[ [ [ le collectif Romeurope demande l’arrêt immédiat de l’expulsion des (...) - Yannis Lehuédé

Le premier de la récente campagne d’expulsion, Le Monde se félicitait de la rareté des réactions, soulignant avec ironie que, bien sûr, celles-ci seraient beaucoup plus rares et mesurées que la condamnation de la politique de Sarkozy à l’été 2010. Hier encore, un distingué politologue de l’IFOP réitérait l’analyse qui voudrait que la campagne raciste de François Hollande pourrait "passer"… Il est probable que ces imbéciles se bercent de leurs illusions rances… En tout cas, la réaction de Romeurope – qui fédère une vingtaine d’associations parmi lesquelles la Ligue des droits de l’homme, la Cimade, le CCFD, le Secours catholique, Médecins du monde, et la FNASAT (elle même une ample fédération) –, parfaitement ciselée et mesurée, ne laisse aucune ambigüité, tenant à exprimer “sa grande déception et sa totale incompréhension de la politique de démantèlement de campements menée actuellement par le Ministre de l’Intérieur, qui ne semble pas marquer de rupture avec celles conduites depuis plus de 10 ans par les gouvernements précédents”

Paris s’éveille

La Ligue des droits de l’Homme et les nombreuses associations regroupées dans le Collectif national droits de l’Homme Romeurope publient une lettre ouverte au Premier ministre. Le collectif demande l’arrêt immédiat du démantèlement des campements roms : « ces pratiques dont l’inefficacité est reconnue [...] contribuent à rendre plus difficile la recherche de solutions durables. »

Selon le collectif, le problème posé relève d’abord de la question du logement des personnes précaires et sans ressources, mais aussi de celles des affaires sociales, de l’Éducation nationale et de l’emploi.

Lettre ouverte adressée au Premier ministre par le collectif Romeurope

à Monsieur Jean-Marc Ayrault, Premier Ministre

Paris, le 14 août 2012,

Monsieur le Premier ministre,

Le Collectif National Droit de l’Homme Romeurope tient à vous exprimer sa grande déception et sa totale incompréhension de la politique de démantèlement de campements menée actuellement par le Ministre de l’Intérieur, qui ne semble pas marquer de rupture avec celles conduites depuis plus de 10 ans par les gouvernements précédents, ce qui amène la Commission européenne à alerter à nouveau les autorités françaises.

Début août, à Lyon, à Paris, à Lille, à Marseille, des évacuations de lieux de vie se sont encore déroulées sans proposition d’accompagnement des personnes expulsées, en termes d’hébergement ou de relogement, et de prise en charge des familles avec enfants, les abandonnant à la rue dans une précarité encore plus grande. Des renvois par charters vers la Roumanie ont été organisés sous couvert de "retours humanitaires" alors qu’ils sont de fait encore effectués sous la contrainte, en l’absence de possibilité immédiate de relogement. En affirmant par voie de presse la nécessité de fermeté dans l’application de décisions de justice, le Ministre de l’Intérieur stigmatise à nouveau les populations roms. Et malgré l’annonce d’une concertation avec les associations pour trouver des solutions, il n’en a rien été sur le terrain lors de ces dernières opérations.

Comme il l’a déjà fait par son courrier du 28 juin dernier, le CNDH Romeurope vous demande l’arrêt immédiat de ces pratiques dont l’inefficacité est reconnue et qui contribuent à rendre plus difficile la recherche de solutions durables.

Ces initiatives ne sont pas conformes aux engagements du Président de la République qui s’est exprimé sur le sujet en faveur d’une politique plus respectueuse des droits de l’Homme et de la dignité. Devant ces situations complexes qui combinent des questions d’habitat insalubre, de précarité, de scolarité, d’accès aux soins, d’emploi,… nous renouvelons notre proposition que se tiennent au plus vite, à l’initiative des préfets, des réunions de travail avec tous les acteurs concernés, Communes, Conseils généraux, Conseils régionaux et associations impliquées auprès de ces familles afin d’examiner chaque situation individuelle et de trouver des solutions pérennes, s’inscrivant dans le droit commun.

Des solutions sont possibles, elles n’attendent que le soutien de l’État. C’est particulièrement le cas avec la levée des mesures transitoires qui limitent l’accès au marché du travail français des ressortissants roumains et bulgares et qui sont un véritable frein à l’insertion de ces citoyens européens.

La problématique de ces familles roms dépasse le cadre du seul ministère de l’Intérieur, elle relève d’abord de la question du logement des personnes précaires et sans ressources, mais aussi de celles des affaires sociales, de l’Éducation nationale et de l’emploi, c’est pourquoi le CNDH Romeurope réaffirme le besoin d’une concertation interministérielle, sous votre autorité, permettant un pilotage et une plus grande cohérence des politiques publiques respectueuses à l’égard de ces ressortissants européens.

Afin de vous présenter plus en détail nos propositions, nous sollicitons un entretien dans les meilleurs délais.

Face à cette actualité préoccupante, vous comprendrez que nous rendions publique notre démarche auprès de vous.

Dans l’attente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre très haute considération.

Pour le CNDH Romeurope,

Malik Salemkour, vice-président de la Ligue des Droits de l’Homme

Roms : « La gauche mène la même politique brutale que la droite »

Sarkozy, Hollande : même combat ? Trois mois après l’élection du candidat socialiste à l’Élysée, les associations d’aide aux migrants disent haut et fort leur colère. Alors que François Hollande leur avait promis, au cours de la campagne, de revoir de fond en comble la politique à l’égard des Roms, les démantèlements de campements illégaux se multiplient depuis la fin juillet. Animateur du collectif Romeurope et vice-président de la Ligue des droits de l’homme, Malik Salemkour répond à FTVi.

• Vous attendiez-vous à ce que les démantèlements de camps de Roms continuent après l’élection d’un président socialiste ?

Malik Salemkour : Évidemment pas. C’est une grande déception. Dans une lettre qu’il nous avait adressée en mars, François Hollande s’était engagé à ce qu’aucune expulsion n’intervienne sans qu’une solution alternative pérenne ne soit trouvée. On a remarqué un ralentissement des démantèlements après l’élection, et puis depuis fin juillet, c’est reparti. On constate une continuité exacte de ce que nous dénonçons depuis des années, c’est-à-dire des expulsions sèches, qui interviennent pendant les vacances, en catimini, sans concertation ni accompagnement... Nous sommes très déçus.

• Il n’y a donc aucune différence, à vos yeux, entre la politique menée par Nicolas Sarkozy et celle menée par François Hollande sur ce dossier ?

La seule différence, c’est que dans la forme, on n’a pas les mêmes discours haineux que nous avons eu à dénoncer ces dernières années. Mais sur le terrain, c’est effectivement la même politique d’expulsion qui est menée, avec la même brutalité.

• Quelles sont, selon vous, les "solutions alternatives" qui doivent être proposées aux Roms avant le démantèlement de leurs campements ?

La première priorité, c’est de leur permettre un accès à l’emploi, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il faut pour cela lever des mesures transitoires qui leur limitent l’accès au marché du travail. C’est la première condition de leur insertion. Et ensuite, il faut que pour chaque cas de démantèlement, il y ait une concertation en amont, avec les élus, la préfecture, les associations et les personnes concernées, pour voir quels sont les besoins en matière de relogement, de scolarisation des enfants, etc. Ni plus ni moins que ce que prévoit aujourd’hui la législation de droit commun. Là, quand on a un démantèlement, les personnes s’enfuient, reforment des campements un peu plus loin, dans une précarité accentuée. Bref, on déplace le problème, sans le résoudre...

P.-S.

Collectif National Droits de l’Homme Romeurope :

ABCR (Association Biterroise Contre le Racisme) – ALPIL (Action pour l’insertion sociale par le logement) – AMPIL (Action Méditerranéenne Pour l’Insertion sociale par le Logement) – ASAV (Association pour l’accueil des voyageurs) – ASEFRR(Association de Solidarité en Essonne avec les familles roumaines et rroms) – Association Solidarité Roms de Saint-Etienne – CCFD-Terre Solidaire (Comité Catholique Contre la Faim et pour le Développement) – LA CIMADE (Comité intermouvements auprès des évacués) – CLASSES (Collectif Lyonnais pour l’Accès à la Scolarisation et le Soutien des Enfants des Squat) – FNASAT-Gens du voyage – Habitat-Cité – Hors la Rue – LDH (Ligue des Droits de l’Homme) –MDM (Médecins du Monde) – Mouvement catholique des gens du voyage – MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) – ROMAQUITAINE – Rencontres tsiganes – RomActions – Romeurope 94 – Secours catholique (Caritas France) – SICHEM (Service de Coopération Humanitaire pour les Etrangers et les Migrants) – Une famille un toit 44 – URAVIF (Union régionale des associations pour la promotion et la reconnaissance des droits des Tsiganes et des Gens du voyage d’Ile-de-France)

Et le Comité de soutien de Montreuil, le Comité de soutien 92 Sud, le Collectif nantais Romeurope, le Collectif de soutien aux familles rroms de Roumanie, le Collectif Rroms des associations de l’agglomération lyonnaise, le Collectif Romyvelines, le Collectif de soutien aux familles roms de l’agglomération orléanaise, le Collectif des sans-papiers de Melun, le Collectif solidarité Roms et gens du voyage du Nord.

[Source LDH-Toulon]