Cela fait des années qu’à Cannabis sans frontières ou ailleurs, on explique et on répète qu’une des vertus du cannabis serait sa capacité à régénérer les sols. À Tchernobyl cela a pu être testé pour des sols pollués à la radioactivité. Mais cette qualité du chanvre s’applique à toutes sortes de pollution.– et on pense ici en particulier aux pesticides. Stéphane Lhomme n’a pas tort d’objecter que si cette information se met à circuler, alors qu’elle est généralement soigneusement tue, c’est pour tenter de rassurer face à la catastrophe de Fukushima. Il n’empêche qu’à Fukushima ou ailleurs on ne peut s’asseoir sur nos montagnes de poisons et… attendre quelques millions d’années que ça se passe. Et puisqu’il est vrai que le cannabis y peut quelque chose (même si c’était peu), autant cesser de sourire.
Récemment la section guadeloupéenne de Cannabis sans frontières a commencé à évoquer la possible utilisation du chanvre sur les sols des bananeraies très gravement polluées au Chlordécone, ce pesticide particulièrement violent, interdit partout sur terre qui aura bénéficié de dérogations spéciales pour empoisonner durablement la Guadeloupe. Aujourd’hui ce sont les milliers d’hectares des bananeraies de Guadeloupe et de Martinique qui sont devenus inutilisables.
CSF-Guadeloupe appelle à l’utilisation massive de chanvre sur ces surfaces sacrifiées, dans l’espoir que cette plante aux qualités souvent surprenantes puisse quelque chose pour rendre à l’exploitation humaine ces terres particulièrement riches des tropiques colonisés.
Le Chlordécone ? Un des crimes les plus inouïs du colonialisme : ça s’est produit là, sous nos yeux, ces dernières décennies. Pour voir dans quelles conditions les autorisations ont été laissées aux exploitants agricoles, on peut regarder utilement les derniers Maîtres de la Martinique, où l’on voit les “grands blancs”, ceux qu’on appelle les békés, négocier sympathiquement leurs cochonneries directement à l’Élysée.
Qu’il s’agisse de pesticide ou de nucléaire, il faudra bien tout faire pour revenir à une terre habitable. Évidemment, Lhomme a raison, la première priorité est d’arrêter de faire des saletés. Et vite. Mais ensuite, il faut bien nettoyer.
Qu’une culture de cannabis se développe sur les terres en jachère forcée des îles françaises ou des zones nucléarisées en Ukraine au Japon ou ailleurs serait souhaitable non seulement pour ces sols, mais pour l’exploitation éventuelle des plantes ainsi appelées en renfort, que ce soit pour leurs fibres ou leurs autres vertus – dans la mesure où leur fonction décontaminante les laisserait encore utilisables.
Si cela pouvait participer à la dédiabolisation du cannabis, ma foi, voilà qui ne serait pas si mal non plus...
À noter que cette étonnante campagne pro-cannabique circule de façon encore confidentielle – là sur libé.fr, et non dans l’édition papier, “noble”, de ce journal.
L’idée, inattendue à première vue, ne serait pas si farfelue que cela. La méthode est simple : planter, sécher et incinérer le tout.
Certaines plantes sont ainsi capables d’absorber par leurs racines des métaux, notamment radioactifs. Le blog spécialisé dans la culture de cannabis, Alchimia web, raconte qu’en 1998, « Consolidated Growers and Processors (CGP),
l’entreprisePhytotech, et l’Institute of Bast Crop d’Ukraine commencèrent leurs expériences avec la plantation de diverses espèces végétales pour l’élimination des métaux contaminants dans le sol autour de Tchernobyl ». Grâce à un processus nommé phytoremédiation, « les plantes ayant donné les meilleurs résultats sont le tournesol et le cannabis, avec une purification de 80% du sol d’une zone affectée ».
Bernard Bigot, administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), avait évoqué cette solution dans le Midi Libre, repris par Lesinrocks.fr, le 8 avril : « En ce qui concerne la décontamination des sols (...) nous avons suggéré la phytoremédiation, avec des plantes qui accumulent les radionucléides dans leurs racines puis sont traitées pour élimination. »
Selon Alain Vavasseur, responsable d’un laboratoire de physiologie végétale au CEA, cité par Le Parisien, la procédure est même assez simple : « Il suffit de récolter la plante, de la faire sécher puis de l’incinérer, les cendres étant ensuite traitées comme des déchets nucléaires. » Contacté par Libération.fr, il précise toutefois « qu’il faut incinérer les végétaux contaminés dans une installation adaptée munie des filtres nécessaires pour retenir les contaminants », au risque sinon de dégager une fumée radioactive.
Pour Jacqueline Garnier-Laplace de l’Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire (IRSN), certaines plantes peuvent être même réutilisées comme biodiesel ! Ainsi, la chercheuse, toujours citée par le Parisien, explique que « le colza a la capacité d’absorber dans les couches de surface le césium 137 et le strontium 90, qui sont deux des radionucléides que l’on retrouve majoritairement dans les territoires contaminées d’Ukraine et de Biélorussie. Une fois récoltée, l’huile de colza semble peu contaminée et peut être réutilisée pour fabriquer du biodiesel. »
N’en déplaise aux amateurs de marijuana, même si la plantation de plants de cannabis semble possible selon la législation japonaise, cette hypothèse rend les écologistes sceptiques.
Stéphane Lhomme, président de l’Observatoire du nucléaire, estime ainsi que « cette solution est anecdotique et ridicule pour de nombreuses raisons. Il faudrait recouvrir toutes les zones concernées de plantation de cannabis, c’est impossible, c’est absurde ». Pour lui, cela correspond à notre volonté d’être rassuré, de se cacher la vérité d’une certaine manière : « On est dans la recherche de solution miraculeuse mais il n’y a aucune solution viable. En Ukraine et en Biélorussie, 25 ans après, il y a encore des millions de personnes qui vivent dans des zones agricoles toujours contaminées par du césium. Il y a même des endroits où la situation s’aggrave. »
En tout cas, en attendant, sur le site spécialisé Cannaweed.com, l’internaute Crécerelle note qu’il ne «fumera plus de weed japonaise».
[Source : liberation.fr]