[ [ [ Visite de l’ambassade d’Argentine afin de dénoncer à la Présidence (...) - Yannis Lehuédé

Le lundi 6 juillet 2009 une délégation composée des collectifs d’Un plateau à l’autre et Si a la vida s’est rendue à l’ambassade de l’Argentine pour remettre une pétition de plus de mille signatures afin de dénoncer à la Présidence l’implantation des mines d’uranium à Jujuy et les dangers pour les populations indigènes ou non indigènes, ainsi que les exploitations minières en milieu périglaciaire.
Mr Noël Mamère , député des Verts et maire de Bègles, Mr Miguel Benasayag, philosophe et psychianaliste franco-argentin, mais aussi ancien opposant à la dictature, Mme Fausta Quattrini journaliste et réalisatrice du film « La Nación Mapuche », ainsi que Hélia Caceres membre de FAL (France Amérique Latine) étaient présents pour remettre les signatures. Le petit groupe comportait en tout huit personnes ainsi qu’un caméraman.

Précisons d’emblée les conditions dans lesquelles la délégation fut reçue. Le matin le collectif d’Un plateau à l’autre avait téléphoné pour confirmer la visite à l’ambassade (prévue depuis une semaine) et il avait été souligné que cinq personnes pourraient être reçues par Mme Estela Alejandra Bursese, secrétaire, Chargée des Affaires Multilatérales à l’ambassade d’Argentine, ayant pour mission de remonter l’information à Mr l’ambassadeur qui était absent ce jour là. A peine cette délégation (à savoir Noël Mamère, Miguel Benasayag, Fausta Quattrini, Helia Caceres, et un étudiant en Philosophie à la Sorbonne) eut-elle franchi le seuil de la porte que la secrétaire lui barra le passage, arguant que seulement trois personnes pouvaient entrer, en rappelant avec colère qu’ils étaient dans un « Etat de Droit » ! Notons d’abord que dans la salle cinq chaises avaient été prévues pour recevoir la délégation, ce qui permet d’inférer facilement que la restriction du nombre de personnes était un changement de dernière minute, pour ne pas dire un prétexte visant à déstabiliser les délégués. Mais le plus grave fut bien sur l’invocation de l’Etat de droit devant un ancien résistant à la dictature militaire des années 70 ayant perdu plusieurs membres de sa famille et ayant été torturé pendant les quatre années qu’il passa en prison. En effet, l’ancien militant à payé le prix cher pour que cet « Etat de droit » puisse exister ! Rajoutons à cela que la secrétaire ne connaissait aucune des personnalités présentes, pas même Mr Noël Mamère ni le parti des Verts auquel il appartient. On peut donc dire en toute honnêteté que la délégation fut particulièrement mal accueillie, ce qui est étonnant de la part des autorités d’un Pays comme celui de l’Argentine qui a entretenu jusqu’à présent de très bonne relation avec la France.
Après un relatif retour au calme (l’atmosphère restant tendue), Mme Estela Alejandra s’est finalement résignée à laisser entrer les cinq personnes et l’entretien a pu commencer.

Miguel Benasayag a commencé à prendre la parole, afin d’expliquer la démarche des deux collectifs. L’objectif de ce rendez-vous avec l’Ambassade d’Argentine était de faire savoir à la présidente de l’Argentine Madame Cristina Kirchner et aux membres de son gouvernement, notre souhait d’initier un dialogue sur la politique minière de l’Argentine. Ainsi il a d’emblée rappelé que la démocratie ne pouvait de baser autrement que sur le « conflit » et le respect des minorités et de la « multiplicité ». Il a, pour illustrer son propos, fait appel au fait que se tenait assis dans la salle un étudiant tenant sous son bras la pétition, en rappelant que pendant les débuts de la dictature militaire de telles démarches avaient été initiées par les étudiants et que celles-ci avaient été durement réprimées. Il s’agissait selon lui de mettre en parallèle les deux situations (sans les confondre) afin de mettre en évidence le fait que si l’on voulait que la démocratie perdure en Argentine, il fallait laisser une part de conflit entre les autorités et les opposants et accepter d’ouvrir le dialogue.
L’ancien résistant a ensuite expliqué que les deux collectifs se faisaient écho de la lutte du peuple de Jujuy contre l’installation des mines d’uranium à ciel ouvert dans le département de Tilcara. Il a affirmé que les dits collectifs marquaient ainsi leur solidarité avec les populations locales et contre les projets de mine à ciel ouvert, menés notamment par l’entreprise “Uranio del Sur S.A” ; projets qui menacent la Quebrada de Humahuaca (inscrite depuis 2002 au Patrimoine Naturel et Culturel de l’Humanité de l’UNESCO) et ses populations. Le Philosophe a ensuite annoncé que dans ce cadre ils avaient lancé une campagne d’appel à signatures à l’attention de la Présidente de la République d’Argentine, pour lui faire part de leur préoccupation sur les projets d’exploitation d’uranium. Il a également rappelé les actions menées depuis la France à savoir l’information et de sensibilisation quant aux méfaits irréversibles de l’industrie uranifère à ciel ouvert sur les populations autochtones, leur vie, leur santé, leur culture et mode de vie, ainsi que sur l’environnement en général, tant dans le Nord ouest d’Argentine qu’ailleurs. Il a alors sollicité le gouvernement de l’Argentine de laisser des espaces de dialogue autant en Argentine qu’à l’étranger pour échanger sur ce sujet. Selon lui, une démocratie n’est aujourd’hui pas concevable sans une prise en compte des enjeux écologiques : économie et écologie, problèmes sociaux et écologie font partie d’un tout dans nos démocraties contemporaines. Pour lui, écologie et démocratie sont donc intrinsèquement liées. Pour finir, il a fait part du souhait des deux collectifs à savoir, que le gouvernement argentin intègre l’écologie dans le fonctionnement de la démocratie du pays.

La parole a ensuite été donnée à Mr Noël Mamère qui a rappelé qu’en septembre 2008 avait été crée à l’initiative de Miguel Benasayag le « Collectif d’un plateau à l’Autre » sur la base du collectif « Malgré tout » et de celui « d’Areva ne fera pas la loi au Niger » crée à son initiative en sa qualité de député Vert de la république Française et Maire de la ville de Bègles. La création du Collectif « d’un plateau à l’Autre », est pour lui une initiative que vise à créer un pont entre les pays du sud, qui subissent les conséquences désastreuses pour les populations et pour l’environnement de l’exploitation à ciel ouvert des mines d’uranium. Il a ensuite énoncé le fait que La France a l’expérience de l’entreprise AREVA, qui exploite les mines d’uranium au Niger en Afrique. Les effets polluants des substances radioactives de ces mines, sont d’une extrême gravité pour la santé des populations, pour les terres, pour le bétail, les nappes phréatiques. Des substances dangereuses dont la durée de vie peut se compter en centaines, en milliers, voire en millions d’années. Ce fut l’occasion pour le député de montrer que L’expérience du nucléaire amène à des politiques centralisées et totalitaires, car le nucléaire, considéré secret d’État, instaure un système d’opacité en matière d’information, maintenant l’opinion publique à l’écart, dans une affaire de si haute importance pour les citoyens, dans un état de droit. Les décisions sont prises en haut du pouvoir, la participation citoyenne et des alternatives qui se posent aux différents échelons territoriaux sont exclues. « En créant ce collectif, nous souhaitions alerter le gouvernement et l’opinion publique d’Argentine, sur les risques pour le peuple de Jujuy de l’exploitation des mines d’uranium à ciel ouvert dans le département de Tilcara, par l’entreprise « Uranio del Sur S.A », et exprimons notre solidarité avec les populations affectées par ce problème, notre démarche s’inspire des principes des droits humains, et en particulier de ceux concernant les droits de tous à vivre dans un environnement propre et sain. »

Ce fut ensuite au tour de la franco- péruvienne, Helia Caceres, de prendre la parole. Celle-ci a fait part de son souhait d’attirer l’attention du gouvernement argentin, sur le dangers de l’industrie du nucléaire, pour les générations présentes et futures, cette industrie impliquant des dangers tout autant pour les peuples qui exploitent les matières premières, que pour les populations qui vivent dans les territoires où opèrent les centrales nucléaires, sachant qu’aujourd’hui aucun pays n’a pas trouvé jusqu’aujourd’hui une solution pour le traitement des déchets radioactifs. Elle a aussi exprimé son souhait de voir l’Argentine devenir un pays exemplaire en matière de développement durable, et face à la crise énergétique, de parier pour une politique basée sur les économies d’énergie, sur l’efficacité énergétique et sur les énergies renouvelables, plutôt que sur le nucléaire et d’impulser une politique énergétique et minière qui protège la santé et la vie du peuple argentin et qui préserve l’environnement.

Puis ce fut au tour de Fausta Quattrini de parler. Fausta Quattrini, journaliste, réalisatrice des documentaires, notamment sur le peuple Mapuche.
Ayant travaillé dans la province de Neuquèn pour réaliser le film La Nacion Mapuche, celle-ci avait dénoncé le fait que :

  • Les dégâts sur l’environnement occasionnés par la politique minière et pétrolière ne soient ni comptabilisés ni pris en charge par personne (ex. Loma de la Lata, Province de Neuquèn).
  • Les forces de l’ordre continuent de chasser par la force de leurs terres ancestrales des familles et des communautés Mapuches pour faire place aux sociétés d’extraction minière, pétrolière, gazifière, etc. (ex. Barda Negra, Lof Maliqueo, Province de Neuquèn – Zona del Arco, Aluminé, Province de Neuquèn – Zapala, Lof Gelay-Ko, Province de Neuquèn, etc, etc).
  • L’Etat argentin ne respecte pas sa propre Constitution ni à niveau provincial (art 53 de la province de Neuquèn) ni national (en 1994, avec l’adoption de la Convention 169 de l’OIT -Organisation Internationale du Travail - relative aux Peuples Indigènes et Tribaux, l’Etat argentin s’est engagé internationalement reconnaissant constitutionnellement “la préexistence ethnique et culturelle des peuples indigènes d’Argentine” ainsi que "le droit ancestral des peuples originaires à la terre").
    Ainsi, pour elle le but de cette entretien était aussi de mettre en évidence le risque que l’exploitation minière implique pour les populations autochtones comme c’est le cas à Jujuy.

Enfin l’étudiant à la Sorbonne s’est manifesté pour dénoncer également l’exploitation minière en milieu périglaciaire et en particulier le projet de Pascua Lama et la mine de Veladero, tous deux situées à San Juan en plein milieu des Glaciers. Il a alors rappelé l’importance des glaciers comme source d’eau et de régulateur hydrique dans un milieu aussi aride que celui du Nord Ouest Argentin et que toutes les activités humaines animales ou végétales, situées dans ses contrées, en dépendaient. Il a fait part de son inquiétude face à ce genre d’exploitation qui risque d’accélérer la fonte de ces monstres de glaces, déjà largement entamée par le réchauffement climatique.
Après une courte prise de parole de Miguel Benasayag, l’entretien s’est terminé et la délégation à remis la pétition à la secrétaire afin que celle-ci la donne à l’ambassadeur qui la fera normalement remonter à la présidente Madame Cristina Kirchner.
Notons que tout le long de l’entretien la secrétaire à noté avec zèle tout ce qui avait été dit quitte à faire répéter les délégués. Malgré l’accueil quelque peu inhospitalier, les deux collectifs Français ont bon espoir d’obtenir satisfaction, ou tout du moins de constater que leurs revendications ainsi que la pétition soient transmises à la présidence Argentine. Les collectifs veilleront à ce que cela soit fait, quitte à réitérer la demande d’un rendez-vous avec l’ambassade d’Argentine.

Collectifs d’Un plateau à l’autre, et Si a la Vida