[ [ [ Voile intégral : les syndicats de police dénoncent une loi "inapplicable" - Yannis Lehuédé

La bêtise a désormais son pays.

“Être né sous le signe de l’héxagone, c’est pas ce qu’on fait de mieux en ce moment”, chantait, il y a longtemps un certain Renaud Séchan.

La loi sur la burqa restera comme le sommet de cette connerie nationale, chaudement cultivée sur tous les bancs de l’assemblée, comme le souligne avec gourmandise le dénommé Guéant, ministre de l’Intérieur.

Un pays qui a un Guéant comme ministre de l’Intérieur n’aurait ainsi que ce qu’il mérite.

Paris s’éveille

Interrogé, lundi 11 avril, à Luxembourg, en marge du sommet européen des ministres de l’intérieur, Claude Guéant a indiqué que la loi interdisant le port du voile intégral "sera respectée". Le ministre a jugé "inacceptables" certaines déclarations visant à imposer d’autres "principes essentiels" que la laïcité et l’égalité entre les hommes et les femmes.

Pour M. Guéant, le texte entré en vigueur lundi est clair et la période pédagogique d’information qui a précédé son introduction a été suffisante. Selon lui, elle devra donc être respectée d’autant, souligne-t-il, qu’elle prévoit des sanctions et "de lourdes peines" pour ceux qui forceraient des femmes à porter le voile intégral.

Concernant les déclarations de certains policiers indiquant qu’ils ne feraient pas preuve de zèle pour faire appliquer la nouvelle réglementation, le ministre a reconnu que leur mission ne serait "pas facile" mais estimé que "les principes en cause sont très importants". Pour preuve, a-t-il ajouté, "ce n’est pas par hasard que ce texte a été adopté à la quasi-unanimité à l’Assemblée nationale".

11.04.11

À peine entrée en vigueur, la loi sur l’interdiction du voile intégral dans les lieux publics est déjà vivement décriée. Du côté des musulmans, qui multiplient les appels à la manifestation, mais aussi du côté des syndicats de police. Ces derniers dénoncent unanimement une loi "difficile à appliquer".

LA LOI NE SERA PAS UNE "PRIORITÉ"

Les consignes ont pourtant fait l’objet d’une circulaire spécifique. Techniquement, les policiers ne peuvent pas faire ôter leur voile aux personnes récalcitrantes. En cas de refus de se soustraire au contrôle d’identité, ces dernières encourent une peine maximale de 150 euros d’amende assortie ou non d’un stage de citoyenneté.

Des mesures "très compliquées à faire respecter sur le terrain", explique Philippe Capon, secrétaire général du syndicat UNSA-Police. "Au-delà du contrôle d’identité déjà difficile à mettre en place, faire appliquer l’interdiction totale du voile islamique dans des quartiers où il y a souvent une grosse communauté musulmane, c’est presque impossible", assure-t-il.

Même constat pour Frédéric Lagache, secrétaire général du syndicat Alliance, pourtant de sensibilité proche de l’UMP. Si le syndicaliste affirme que cette loi est "nécessaire sur le plan de la sécurité et de la citoyenneté", il reconnaît qu’elle ne sera pour aucun de ses collègues une "priorité". "Les policiers ont des missions importantes, qui concernent les crimes et les délits, on ne va pas dépenser toute notre énergie pour une simple contravention."

Sur le terrain, la "majorité des collègues trouvent cette loi complètement ridicule", d’après Michel Thooris, secrétaire général du syndicat France Police. Pour lui, il n’est "pas question de perdre son temps sur ce genre de délit alors qu’on manque par ailleurs d’effectifs pour assurer la sécurité dans de nombreuses zones de non droit". Le syndicaliste parle même d’une "mascarade", qui risque de multiplier les démonstrations de provocation.

"FERMER LES YEUX SERA PARFOIS OBLIGATOIRE"

Les syndicats sont unanimes : tous redoutent de voir les fonctionnaires de police mis en danger à cause de cette loi. Pour le syndicat France Police, il est évident qu’en cas d’interpellation, "dans certains quartier, le ton va monter, provoquer des attroupements, et cela créera un trouble à l’ordre public plus important que si on laissait ces femmes circuler simplement".

"Ce que nous craignons, c’est la provocation", résume Philippe Capon, de l’UNSA Police, rappelant au passage "que rien de précis n’est écrit dans la circulaire d’application si la situation dégénère". À demi-mot, le syndicaliste reconnaît même que dans certains endroits, "la solution de fermer les yeux sera parfois obligatoire" pour éviter l’altercation.

Plus généralement, les syndicats de police refusent de faire les frais d’un "climat politique actuel lourd de conséquences".

UNE RÉPONSE PAS APPROPRIÉE À L’EXTRÉMISME

Dans ce contexte, le syndicat France Police dénonce "une procédure énorme pour un résultat absurde : ce n’est pas avec une contravention qu’on va lutter contre l’extrémisme religieux". Sous le couvert de l’anonymat, l’un des policiers du commissariat de Trappes (Yvelines) parle "d’huile jetée sur un feu déjà très violent".

Le syndicat France Police réclame quant à lui de concentrer les moyens sur "la pénalisation des vrais acteurs de la montée des extrémismes", et "la prévention en partenariat avec les autorités religieuses modérées".

[Source : lemonde.fr]

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