[ [ [ Un candidat aux législatives accusé par des policiers ! - Yannis Lehuédé

Farid Ghehiouèche, candidat aux élections législatives dans l’Essonne en 2012, a été traîné en justice par des agents municipaux. Lors de sa campagne, agressé par ceux-ci, et pris de colère, il les avait qualifiés de "police fasciste". La scène s’est déroulée le 8 juin 2012 sur le parvis "des Droits de l’Homme", devant la mairie d’Évry, dirigée depuis onze ans par Manuel Valls, fraîchement nommé ministre de l’intérieur.

Lors du procès, vendredi 6 septembre 2013, le tribunal a vite écarté les circonstances de l’incident, les droits bafoués du candidat en campagne et ceux des témoins de la scène. Les faits - indignes d’un État démocratique - sont relatés plus bas dans un communiqué d’élus EELV.
La Justice municipale s’est ainsi principalement intéressée au respect dû aux agents des forces de l’ordre et aux formalités administratives, snobant les droits des simples citoyens et ceux du candidat - indépendant - à la représentation parlementaire.

L’accusé déclarait après le procès :
"Je remercie mon avocat Me Forster qui, dans sa plaidoirie, aura souligné que j’avais bien préalablement déclaré au Préfet le rassemblement pour clôturer ma campagne, et qu’il n’y avait pas eu de notification d’interdiction de la part des autorités. [...] enfin il a insisté sur le fait que les propos incriminés pour qualifier l’attitude de la police municipale (pourquoi la police nationale n’est pas intervenue ?) sont peut être de l’ordre de la diffamation aux personnes et pas à leur fonction."

Ainsi, après avoir longuement examiné la validité de la déclaration du rassemblement de... quatre personnes et d’un mégaphone, le Procureur de la République a réclamé 400 euros de dommages et intérêts pour les policiers victimes d’"outrage".
Malgré la solide formation exigée et leur incontestable expérience, ces derniers semblent toujours traumatisés par les paroles du candidat en colère, ils n’ont pas réussi à chiffrer (sic) le préjudice qu’ils auraient subi ! Leur avocat a finalement demandé 500 € chacun.

Comme le candidat malheureux s’est déclaré "père au foyer", on peut douter que ses revenus lui permettent de rembourser facilement les frais de procédure que le procureur lui réclame de surcroît... Mais, bon prince, ce dernier lui fera l’économie d’une autres procédure judiciaire : celle que Farid Ghehiouèche a intentée pour non-respect du droit à une campagne électorale décente. Après pressions et tentatives d’intimidation d’usage de la part de l’administration, sa plainte a été précipitamment classée sans suite.

L’accusé refuse d’indemniser ne serait-ce "qu’un euro symbolique", mais accepte des travaux d’intérêt général (30 heures requises).

Son plus grand tort est-il d’avoir fait imprimer "Cannabis-Santé-Libertés-Justice" sur ses bulletins de vote ?
Et la lettre ouverte qu’il adressait ce jour-là au nouveau Président de la République [reproduite plus bas], il aura ainsi été empêché de la lire jusqu’au bout. Quand au débat sur la question du cannabis, il n’aura encore pas lieu !

En attendant, le verdict du procès est attendu pour le 17 septembre...

Manuel Valls, qui a depuis laissé la mairie d’Évry à son adjoint, ne cache pas sa position prohibitionniste inflexible, ni son goût pour les jugements expéditifs ! [voir l’article du Monde tout en bas]

Paris s’éveille

Appel aux élus, militants et sympathisants EELV du 91

Vendredi 6 septembre 2013 à 9h, M. Farid Ghehiouèche comparaît devant le TGI d’Evry pour répondre, sur plainte d’agents de la police municipale de M. Francis Chouat (maire d’Evry et successeur de Manuel Valls), pour le délit « d’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique ».

Ces plaintes ont été déposées pour des propos tenus le 8 juin 2012, place des Droits de l’Homme devant l’hôtel de ville d’Evry par Farid Ghehiouèche, alors candidat déclaré aux élections législatives, alors même qu’il organisait l’événement clôturant sa campagne : un rassemblement symbolique sur la Place des Droits de l’Homme à Évry. Ce rassemblement avait été déclaré en préfecture.

Alors que M. Farid Ghehiouèche, candidat indépendant, souhaitait lire dans son porte voix une déclaration à l’adresse du président nouvellement élu, du gouvernement Ayrault et aux futurs élus à l’Assemblée nationale, la Police municipale a-t-elle fait preuve de « discernement » et utiliser des moyens « appropriés » pour empêcher une manifestation publique réunissant... 4 personnes dont une personne amputée d’un bras ? C’est en effet au moment où un agent a tenté de saisir le téléphone portable filmant la manifestation et la tentative d’arracher le porte voix que les mots « police fasciste » ont été prononcés (comme sans doute des centaines de fois à Paris chaque année), entraînant le menottage du candidat, la police municipale l’emmenant au commissariat.
Y-a-t-il eu rupture d’égalité entre les candidats de la 8ème circonscription de l’Essonne ? N’est-ce pas plutôt une simple forme de discrimination à l’égard d’un candidat atypique se présentant au suffrages avec le bulletin de vote de « Cannabis Santé Libertés Justice » ? Un bulletin de vote qu’il a vainement tenté de montrer à la police municipale pour justifier de sa qualité de candidat ?
M. Farid Ghehiouèche a fait de la libéralisation contrôlée de la consommation de cannabis un des combats de sa vie, allant jusqu’à se présenter aux élections sur cette cause précise. C’est un droit absolu en république. En agissant de la sorte, la police municipale d’Evry, pour un motif ridicule d’atteinte à l’ordre public, a porté atteinte aux droits politiques d’un candidat officiel aux élections législatives.
On peut ne pas partager les thèses de M. Ghehiouèche. Elles font débat dans la société. Mais pour témoigner de la rigueur du parcours de cet homme et affirmer que cette atteinte aux droits fondamentaux n’est pas acceptable, Danielle Valero, 2ème adjointe EELV chargé de l’Education à Evry et Jacques Picard, conseiller régional EELV d’Ile de France témoigneront au procès. Ils ont vainement plaidé auprès du maire d’Évry le retrait de cette plainte ridicule.

Alors même qu’un ancien ministre de l’intérieur défend, face à la réalité des consommations et des trafics, des thèses proches de celles de M. Ghehiouèche, l’empêcher de s’exprimer comme candidat est pour le moins insupportable et constitue une atteinte à la démocratie.
L’ensemble des élus et soutiens demandent la relaxe de M. Ghehiouèche et la reconnaissance d’une atteinte à l’égalité de traitement entre candidats.

Sylvain de Smet, Jacques Picard (conseillers régionaux d’Ile-de-France, co-présidents du comité de soutien)

Lettre au Président de la République, François Hollande Interpellation du gouvernement de Jean Marc Ayrault,
A l’attention des futurs députés à l’Assemblée Nationale
- Vendredi 8 juin 2012

Dans le cadre de la campagne électorale « Cannabis Santé Libertés Justice », et pour conclure celle-ci par un message clair, je vous adresse cinq propositions concrètes à mettre en oeuvre pour que le vrai changement s’opère maintenant !

1 - Libérons les balcons : pour une circulaire du ministère de l’Intérieur afin de cesser le harcèlement des usagers, adultes, qui dans un cadre privé font usage ou cultivent du cannabis pour satisfaire leur consommation personnelle ;

2 - Des Cannabis Social Clubs pour la production, la distribution et la consommation dans un cadre privé, collectif et non lucratif ;

3 - Une Agence Nationale du Cannabis Thérapeutique afin d’offrir le meilleur accès aux personnes malades ;

4 – Mise en place d’un Forum de la Société Civile pour la participation active de représentants d’organisations et celles des usagers de drogues à la définition de la nouvelle stratégie de la France (qui doit être adoptée d’ici décembre 2012) en matière de drogues, pour une politique cohérente, pragmatique, audacieuse et responsable ;

5 - Halte aux tests salivaires non fiables.

Ci-après quelques lignes complémentaires pour expliciter ces doléances.

"Santé" parce qu’au nom de la santé publique la politique actuelle est contre-productive comme le souligne la dernière étude européenne ESPAD. Parce que des milliers d’individus gravement atteints par des maladies invalidantes sont toujours considérés comme des personnes délinquantes -car l’accès légal via une "A.T.U" ressemble au parcours du combattant pour des produits pharmaceutiques aux résultats douteux-, alors que le cannabis cultivé naturellement les soulage tout simplement.

"Libertés" parce que fondamentalement la politique de prohibition actuelle est une grave violation de l’article 4 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, etc ... (cf Marcela Lacub « Le Cannabis de la Paix » in Libération 2-3 juin 2012). A cet instant une des revendications urgentes est la suivante : "Libérons les balcons, plantons le cannabis de la paix"... Alors qu’une simple circulaire du ministère de la justice ou de l’intérieur pourrait faciliter cette transition douce vers une politique pragmatique à l’égard du cannabis. Avec une proposition alternative : les Cannabis Social Clubs.

"Justice" pas uniquement parce que les prisons sont surchargées et qu’elles sont des "écoles de criminalité" pour ceux dont le faciès y prédispose ; Mais aussi pour rendre justice à cette plante, le cannabis, chanvre, marijuana dont on se prive d’utiliser tous les aspects, les variétés, les produits alors que cela résoudrait en partie la crise globale...

« Cannabis » parce que ce terme symbolise le fossé entre la jeunesse et l’État, parce que cette plante peut contribuer au redressement national, et surtout pour donner du sens à la politique gouvernementale en la basant sur des preuves scientifiques.
D’une manière générale, les arguments pour la réforme de la loi de 1970 se portent sur les raisons économiques et financières, afin de réaliser des économies budgétaires et réorienter l’action vers une meilleure prévention, bien plus efficace que la répression dont les résultats sont catastrophiques.

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma haute considération.

FARId GHEHIOUÈCHE

[Source : farid2012.org]

La Police municipale a-t-elle fait preuve de « discernement » et utilisé des moyens appropriés pour empêcher cette manifestation publique ?
Y-a-t-il eu rupture d’égalité entre les candidats de la 8ème circonscription de l’Essonne ?
N’est-ce pas plutôt une simple forme de discrimination à l’égard d’un candidat atypique se présentant au suffrage avec le bulletin de vote de « Cannabis Santé Libertés Justice » ?

Farid : « Je leur ai demandé à plusieurs reprises à faire preuve de discernement, leur rappelant que j’étais un candidat officiellement en campagne électorale, qui avait justement pris la précaution d’avertir le Préfet de mon programme de rassemblements publics. Mais c’est parce qu’ils ont effacé les données du téléphone pris de la main de mon ami DJ Soundar qui paraît-il filmait, que j’ai tenu ces propos en hurlant dans mon mégaphone. J’aurai mieux fait d’établir une comparaison avec la Chine ou l’Iran, plutôt que de tirer le constat de méthodes arbitraires. J’estime qu’ils ont violé mes droits civils et politiques, qu’ils ont fait preuve d’intimidation et qu’ils ont commis un vol de données, d’ailleurs je m’étonne que ma plainte n’ait pas été suivie d’effet... ».

[source : Comité de soutien à Farid Ghuehiouèche]

Aggravation des peines pour atteinte aux forces de l’ordre : une demande récurrente Place Beauvau

La demande de peines aggravées contre ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre est-elle une figure imposée des ministres de l’intérieur successifs, de gauche comme de droite, après la mort ou l’agression de policiers ou de gendarmes dans l’exercice de leurs fonctions ?

Samedi 2 mars, en déplacement sur les lieux d’un braquage de bijouterie intervenu deux jours plus tôt dans l’Est parisien, Manuel Valls a ainsi déclaré qu’il lui "paraissait indispensable que les peines aggravées soient appliquées à l’égard de ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre, insultes, caillassages et évidemment atteinte à l’intégrité physique".

Lire : Valls veut aggraver les peines pour atteintes aux forces de l’ordre

"Je ne doute pas que la justice sera sévère, impitoyable", avait-il déjà annoncé le 21 février après la mort de deux policiers parisiens à l’issue d’une course poursuite sur le périphérique.

En vérité, le code pénal prévoit déjà des peines aggravées pour des crimes et délits commis contre les "personnes dépositaires de l’autorité publique", ce que Manuel Valls a rappelé, insistant pour qu’elle "soient appliquées et peut-être aggravées".

"SORTIR DU DOGME DE L’INDIVIDUALISATION DE LA PEINE"

Pour le ministre, cette demande adressée à la garde des sceaux est une autre façon de "construire la confiance" avec les policiers et des gendarmes. "Les policiers sont à fleur de peau, déclarait-il dans Le Monde du 27 février. Il y a une phrase qui revient en permanence lorsque je les rencontre : ’Ne nous stigmatisez pas.’" Après avoir fait état de son scepticisme sur une éventuelle mise en place de récépissés lors des contrôles d’identité, le ministre a récemment repoussé sine die un projet d’arrêté instaurant des contrôles d’alcoolémie et de stupéfiants dans les commissariats.

Lire : Valls ne veut pas heurter des policiers à fleur de peau (pour les abonnés)

"Mon espérance, c’est que ce ministre de gauche, qui fait le même constat que des ministres de droite, puisse, lui, obtenir de la chancellerie et des magistrats un effet plus positif", a réagi auprès de l’AFP Jean-Claude Delage, le secrétaire général du syndicat de policiers Alliance, deuxième syndicat de gardiens de la paix. "Dans certains domaines et sur les peines plancher, il faut sortir du dogme de l’individualisation de la peine", a-t-il ajouté, estimant qu’il faudrait "qu’en certaines matières, les magistrats soient quasiment obligés d’appliquer une peine plancher".

Interrogé par 20Minutes.fr, Virginie Duval, secrétaire générale de l’Union syndicale des magistrats, a elle estimé qu’"avancer qu’on va aggraver les peines de ceux qui s’en prennent aux policiers, c’est être peu compréhensible", et a mis en garde contre un "certain populisme" et l’idée que "la justice n’est pas assez sévère, donc il faut faire une loi plus sévère".

LE PRÉCÉDENT SARKOZY

Ces dernières années, un prédécesseur de Manuel Valls s’était particulièrement distingué sur cette question. Nicolas Sarkozy s’était à plusieurs reprises exprimé en faveur de l’aggravation des sanctions contre les agresseurs de policiers.

Le 19 octobre 2006, le ministre de l’intérieur et candidat UMP à l’élection présidentielle avait dit souhaiter la cour d’assises pour les auteurs d’agressions physiques contre des policiers, des gendarmes ou des sapeurs-pompiers. "Nous avons eu, depuis le début de l’année, 2 390 policiers qui ont été victimes de violences physiques. (...) Ceux qui ne respectent pas l’uniforme, c’est-à-dire la République, on ne les emmènera pas devant le tribunal correctionnel, mais devant la cour d’assises", déclare-t-il sur TF1. Il répondait ainsi à un souhait du premier ministre, Dominique de Villepin, qui, trois jours plus tôt, lui avait demandé, ainsi qu’au garde des sceaux, une proposition "pour durcir les sanctions contre les atteintes aux représentants de l’autorité publique".

Devenu chef de l’Etat en mai 2007, Nicolas Sarkozy était allé plus loin en déclarant lors de son désormais célèbre "discours de Grenoble", le 30 juillet 2010, vouloir déchoir de leur nationalité les Français d’origine étrangère coupables d’atteinte à la vie de policiers. La mort d’un braqueur, tué par la police, venait de provoquer des journées et des nuits d’émeutes dans le quartier de La Villeneuve à Grenoble, avec des tirs à balles réelles sur les forces de police. "La nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un fonctionnaire de police ou d’un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique."

Lire : Nicolas Sarkozy met la déchéance de nationalité au cœur de sa politique sécuritaire (30/07/2010)

En décembre 2010, le discours de Grenoble a en partie trouvé sa traduction législative. La loi d’orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (Loppsi 2) allongeait la période de sûreté à 30 ans pour les meurtriers de personnes dépositaires de l’autorité publique.

La déchéance de nationalité pour les Français d’origine étrangère coupables d’atteinte à la vie de policiers a en revanche été abandonnée. Malgré le soutien de l’Elysée, les sénateurs décidèrent d’abroger cette mesure controversée au moment de l’examen du texte en mars 2011.

Lire : La déchéance de nationalité étendue aux meurtres de dépositaires de l’autorité publique (06/10/2010) et L’UMP recule sur la déchéance de nationalité (08/03/2011)

Quelques jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, le 26 avril 2012, Nicolas Sarkozy annonçait qu’il souhaitait une présomption de légitime défense pour les policiers. "Que la justice dise le droit et nous nous inclinerons, mais je demande que le droit de la légitime défense évolue dans un sens plus protecteur pour les policiers et les gendarmes. Il doit y avoir une présomption de légitime défense. Dans l’Etat de droit, on ne peut pas mettre sur le même plan le policier dans l’exercice de ses fonctions et le délinquant dans l’exercice de ses fonctions à lui ", déclare-t-il lors d’une visite en Seine-Saint-Denis, alors qu’un policier a été mis en examen pour homicide volontaire.

Lire : Comme Marine Le Pen, Sarkozy veut une présomption de légitime défense pour les policiers (26/04/12)

[Source : Le Monde.fr du 04/03/2013]

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