[ [ [ Une brigade de police pour chasser les marchands à la sauvette - Yannis Lehuédé

Une nouvelle brigade de police à Belleville ! Ça manquait… Dans ce quartier pratiquement sous état de siège depuis bien des années, et particulièrement depuis la présidence Sarkozy et la chasse aux sans-papiers dans le cadre de la "politique du chiffre" : pour en faire, du "chiffre", Belleville est réputé. Il suffit de quelques contrôles aux faciès, et c’est bien le diable si on n’a pas trouvé un sans-papiers. Mais tous les prétextes sont bons depuis des années pour déployer des armadas de flics en tous genres dans ce quartier populaire, bien trop vivant pour les cervelles glacées de nos gouvernants – et de nos élus.

Une nouvelle brigade, mais cette fois spécialisée. Spécialisée en quoi ? La chasse aux pauvres ! Car, oui, c’est pour ça que quatre élus socialistes des 10ème, 11ème, 19ème et 20ème arrondissement ont réclamé et obtenu ces renforts. Pour la chasse aux vendeurs à la sauvette, les biffins, qui se multiplient à mesure que la politique anti-sociale de la ville – à l’image de celle de l’État – fait s’accroître démesurément le paupérisme.

Plutôt que de combattre la misère, et de s’attaquer à ses sources – par exemple en proclamant un moratoire sur les loyers –, la ville préfère la pourchasser, dans l’espoir qu’elle disparaisse de la vue de l’électeur. Ça n’est pas sot. Plus on voit de pauvres dans les rues, plus on constate la dégueulasserie des politiques publiques. Le plus simple ? Faire disparaître les pauvres ! Cachez moi cette misère que je ne saurais voir !

Tous les jours, de 14h à 22h, vingt cinq flics arpenteront les trottoirs de Belleville pour tenter d’en faire disparaître les plus miséreux des miséreux, ceux qui vendent quelques paires de chaussettes ou des chargeurs de téléphone, pas cher, à la sauvette. Vingt cinq individus chargés de pourrir la vie de ceux pour qui elle est le plus difficile – même sans eux.

Honte aux politiciens “socialistes”, réduits à de purs spéculateurs immobiliers, qui trahissent ainsi éhontément le mandat qui leur a été donné de défendre le peuple contre ses prédateurs.

Oh, ce sont de "bons gestionnaires", ces messieurs-dames qui s’en prennent aux plus faibles et aux plus démunis, avec l’aide des flics Préfet Gaudin, exécutant des basses œuvres de la très basse sarkozie.

Oui, ils “gèrent”. Mais que “gèrent”-ils donc ? Cela s’appelle des “droits de mutation” – ce qu’on appelle plus banalement des “frais de notaire”, que les notaires perçoivent pour le compte de la ville à chaque fois que se vend un bien immobilier. Cela a rapporté près d’un milliard d’euros cette année 2010 qui vient de s’achever. Un record. Puisqu’on vous dit que ce sont de "bons" gestionnaires.

Mais pour que des frais de mutations fassent plaisir au budget municipal, il faut que la moitié de la richesse sociale s’envole en immobilier. La moitié (au moins) des revenus des habitants de la ville est consacrée au simple fait de s’y loger. Des loyers élevés maintiennent un prix du m2 élevé. C’est simple. Et c’est comme ça qu’on en arrive à payer un milliard dans l’année en simples taxes sur les pierres qui nous abritent. Quand elles nous abritent.

Car pour en arriver là, il faut aussi que ceux qui ne parviennent pas à payer ces loyers de folie soient jetés à la rue. Parce qu’en plus on ose les jeter à la rue. Et pour éviter de finir à la rue et d’y mourir de froid, il n’y a d’autre choix que de manger aux Restaus du cœur – et de vendre à la sauvette ce qu’on peut, dans l’espoir que ça aide à payer le loyer hors de prix qui nous est imposé.

Faut-il souligner que c’est particulièrement sous l’actuel régime du Parti socialiste que ce phénomène a explosé ? Il y avait des sans abri à Paris avant. Beaucoup moins. Les loyers et le m2 étaient chers. Beaucoup beaucoup moins.

Aurait-il été si difficile à un maire animé d’une quelconque préoccupation sociale de décréter un moratoire sur les loyers – empêchant ceux-ci d’augmenter à défaut de les réduire ? Mais comment aurait-il payé les paillettes et le strass qui décorent sa mairie ?

Et maintenant que la catastrophe est déclarée, il déclare la chasse aux biffins.

Signalons au passage que c’est à la demande d’un autre élu parisien, de droite, lui, élu du XVème arrondissement, que le Parlement a adopté l’article 24 sexies de la loi de sécurité intérieure dite Loppsi. À ce titre, les marchands à la sauvette encourent 6 mois ou un an de prison et 3750 ou 15 000 euros d’amende, les peines hautes étant prévues pour le cas où ils ne soient pas seuls... Voilà qui devrait faciliter grandement le travail de la nouvelle brigade anti-biffin. À chaque fois qu’elle en arrêtera, elle aura le pouvoir de le faire disparaître en prison. Voilà qui dégagera assurément les trottoirs. Et qui réglera du même coup le problème du manque de logement social...

Elle est pas belle, la vie ?

Paris s’éveille

Les policiers veulent rétablir le contact avec la population, surtout dans les quartiers difficiles. À partir d’aujourd’hui est déployée la première brigade spécialisée de terrain (BST – ancienne UTeQ pour Unité territoriale de quartier) de Paris. Composée de 25 fonctionnaires, elle est rattachée au commissariat central du 20e et opère autour du métro de Belleville, au carrefour des 10e, 11e, 19e et 20e arrondissements.

Lutte contre la vente à la sauvette

Cette unité de police de voie publique se déplacera essentiellement à pied et sera chargée « d’établir un contact plus affirmé avec la population », détaille Michel Gaudin, le préfet de police qui refuse de parler du retour d’une « police de proximité », un terme qu’il juge « trop polémique ».

Parmi les missions des policiers, la lutte contre le développement des marchés clandestins. « Notre but n’est pas de devenir une brigade anti-vente à la sauvette. Mais ce sera bien évidemment une de nos priorités », précise Roland Toineau, chef de la BST de Belleville.

Par ailleurs, les nouvelles recrues devront glaner des informations sur les réseaux de prostitution et les trafics pour les transmettre aux services de renseignements. « On tiendra compte de l’évolution de la physionomie du quartier. On pourra s’appuyer sur des unités de renfort si nécessaire. Mais l’objectif n’est pas de mettre à feu et à sang Belleville », poursuit le chef de la BST, qui s’attend à « un rapport musclé dans les premiers jours avec certains trafiquants que notre présence va forcément déranger ».

De leur côté, les mairies d’arrondissement sont satisfaites de l’arrivée de cette nouvelle brigade. « La population de Belleville, qui est déjà précarisée, a parfois le sentiment d’être délaissée, abandonnée. La visibilité de cette brigade sera déterminante pour améliorer la qualité de vie dans le quartier », estime Patrick Bloche, maire PS du 11e.

Les policiers, qui ont reçu une formation aux problématiques de Belleville, patrouilleront de 14 h 30 à 22h30. Une amplitude horaire pas forcément adaptée à la lutte contre les « marchés de la misère » du matin. « Il faudra réajuster les patrouilles », selon Frédérique Calandra, la maire PS du 20e.

[Source : 20minutes]

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