme Sevran se retrouvent sous la coupe du crime organisé si rien ne change...

• Le risque est réel. On n’est plus dans l’image du petit dealer de quartier. Avec la crise, tout ce qui est argent facile triomphe. Les réseaux se structurent, avec des comptables, des avocats, des businessmen, en sorte qui investissent tous les pans de la société...

Le travail de la police ne sert-il donc à rien ?

• La police fait son travail, mais elle vide la mer avec une petite cuillère. Quand elle démantèle un bout de réseau, un escalier de vente, un autre se met en place. Depuis des années, la pression policière est forte à Sevran. Nous avons d’ailleurs bénéficié en 2007 du premier groupe de traitement de la délinquance relatif à la drogue. Mais on n’arrive pas à s’en sortir. La guerre contre les trafics est déjà perdue. En dix-huit mois, on a eu plus de six morts, sans compter les blessés et les coups de feu qui terrorisent tout le monde.

Que proposez-vous alors ?

• La dépénalisation de l’usage du cannabis, sa légalisation et la mise en place d’une structure économique pour la vente. Pour rompre avec les narcotrafics internationaux, il est nécessaire de favoriser la cannabiculture en France. Pourquoi pas des champs de pavot ou d’herbe en Ile-de-France ? Il faudra aussi proposer du travail aux 100000 dealers de rue, qui touchent entre 900 et 1400 € par mois. Et imaginer, comme pour le tabac, une sorte de Seita [NDLR : Altadis] du cannabis.

Cela ne relève-t-il pas de l’utopie ?

• Non, c’est une question de priorités. Il faut sortir des grands débats moraux. Je ne défends pas une idéologie, mais des solutions pragmatiques.

Que faites-vous des conventions internationales qui interdisent la production ?

• Une discussion internationale s’impose. Plusieurs chefs d’État, en Colombie, au Brésil ou encore au Mexique, défendent cette idée de la légalisation des drogues et de leur contrôle pour sortir de la guerre qu’ils vivent. Sinon, les États risquent d’être contrôlés par les narcotrafiquants.

Le Parisien (lundi 04/04/11)

Dans son ouvrage « Pour en finir avec les dealers », qu’il a écrit avec un ancien flic, le maire écologiste [ex-communiste] de Sevran (Seine-Saint-Denis), Stéphane Gatignon, propose une « réponse lucide » contre le trafic de drogue : la légalisation du cannabis, « car sinon la banlieue et ma ville en particulier passeront bientôt sous la coupe du crime organisé ».

« La guerre contre le trafic a échoué, il faut sortir de la prohibition, dépénaliser, légaliser, organiser la vente et la production pour contrôler ce qui est vendu et casser le trafic », argumente-t-il. Selon lui, il est même « nécessaire de favoriser la cannabiculture en France. Pourquoi pas des champs de pavot ou d’herbe en Ile-de-France ? »

Selon lui, « on ne peut pas faire de prévention efficace dans un cadre de prohibition ». « Une fois le cannabis dépénalisé et même légalisé, on pourrait enfin, comme pour l’alcool, lancer des campagnes réelles de prévention pour expliquer ses dangers ».

Selon vous, faut-il légaliser le cannabis ?

Oui Non

Oui

51.9 %

Non

48.1 %

Sur 2895 votants

Publié le 03.04.2011, 23h34

[Sources : LeParisien.fr ; nouvelsobs.com]

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