[ [ [ Mayotte en feu - Yannis Lehuédé

Trois semaines de révolution à Mayotte. Encore là, le mouvement citoyen planétaire, qu’on appelle ici des "indignés", qui s’appelle des "99%" aux Etats-Unis, et qui a pris bien d’autres noms, au Chili, en Israël, en Syrie ou au Yémen. Un mouvement qui trouve une de ses origines dans le soulèvement contre la "pwofitasyon" du LKP, en Guadeloupe, en 2008. A Mayotte comme en Guadeloupe, c’est contre la vie chère qu’on se révolte.

Ceci parce que les colonies ont un niveau de vie qui s’apparente à celui de la "métropole", entre autres du fait des nombreux fonctionnaires coloniaux, tels les flics ou les enseignants, qui touchent 40% de plus que l’équivalent de leur salaire en métropole... Les salaires du reste de la population sont bien souvent plus bas. Sans compter que les aides sociales, tel les allocations familiales ou le RSA-RMI y sont moindres ou n’y existent pas.

Au Chili, c’est le droit à l’éducation qu’on demande. En Israël, le droit au logement. A New-York, le moratoire sur les dettes. En Syrie, comme partout, la démocratie.

En France, aura-t-on remarqué que le mouvement des indignés est un des plus faibles du monde ? Il faut que ce soit à Mayotte, tout nouveau département, que le peuple ait encore un reste d’énergie...

C’est que la police de monsieur Sarkozy ne laisse pas beaucoup de place pour le débat démocratique. Les indignés espagnols ont été plutôt surpris non seulement de la violence policière, mais de la violence administrative qui sévit en France, interdisant de fait le droit de manifester spontanément, le droit à l’indignation.

A Mayotte, la police de Sarko a arraché un œil à un enfant de neuf ans, à coup de flashball. Ce n’est pas la première fois, depuis que Sarkozy ministre de l’intérieur avant d’être président a généralisé l’usage des flashballs, que ses flics crèvent les yeux de manifestants. Sarko l’énucléeur. A noter qu’à chaque fois le tir est dirigé de façon intentionnelle. On n’a pas encore les détails sur l’affaire de Mayotte – et peut-être peut-on espérer qu’on n’ait pas tiré intentionnellement sur un enfant –, mais jusqu’ici, à chacun de ces "accidents", le fait que les flics visaient à la tête ne faisait aucun doute. C’est donc bien la totalité de la hiérarchie qui est responsable, à commencer par le ministre de l’Intérieur, le ci-devant Claude Guéant.

Celui-ci doit démissionner. Que ce soit en raison des atteintes au droit de manifester des indignés, de la continuation de la chasse aux roms – un camp par semaine expulsé en Seine Saint Denis ces temps-ci –, ou de sa politique de gestion des manifestations, telle qu’en quelques jours on lui doit une infirmière, toujours entre la vie et la mort à Lyon, et un enfant qui a perdu son œil à Mayotte.

Guéant doit partir.

Paris s’éveille

Mayotte : un gendarme mis en examen après un tir de flashball

Un gendarme a été mis en examen pour "violences avec arme, sur mineur de 15 ans, par personne dépositaire de l’autorité publique, dans l’exercice de ses fonctions" lundi à Mayotte. Il est soupçonné d’être à l’origine d’un tir de flashball qui a blessé vendredi un enfant de neuf ans en marge des mouvements sociaux contre la vie chère.

"La reconstitution et les auditions me font penser que nous sommes en présence d’un tir volontaire, mais que ses conséquences n’étaient pas souhaitées", a déclaré le procureur Philippe Faisandier. "Il semble qu’il s’agisse d’un tir de protection d’un gendarme qui se sentait menacé", a-t-il ajouté.

"La victime a perdu l’usage d’un œil", a précisé le procureur de la République, Philippe Faisandier, qui a ouvert l’information judiciaire, confiée à un juge d’instruction.

Le gendarme placé en garde à vue est affecté à la brigade territoriale de Mamoudzou, chef-lieu de Mayotte, confrontée depuis treize jours à un vaste mouvement de protestation contre la vie chère.

AFP :/Jack Guez

Vendredi dernier, alors qu’une manifestation réunissait 200 personnes à Longoni, cité portuaire de Mayotte, le directeur du port a alerté la gendarmerie sur la présence d’un groupe d’enfants se dirigeant, par la plage, vers les plates-formes de conteneurs.

C’est dans ce contexte que trois gendarmes de Mamoudzou sont intervenus et que l’un d’eux a fait usage d’un flashball en direction des jeunes. L’enfant atteint par le projectile a été transféré au CHR de La Réunion.

Lundi, de nouvelles échauffourées se sont produites à Mayotte, principalement à Mamoudzou. Environ 300 personnes ont manifesté en début de matinée sur la place principale du chef-lieu, pour inciter les employés et agents publics à les rejoindre. Puis le cortège s’est dirigé vers la zone industrielle et a tenté de bloquer un rond-point, passage obligé des véhicules de livraisons.

Les policiers ont fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants et rétablir la libre circulation. Un jeune manifestant a été interpellé.

Plusieurs barrages ont été dressés dans l’île, mais les gendarmes mobiles les ont immédiatement dégagés. Le collectif des syndicats et consommateurs à l’origine de cette grève a lancé un mot d’ordre de reconduction du mouvement jusqu’à jeudi.

Vie chère à Mayotte : Sarkozy sommé d’intervenir

Le président du conseil général de Mayotte a demandé à l’Etat d’apporter "des réponses claires" pour régler le conflit qui touche le département d’outre-mer depuis deux semaines.

Le président du conseil général de Mayotte, Daniel Zaïdani (DVG), a demandé ce mardi à Nicolas Sarkozy d’apporter "des réponses claires" pour régler le conflit contre la vie chère qui touche depuis deux semaines ce département d’outre-mer.

Dans un courrier dont l’AFP a reçu copie, Daniel Zaïdani demande "solennellement" à Nicolas Sarkozy "d’intervenir personnellement avant qu’il ne soit trop tard". Les Mahorais, souligne-t-il, "attendent, puisque notre système institutionnel veut que ce soit l’Etat seul qui en ait le pouvoir, des réponses décisives".

"Jusqu’ici, écrit-il, la réponse de l’Etat apparaît injuste et incompréhensible aux yeux de la population. Elle semble se résumer à un mobilisation massive de moyens de maintien de l’ordre avec des réactions disproportionnées", allusion au tir de flash-ball d’un gendarme qui a blessé vendredi un garçon de 9 ans en marge du mouvement social.

Mayotte est le territoire de la République où les revenus moyens par habitant sont les plus bas

Daniel Zaïdani affirme que Mayotte est "le territoire de la République où les revenus moyens par habitant sont les plus bas et ou les prix sont les plus hauts". "La République ne peut accepter en son sein l’accroissement des inégalités qui frappent notre territoire, où tant de nos concitoyens et leurs familles vivent actuellement quasiment sans ressources", ajoute-t-il.

Relevant que la transition dans laquelle Mayotte s’est engagée "implique des efforts de la part de tous", il déplore que "les moyens de cette transition ne sont aujourd’hui, ni mis en oeuvre ni prévus".

Daniel Zaïdani demande également un entretien avec le président de la République, "afin de dessiner ensemble les voies d’un dialogue apaisé et dans l’intérêt de tous".

Le mouvement contre la vie chère à Mayotte est accompagné de manifestations plus ou moins violentes. De nombreux barrages routiers paralysent la circulation.

[Source : l’express, avec AFP]

Mayotte se bat pour ne pas être un département « au rabais »

Depuis plus de trois semaines l’île de Mayotte, nouveau département français, connaît des affrontements sans précédent. En ligne de mire pour les manifestants, la baisse des prix d’une dizaine de produits de consommation courante et le besoin d’être considérés comme des citoyens français à part entière.

Chaque village de brousse s’organise comme il peut. Si les syndicalistes mènent les négociations en haut lieu, dans la rue les syndicats passent au second plan.

A la suite de la consultation référendaire de la population du 29 mars 2009 (95,2% de votes favorables), Mayotte est devenu un département d’outre-mer à assemblée délibérante unique de la République française le 31 mars 2011.

La population mahoraise s’est appropriée la lutte contre la vie chère. Depuis trois semaines maintenant, ce petit caillou du milieu du canal du Mozambique situé entre l’Afrique et Madagascar vit au rythme des heurts. Boutiques fermées.

Le mouvement a débuté le 27 septembre à l’initiative de la CGT Mayotte et de la CFDT.

FO et la CFE-CGC ont rejoint la table des négociations par la suite. La tension a augmenté, particulièrement la semaine dernière avec des affrontements à coups de galets et de cocktails Molotov. Samedi soir, les négociations ont une nouvelle fois échoué.

Ce que veulent les syndicats ? Ils demandent la baisse des prix de produits de consommation courante. Un petit tour dans les rayons du Jumbo score de Kawéni au nord de Mamoudzou suffit pour voir que quelque chose cloche. Acheter des produits laitiers est un luxe.

La cuisse de poulet est même devenue le symbole de cette lutte. Les dix kilos sont à 27 euros à Mayotte « quand il faut compter 17 euros aux Comores » note Rivo Rakotondravelo, représentant du syndicat enseignant SNUIPP. Son organisation a fait le choix de ne pas participer au mouvement. Parce que le problème est ailleurs. « Il faut parler de pouvoir d’achat. De travail », estime-t-il.

La fin de la collectivité départementale de Mayotte était pourtant porteuse de tous les espoirs. Des attentes qui ont été accentuées par la déclaration de Nicolas Sarkozy le 18 janvier 2010 lors de ses vœux à l’Outre-mer :

« Vous êtes Français depuis 1841, bien longtemps avant Nice et La Savoie. Mayotte, c’est la France ! Mayotte est française, et elle le restera. »

Mais voilà, les Mahorais estiment qu’ils sont des Français de seconde zone. Ils pensent ne pas être considérés comme les habitants de la Creuse par exemple. On est loin du « département moukaka », le département entier voulu par le député Modem Abdoulatifou Aly. Le smic ne représente que 85% du smic métropolitain soit 1 069,77 euros. En 2003, il était à 499 euros. Il n’y a pas de RMI à Mayotte. Et les allocations familiales sont nettement inférieures à ce qui se pratique sur d’autres territoires ultra-marins.

A titre de comparaison, une famille avec cinq enfants percevra 582,80 euros par mois sur l’île voisine de La Réunion contre 140 euros à Mayotte. Il existe aussi un fossé pour l’allocation de rentrée scolaire : 275 euros pour un enfant à La Réunion et 103 euros à Mayotte.

La départementalisation devait apporter son lot d’aides et permettre une augmentation du pouvoir d’achat. A terme, peut-être. Mais dans l’immédiat aucune évolution nette. L’Etat a souhaité aller progressivement pour « accompagner le développement économique de l’île », explique-t-on en préfecture. Ainsi le RSA, l’allocation de logement social ou de parent isolé ne seront perçues que dès l’année prochaine. Mais elles ne représenteront que 25% des prestations versées dans un département français classique. Voilà qui énerve et pousse de nombreux Mahorais à parler de « département au rabais ».

Rivo Rakotondravelo note :

« Nous n’avons pas d’attente par rapport à la départementalisation. C’est la réalité. On est Français ou on ne l’est pas. Le problème c’est que nous sommes toujours dans une situation néocoloniale avec d’un côté les grands distributeurs qui sont des m’zungus [métropolitains, ndlr] et en face des Mahorais. Dans les syndicalistes, il y a même des petits commerçants qui demandent la baisse des prix. On parle souvent de productions locales. Des tomates de Mayotte qui sont chères. Mais les gens qui vendent les tomates les vendent à des prix élevés pour pouvoir ensuite s’acheter du poulet hors de prix. »

Il serait tentant de faire le parallèle avec la crise survenue aux Antilles en 2009. Mais un Mahorais sourit :

« Il a fallu cinquante ans pour que les Antillais se soulèvent. Nous, ça fait six mois que nous sommes un département et on se bat déjà contre la vie chère. »

En marge de ces manifestations il y a une tension propice aux dérapages. Ainsi les violences ont causé des blessés. Des renforts de police sont donc arrivés, notamment de La Réunion, ce qui fait dire à Rivo Rakotondravelo :

« Mayotte est à genou et le préfet demande la police au lieu de mettre la pression sur les cinq personnes qui font la pluie et le beau temps sur l’île. »

Ce lundi matin, des manifestants ont demandé la fermeture du bureau de la préfecture chargé d’étudier les dossiers des étrangers venus en nombre de l’île voisine et cousine d’Anjouan, boucs émissaires désignés, à l’origine de tous les maux de Mayotte. Un manifestant explique que « cette action visait juste à mobiliser les employés de bureaux ». Peut-être. Mais des propos tenus dans la manifestation étaient tout autre :

« L’Etat s’occupe des Anjouanais avant de s’occuper des Mahorais. »

Déjà en mars 2008, lors de l’arrivée à Mayotte de Mohamed Bacar, Président chassé d’Anjouan, des marches avaient été organisées pour demander l’expulsion des sans-papiers. Pour une fois, l’Etat n’avait pas attendu les manifestations pour répondre favorablement au désir de la population.

.........

Une riveraine nous écrit :

« Les rues sont barrées, on ne peut circuler nulle part, les magasins sont fermés depuis douze jours, s’ils ouvrent on menace de les détruire, les frigos sont vides, l’essence est difficile à trouver, des malades isolés en brousse n’ont pas pu se faire soigner car les infirmiers n’ont pas pu circuler, le président du conseil général est en déplacement à Madagascar après avoir mis le feu aux poudres en demandant dimanche matin le départ du préfet dans les 24 heures... Des renforts de gendarmes arrivent tous les jours.

On sent beaucoup de tensions ici, évidemment les communautés comoriennes, anjouanaises, africaines et métropolitaines sont stigmatisées, comme à chaque crise ici.

Néanmoins, la cause est juste, car les prix pratiqués par les deux seules enseignes de l’île sont carrément prohibitifs. On ne voit pas l’issue de cette crise, la grève est annoncée jusqu’à jeudi. »

[Source : rue89]

Mayotte : "Quand un magasin ouvre, les manifestants le ferment"

La tension à Mayotte, qui a abouti à un quasi-blocage des deux îles (Petite-Terre et Grande-Terre) composant le 101e département français, dure depuis deux semaines déjà. Sans signe annonciateur d’une sortie de crise. Les barrages érigés sur les principaux axes ont été levés, la circulation est de nouveau possible, mais les forces de l’ordre doivent faire la chasse aux blocages ponctuels qui réapparaissent çà et là ; et surtout, les commerces restent pour la plupart fermés. Pour le préfet Thomas Degos, joint par TF1 News, qui multiplie les rencontres entre, d’une part, les délégués du collectif représentant les protestataires, et d’autre part, les membres du Medef, de la grande distribution et des chambres consulaires, ce lundi marque une nette décrue dans les violences. "Malgré quelques échauffourées du côté de Kaweni avec, non pas des manifestants, mais des éléments extérieurs qui voulaient entrer dans la zone commerciale".

La semaine dernière, les journées de jeudi et vendredi avaient été marquées par des jets de cocktails Molotov sur les forces de l’ordre et par deux blessés parmi les manifestants. "L’un est hors de danger et doit subir des examens à la Réunion", raconte le préfet ; "l’autre - un jeune garçon, et non une fillette, comme ce qui avait été dit - a été gravement blessé à l’œil par le tir de flashball d’un gendarme qui voulait se dégager alors qu’il avait été encerclé par la foule avec deux collègues, et qui vient d’être placé en garde à vue." Des internautes qui avaient joint TF1 News depuis Mayotte évoquaient des pillages de supermarchés, des commerces fermés sous la menace de représailles, des familles bloquées chez elles sans pouvoir s’approvisionner. L’un d’eux n’hésitait pas à parler de "chasse aux Blancs".

Une voiture fracturée avec son occupant à l’intérieur

Aujourd’hui encore, si les rues sont dégagées (une membre de la préfecture signalait qu’elle n’avait pas eu de problème à se rendre à son travail), ce problème d’approvisionnement reste criant. "J’avais fait procéder à des ouvertures de commerces sous protection des forces de l’ordre : mais aujourd’hui, je n’ai plus aucune demande en ce sens", souligne le préfet de Mayotte. "Quand un magasin ouvre, les manifestants vont le fermer. Aussi, le plus souvent, les commerçants préfèrent baisser le rideau d’eux-mêmes pour éviter les problèmes. C’est d’ailleurs le conseil que leur donne le Medef."

Samedi, ce sont carrément les élus de l’île qui se sont rendus en délégation vers la plus grande surface des deux îles, le Jumbo Score du chef-lieu de Mayotte, Mamoudzou, pour l’obliger à fermer. Ils étaient accompagnés d’un cortège de quelques centaines de personnes. Mais parallèlement, des "éléments incontrôlés et violents", selon le mot du préfet, comptaient profiter de la situation pour s’introduire dans la grande surface. Une situation des plus tendues : "Il a fallu bloquer la manifestation des maires avant l’arrivée au centre commercial", raconte Thomas Degos. "Le Jumbo Score a décidé alors de fermer. Mais il y avait 1500 clients à l’intérieur, qu’il a fallu faire sortir avec leurs courses. Certains ont été pris à partie dès leur sortie du magasin. On a même vu une voiture fracturée, avec son occupant encore à l’intérieur, qui s’est fait voler tout ce qu’il avait dans son coffre avant de pouvoir partir."

Les "indignés" de Mayotte comparent les prix

La raison de cette révolte, qui reçoit l’appui des élus locaux : un coût de la vie devenu écrasant pour de nombreux Mahorais. Il faut importer tous les produits de la vie quotidienne - comme le mabawa (aile de poulet rôti), typique à Mayotte et devenu emblématique de la crise : il vient d’Europe, de Madagascar ou du Brésil, et il est vendu 2,69 euros le kg par carton de 10 kg. Riz, lait, deviennent aussi des produits de luxe pour le Mahorais moyen alors que seules 30.000 personnes travaillent sur un peu plus de 200.000 habitants, et doivent assumer le poids financier de toute une famille. Pour compenser, les élus locaux ont poussé à faire des embauches massives, d’où un secteur public qui emploie à lui seul un salarié sur deux - souvent des agents de catégorie C, aux salaires faibles. Quant aux minima sociaux, ils sont quasi-inexistants. L’exemple du RSA est éloquent : alors qu’il a été mis en place mi-2009 en métropole, il n’existera à Mayotte qu’en janvier 2012. Et le montant versé aux bénéficiaires Mahorais devrait être quatre fois moindre...

Pour ne pas être étranglés, les Mahorais réclament au minimum un alignement des prix sur la Réunion voisine. Fait symbolique, outre les manifestations quotidiennes, un site internet (Mayotte-viechère.com), mis en place par un autoproclamé "Collectif des indignés de Mayotte", s’efforce de dresser "un comparatif des prix entre Mayotte, la Réunion et la métropole". Cette situation socialement explosive avait pourtant paru se débloquer aux premières heures de vendredi. "Un protocole avait été rédigé avec l’intersyndicale, la grande distribution, le Medef", raconte le préfet Degos. "Il prévoyait des baisses significatives sur 11 produits, et un calendrier de travail jusqu’à la fin de l’année, pour répondre au problème de la relance de l’activité à Mayotte." Problème : sitôt le document signé, les représentants syndicaux sont allés en rendre compte à "leur base", à savoir plusieurs centaines de manifestants qui, depuis le début du conflit, ont pris l’habitude de se rassembler sur la place du marché de Mamoudzou. Et les propositions de baisse du prix de la bouteille de gaz de 31 à 25 euros, de baisse de 10% du prix du riz, n’ont pas convaincu.

Volontariste, le préfet Degos assure : "Ce que je peux dire, c’est que le dialogue n’a jamais été rompu ; avec l’intersyndicale et les associations, on s’est vus tous les jours". Et tout en appelant au "sens de la responsabilité" de chacun, il peaufine sa dernière initiative : "J’ai proposé à des représentants des consommateurs un voyage à la Réunion, pris en charge par l’Etat, pour aller constater les prix sur place". En espérant pouvoir y trouver une nouvelle base de négociation.

[Source : TF1 news]

Les Mahorais en colère manifestent contre la vie chère

Mayotte Correspondant - Après vingt-six heures de négociations, jeudi 6 et vendredi 7 octobre, entre les représentants des manifestants et une dizaine de chefs d’entreprise de la grande distribution, sous la houlette du préfet de Mayotte, Thomas Degos, quelques avancées avaient été obtenues : la baisse des prix d’une dizaine de produits jugés de première nécessité, comme le poulet, le riz, le lait, mais aussi le sable, le ciment, le gaz, l’électricité... Mais elles n’ont pas suffi aux centaines de personnes qui manifestent depuis le 21 septembre contre la vie chère à l’appel de l’intersyndicale (CGT, CFDT, FO et deux associations de consommateurs), sur la place de la République à Mamoudzou, ainsi nommée lors de la création du 101e département français, le 31 mars.

Une nouvelle rencontre s’est tenue samedi, sans plus d’avancées. Dimanche, le préfet a reçu longuement une délégation de femmes, tandis qu’une centaine de chefs d’entreprise représentant 1 200 salariés se sont réunis pour évoquer leurs problèmes de trésorerie et les risques de faillites qui se profilent dans une économie déjà fragilisée. Les barrages paralysent désormais toute l’île.

Le problème est profond. Dans ce département, le salaire minimum a doublé en sept ans, les prix ont augmenté de "seulement" 40 % sur cette période. Mais seules 30 000 personnes travaillent sur plus de 200 000, et seuls 4 revenus sociaux sur les 22 qui existent en métropole sont en place, dont le RSA à partir du 1er janvier 2012. Un "ancien" vit avec 150 à 300 euros par mois, les handicapés sont à l’abandon, un chômeur ne perçoit aucune allocation et chaque travailleur doit souvent faire vivre plus de six personnes.

Le président du conseil général, Daniel Zaïdani (centre gauche), élu en mars, a demandé vendredi au gouvernement que le taux de RSA versé à partir du 1er janvier s’élève à 50 % (et non 25 %) du montant alloué en métropole.

A Mayotte, le secteur public occupe la moitié des salariés, mais les agents des collectivités locales sont à 80 % des agents de catégorie C. Ils ont souvent été embauchés pour des raisons familiales ou politiques, et ne sont pas capables d’assurer leurs missions. Cette situation a été assumée par les élus qui revendiquaient ces "embauches sociales"]. Le souci est que ces agents ont été intégrés dans la fonction publique territoriale lors de la départementalisation, et la charge salariale a alors crû de 30 %.

Le conseil général, les mairies et autres syndicats intercommunaux se retrouvent avec 80 % de leur budget en moyenne consacrés aux frais de fonctionnement, essentiellement les salaires. Certains n’ont même plus assez de recettes pour couvrir leurs dépenses obligatoires. Ils ont alors coupé dans les dépenses d’investissement, les soutiens aux associations d’insertion, sportives, sociales, les activités culturelles, les aides à l’économie, ce qui donne une raison de plus à la grogne actuelle. Sur les 17 communes de l’île, une dizaine sont sous tutelle, de même que le conseil général, qui a accumulé un déficit de 65 millions d’euros.

Mayotte vit une transition, voulue par la population (lors du référendum de 2009 sur la départementalisation, le "oui" l’avait emporté à 95,2 %). Mais les communes sont sans moyens. En 2011, 46 millions d’euros d’investissements prévus n’ont pu être réalisés, faute de compétences dans les services. "Il faut qu’il y ait des agents de catégorie A et B qui amènent une expertise financière et juridique", s’était permis le préfet. Et les collectivités ne peuvent plus honorer leurs dettes contractées auprès des entreprises locales.

La situation est donc très difficile. Un vrai plan de développement économique, avec un appui à la production locale, a bien été intégré dans les négociations, mais, faute de moyens, cet espoir risque de rester lettre morte. Le Fonds de développement économique et social de 30 millions d’euros sur trois ans devrait voir le jour, sera-t-il à la hauteur des espoirs du département ? Le Pacte pour la départementalisation, transmis à tous les Mahorais par Nicolas Sarkozy, prévoit une mise à niveau "sur vingt-cinq ans". Pour l’heure, les Mahorais attendent un geste, ils veulent que la situation se débloque dans les rues de Mamoudzou, pour ne plus être des Français à part. A Mayotte, ce lundi, les négociations devaient reprendre à 15 heures, mais l’approvisionnement en carburant et en nourriture commence à poser de sérieux problèmes. Combien de temps l’île pourra-t-elle tenir

[Source : lemonde.fr]

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