“Ce qui était n’est plus, ce qui sera n’est pas encore” a-t-on pu lire sur une liste de discussion SACEML proposée par le site Deepsound. (http://saceml.deepsound.net/)...
Cette liste de discussion invite l’ensemble des artistes et ayant-droits à s’exprimer et à s’informer. Nombres de musiciens, de producteurs ou d’éditeurs, sociétaires pour beaucoup de la SACEM (société des auteurs, compositeurs et éditeur de musique), y échangent leur point de vue.
Internet est, pour eux, un sujet majeur suscitant l’appréhension. Ce n’est pas tant les controverses liées au téléchargement illégal mais aussi celles de l’angoisse d’être noyés dans une archive d’œuvre bien plus vaste.
Si, jadis, la pratique artistique n’était réservée qu’à ceux qui avait le savoir et la bienveillance de mécènes aristocrates, elle n’était réservée plus récemment qu’à ceux qui pouvaient accéder aux outils. Éditeurs, producteurs, distributeurs, diffuseurs ; autant de moyens coûteux qui obligeait la subordination des artistes et l’exclusivité de leur carnet d’œuvre.
Il ne restait plus qu’à internet d’inhiber ces restrictions techniques de diffusion. Nous ne sommes plus à l’heure des niches médiatiques où une population restreinte d’artistes pouvaient seuls avoir accès à des modes de diffusions massives et nourrir telle une perfusion notre inconscient collectif.
Quelques “professionnels” ont encore du mal à l’accepter, mais beaucoup d’autres comprennent qu’ils ne peuvent plus de fait se revendiquer être les seuls à représenter la création.
Nous assistons clairement à une crise identitaire.
L’offre est plus vaste plus éclectique et visible; Nombres d’artistes, loin de l’orchestration du ronron médiatique lancinant, se sont ainsi appropriés ce nouveau système d’échange, de partage et d’accès. Ce média révèle une culture “par tous” alimentée par une population de créateurs bien plus large. Œuvre naïve, pertinente ou majeure, l’art reprend son visage originel comme ce mode d’expression qui caractérise depuis tout temps l’activité humaine et son évolution. Son caractère universaliste et vital dépasse de loin les considérations d’ordre économique, pour certaines compréhensibles, de quelques élus. Avec internet, la culture de la rareté est vaine ; c’est ce qui motive d’ailleurs le lobbyisme intense de l’industrie et de leurs nababs.
À cette prise de conscience, le terme de “concurrence ” a été amené sur la liste SACEML. La compétition entre artistes est elle pour autant appropriée ou nécessaire ? Ne faut il pas plutôt que l’ensemble des populations d’artistes, sans racisme réciproque, soient solidaires afin de reprendre place au centre de l’économie et de l’éthique qu’ils induisent? boutant au dehors les marchands du temple et leur hégémonie maladive.
Une tribune (1) signée, entre autres, par Catherine Deneuve et Victoria Abril, adressée à la ministre de la culture, déclarait : “Aujourd’hui, certains craignent cette révolution et craignent pour leur monopole”. Ces artistes de renom ajoutent que ce nouveau média pour tous, “demandent d’accepter et de nous adapter à ce « nouveau monde » où l’accès à la culture perd son caractère discriminatoire”, (Numérama, le 7 avril 2009). Je rajouterais qu’alors, la possibilité de se démarquer sera condition d’une recherche de l’excellence tant dans la créativité apportée que dans le talent exprimé.
C’est ce fil conducteur qui doit aujourd’hui”hui parvenir à perpétuer ce langage universel, vivace et vivant qu’est l’art.
“Ce qui était n’est plus, ce qui sera n’est pas encore.” La prise de conscience, elle, politique permettra de rendre effectif ce qui sera, je l’espère, une “démocratie culturelle” pour demain.
Didier Guillon Cottard, Association Musique Libre & Artischaud