Appel à témoins constitution d’un comité contre la répression policière à Fontainebleau. Le témoignage d’une maman ci-dessous est particulièrement gerbant. Les instructions du ministre de l’Intérieur et du Président de la République sont claires : intimider les jeunes par tous les moyens.
Bonjour, je me permets de vous écrire car mon fils et quatre de ses camarades viennent de vivre un cauchemar.
Mardi dernier, les lycéens de Fontainebleau en Seine et Marne avaient décidé d’organiser une manifestation; manifestation autorisée et encadrée par la police.
Mon fils de 15 ans y était comme la majorité de ses camarades.
La manif semblait se passer de façon calme et festive quand les CRS environ à midi sont arrivés pour faire face au cortège. Mon fils, voyant les choses mal tourner, est parti dans les rues piétonnes et ils ont déjeuné en bande dans une pizzeria, (j’ai le témoignage de la patronne de restaurant). Une fois le repas fini, les gamins se dirigeaient vers le lycée quand ils ont été arrêtés les uns après les autres, de façon violente (capuche sur la tête, menottage sévère, propos humiliants de la part des policiers). Ils ont été emmenés en garde à vue et nous parents avons été prévenus de la garde à vue de nos enfants pour selon leurs mots « violence contre les forces e l’ordre, jets de bouteilles, jets de cailloux).
6 gamins âgés de 15 ans à 16 ans furent donc mis en garde à vue.
Une fois arrivés sur les lieux, on nous explique que les faits sont graves, qu’ils étaient recherchés depuis la fin de manif (ils ont été arrêtés deux heures après la fin de l’escarmouche) et qu’ils savaient pas encore ce qu’ils allaient faire. Au sujet de mon fils, me fut dit : « jets de pierres, de bouteilles, insultes. Quelques heures après, on avait pas le droit de voir les gamins, le père a pu lire les déclarations que notre fils avait fait : il reconnaissait un jet d’un débris de tomate avant que les évènements deviennent plus graves. Par contre, il expliquait qu’il n’avait rien lancé contre la police, qu’il avait juste repoussé un bout de grenade lacrimogène qui étouffait un bébé coincé comme lui avec sa mère dans le cordon de CRS. Puis il expliquait qu’il était parti manger pour s’éloigner de tout ce bazar.
L’inspecteur nous annonce alors que les 6 gamins seront gardés la nuit au poste et qu’ils auraient une comparution immédiate devant le procureur au tribunal de Melun le lendemain matin. Stupéfaits, on demande à nouveau le motif : jets de pierres et de bouteilles, les motifs sont flous, l’inspecteur nous disant que les mômes ne reconnaissent rien et ne veulent rien avouer!
Nous décidons de faire le pied de grue au commissariat dans l’espoir de voir notre fils. Un policier vient nous voir et nous demande de faon agressive de quoi souffre notre fils. stupéfaction de notre part, lui disant que mis à part une tendance à l asthme on n’a pas notion de ce qu’il veut dire. Il nous répond alors « ah il fait une bonne crise de cinéma, on est obligés d’appeler les pompiers mais vous ne pouvez pas le voir, de toute façon il fait du cinoch ».
Les pompiers arrivent, auscultent notre gamin qu’on voir derrière une fenêtre. Il fait des malaises à répétition, respire difficilement, est très pâle et pleure en disant qu’il veut nous voir, qu’il a rien fait. Les pompiers l’emmènent à l’hôpital, j’ai juste le temps de le serrer dans mes bras, il tient à peine sur ses jambes.
Le policier de garde nous suit jusqu’au camion de pompiers, me repousse et dit à mon fils : « allons tu fais du cinéma, c’est normal tu viens de comprendre que demain tu dormiras en maison de redressement »
Nous avons suivi le camion de pompier, forcé tous les barrages et pu enfin voir notre fils un petit quart d heure, grâce à la complicité d’un des deux flics qui le surveillaient à l’hôpital. L’enfant est très angoissé, respire très mal, n’a rien mangé. Le médecin conclue à une crise de spasmophilie et le renvoie en cellule avec un sac en plastique contre l’angoisse, et des sopalins. Ces deux objets lui sont enlevés immédiatement. On demande aux policiers de le nourrir à l’arrivée, la réponse fut que ce n’était pas possible, car les repas administratifs étaient distribués pendant sa crise et qu’il l’avait refusé. La case refusé était notée donc c’était trop tard pour manger. Nous n’avions pas le doit d’amener quelque chose non plus. Finalement nous sommes arrivés à régler le problème et il a pu manger un kebab amené par nos soins vers minuit.
Ils ont donc passé la nuit ainsi, le lendemain nous nous sommes retrouvés au tribunal de Melun. Et une attente infernale a commencé : nous n’avions toujours pas vu les enfants, nous apprenons que ce n’était pas une comparution immédiate devant procureur mais un déferrement, nous rencontrons un éducateur et à 16 heures, nous n’étions pas plus avancés. Nous savions juste que les gamins étaient en cellule, au dépôt et qu’aucune info ne leur était donnée. L’éducateur est venu me voir pour me dire que mon fils allait très mal, qu’il était en pleine crise de claustrophobie mais qu’il pouvait rien faire.
Les audiences ont finalement eu lieu entre 17h30 et 20 heures. Mon fils a eu une mise en examen et un procès est prévu dans quelques mois pour des actes qu’il n’a pas commis.
Je précise qu’il n’a aucun casier judiciaire, qu’il est un enfant poli, respectueux et que tout cela ne lui ressemblait pas du tout.
Enfin on a sorti notre fils mercredi soir. Nous avons lu la déclaration de la police et y avons noté des discordances :
- la description des habits de mon fils ne correspond pas à la réalité
- il est dit qu’il a lancé un bout de tomate et lancé une grenade alors qu’on nous avait dit jets de pierres et de bouteille
Depuis cette histoire, mon fils est fortement choqué. Il ne veut plus aller au lycée seul, a peur dès que des policiers sont dans les parages, ne dort plus, angoisse beaucoup. Les autres enfants interpellés sont eux aussi dans un état psychologique préoccupant. Sur les 6, un seul avait déjà un casier judiciaire, pour les autres, ils étaient inconnus des services de police. Ils rentraient tranquillement chez eux ou au lycée quand ils furent arrêtés. Aucun d’eux n’avait provoqué les CRS ou la police.
Je tenais à vous raconter cette histoire en espérant que vous en ferez quelque chose. Je souhaite également informer les journaux. Mediapart, Rue89, Libé sont au courant mais ne me répondent pas. Par ailleurs, ayant pris un avocat, je ferai tout pour que nos enfants soient reconnus comme victimes et non comme coupables. Je pense que c’est cela qui pourrait leur redonner leur santé psychologique.
Par ailleurs, mon fils me raconte depuis deux jours des choses invraisemblables, dignes des pires pays au monde. Les autres enfants racontent la même chose, donc nous les croyons :
- coups de la part des policiers pendant la garde à vue
- réflexion humiliante
- moqueries du genre : ‘ »alors content d’avoir fermé tous les emplois qui auraient pu vous prendre quand vous serez adultes? »; « demain soir c’est à fleury que tu dormiras » et j’en passe et des meilleures
- on les a déshabillés (sauf le caleçon) et inspectés minutieusement
- on ne leur a jamais donné d’infos concrètes sur ce qui allait se passer
etc….
C’est une honte! je suis révoltée, dégoûtée par ces pratiques policières, que cherche-t-on ? À détruire notre jeunesse ? À leur enlever leur conscience politique naissante ?
Dans l’attente et le besoin de vous lire
Cordialement
Marie Pierre L B
[Source : resistons ensemble]