La guerre fait rage en Syrie. À Alep, principale ville du pays, contrôlée en grande partie par l’opposition depuis plusieurs semaines, la bataille est d’une extrême intensité. L’Armée syrienne de libération (l’ASL) a tenu bon jusque-là, mais les bombardements intensifs du quartier de Salahedinne, par lequel tente d’entrer l’armée gouvernementale, semble avoir fini par réussir à imposer le retrait de l’ASL. Seules quelques poches de résistance subsisteraient.
Depuis deux semaines, on ne pouvait que s’alarmer de l’intervention de l’aviation contre laquelle il est bien difficile de se défendre, sans aucun moyen de défense anti-aériens. Un Mig aurait toutefois été abattu, avec à une mitrailleuse lourde russe – récupérée par la résistance grâce à des déserteurs ou dans le cours des combats. Une mitrailleuse contre des centaines d’avions, c’est peu.
Cette dernière anecdote prouve bien que le mythe d’un approvisionnement en armes de l’opposition par le Qatar ou l’Arabie séoudite, claironné de tous côtés depuis des mois, a bien peu de fondement. Si tel était le cas, la résistance disposerait d’autres moyens pour défendre la ville contre ces bombardements qu’on dit d’une intensité "inouïe". Et elle ne serait pas à court de munitions, comme il semble que ce soit le cas après une semaine de bataille.
Si l’on se plait à pronostiquer la chute éminente du régime, le pays étant soulevé de toutes parts pour en finir avec la dictature sanglante de Bachar el Assad, il est bien possible qu’on sous-estime la capacité de destruction d’une armée qui a engagé une guerre totale contre son peuple.
Un nouveau paramètre est intervenu ces jours-ci avec l’entrée en guerre de l’Iran, qui apporte semi-clandestinement le renfort des "gardiens de la révolution", experts en répression du peuple, et qui fournissent d’appréciables renforts, des troupes fraîches, à une dictature dont les forces sont engagées depuis dix-huit mois maintenant dans ce travail d’extermination de l’opposition au prix du massacre d’innombrables civils.
Pour pouvoir faire face à cette situation dramatique, l’opposition demande une mesure simple : l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne – en anglais “no-fly zone”. S’il est certain que la Syrie dispose d’importants moyens de défense anti-aérienne, il est tout aussi certain que celle-ci serait sans grande efficacité si elle était confrontée à une armée moderne, qui dispose de multiples moyens pour juguler ce danger. De même, il est plus que probable que les aviations de pays comme la France, les États-Unis ou l’Angleterre surclasseraient sans grandes difficultés une aviation syrienne certes imposante, avec ses centaines de Migs, mais beaucoup moins sophistiquée.
Une paire de porte-avions en Méditerranée ou même un seul gros, tel le Charles de Gaulle, pourrait bien suffire pour dissuader fortement Assad de faire décoller ses engins de morts qui bombardent Alep. À lui tout seul, le porte-avions nucléaire français peut effectuer cent vols par jour – de quoi impressionner… Surtout, dès le premier de ses vols dans le ciel syrien, on devine d’avance l’immense cri de joie qui jaillirait du pays, probablement suffisant pour faire s’écrouler le régime comme un château de cartes.
En cas de difficulté, plus simplement encore, et à bien moindre risque est-il expliqué, il serait possible de pulvériser à distances les bases aériennes de l’armée syrienne avec une poignée de missiles. Or, en plus d’avions, le Charles-de-Gaulle est équipé de missiles sol-air…
Au lieu d’envisager sérieusement cette décision indispensable, pour laquelle l’armée américaine est encore mieux équipée, Hillary Clinton s’est rendue en Turquie afin de réitérer l’obscène position américaine qui ose proclamer qu’il ne serait question d’intervenir qu’au cas où Assad aurait recours à ses armes chimiques. Ce qui signifie en clair qu’il peut recourir à tous les autres moyens dont il dispose pour écraser son peuple sans qu’il soit question pour la première armée du monde de bouger un petit doigt.
Comme il fallait bien que sa visite serve à quelque chose, la patronne de la diplomatie américaine a, tout au contraire de la posture qu’elle affiche, arrangé avec les Turcs que soient empêchées les livraisons d’armes à l’opposition qui pourraient tomber entre les mains de “salafistes”…
Pour compléter le tableau, l’ONU a dépêché une représentante pour s’assurer des livraisons alimentaires qui sont faîtes au Croissant rouge syrien – le ministère de la famine de Assad. Pendant ce temps, les zones dîtes rebelles manquent non seulement de munitions mais plus encore de manger.
En tout état de cause, il semble établi que s’il y avait une intervention en faveur de la zone d’exclusion aérienne réclamée par l’opposition, elle ne pourrait être qu’anglo-américaine, tant il est manifeste qu’il n’y aurait rien à attendre de l’armée française. Pourtant celle-ci nous coûte très cher. Même quand elle ne sert à rien.
Paris s’éveille
P.S. On découvre à l’instant, sur lemonde.fr, et dans Le Monde d’aujourd’hui, un long plaidoyer de BHL intitulé "Des avions pour Alep". S’il faut s’en féliciter, on peut regretter que notre philosophe engagé considère que ceux qui se rallient à une telle mesure sont forcément les mêmes qui ont applaudi à la guerre en Libye qui a consisté en tout autre chose. Même si c’était effectivement la revendication que portait dès le départ l’opposition libyenne. En Libye, la décision tardive d’une intervention a consisté, bien au-delà, à s’autoriser de bombarder le pays, trop souvent de façon aveugle, et on sait que cela a laissé un bien mauvais souvenir à une grande part de l’opinion qui pourrait néanmoins appuyer une politique de simple exclusion aérienne en Syrie. À elle seule, une telle décision changerait l’équilibre des forces militaires et psychologiques sur le terrain. On peut regretter aussi que BHL ajoute aussitôt des compléments de programme – que personne n’a réclamé –, telle une "no-drive zone", qui supposerait de bombarder au sol les forces terrestres assadistes lors de leurs déplacements. Il n’est pas interdit de craindre là une dérive libyenne, susceptibles de causer nombre de "dommages collatéraux", ainsi qu’on appelle les victimes civiles. Quant à fournir des armes "défensives" à l’ASL, il est certain que celle-ci ne s’en plaindrait pas, mais on sait combien ceci heurte tous ceux qui craignent de voir de telles armes entre les mains de "salafistes", ainsi que la signifié Hillary Clinton en Turquie. À trop réclamer, on prend le risque de ne rien obtenir. Pour ce qui est de la France, beaucoup moins maximaliste, le philosophe diplomate demande simplement que celle-ci fasse usage de sa présidence momentanée du Conseil de sécurité de l’ONU pour prendre des initiatives… diplomatiques. Or, on sait que le ministère des affaires étrangères français a d’ores et déjà annoncé qu’il entend réunir ledit Conseil sur la question syrienne, mais pas avant le 30 août.
Alors qu’on ne peut que se réjouir du titre de cette tribune, on garde finalement l’impression ambigüe que celle-ci travaille à s’auto-annuler en exposant ce point de vue nécessaire de façon à le rendre inopérationnel… Son vieux compère André Glucksman exposait samedi, dans les mêmes pages du Monde, un point de vue plus simplement critique de la scandaleuse inaction internationale, faisant l’économie de toute proposition, mais qui était, au fond, plus cohérent, même s’il manquait de conclusion pratique.
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L’improbable instauration d’une "zone d’exclusion aérienne" en Syrie
Après une journée marquée par de violents bombardements à Alep, l’ASL réclame l’instauration d’une "zone d’exclusion aérienne". Sa mise en place comme son efficacité restent incertaines.
En Libye déjà, l’installation d’un couloir aérien protégé, ou "zone d’exclusion aérienne", était l’une des principales revendications des opposants au feu Mouammar Kadhafi. On connaît la suite : la surveillance aérienne du pays par la coalition s’est transformée en appui militaire pour les forces au sol. Poussés hors du quartier symbolique de Salaheddine, à Alep, par une journée d’intenses bombardements aériens des forces armées syriennes, les combattants de l’Armée syrienne libre (ASL, opposition) en appellent à leur tour à cette "no fly zone", qui impliquerait une interdiction de survol de son propre territoire par les aéronefs du régime.
Cette initiative requerrait un mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies, impliquant un consensus peu évident sur une intervention internationale en Syrie. Les vetos russe et chinois à répétition condamnent a priori cette issue. "Passer outre [ce mandat] – comme on l’a déjà fait au Kosovo en 1999, laisserait forcément la France de côté, qui a martelé ne pas souhaiter agir en dehors du cadre de l’ONU. En réalité, cela signifie que les Etats-Unis et leur allié Britannique iraient seuls sur ce front. Mais là encore, la Maison Blanche n’interviendrait sûrement pas en période électorale", explique Philippe Migault, spécialiste des questions de défense à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). Une telle intervention nécessite également un déploiement militaire considérable. "Les bases pour les avions chasseurs sont rares dans la région. La première se trouve en Turquie. Mais le précédent irakien de 2003 montre que sa coopération avec les Etats-Unis reste fragile. Et Israël, pour des questions politiques, ne prêtera pas ses bases. Il faudrait donc frapper de plus loin, depuis des porte-avions dans l’océan Indien ou la Méditerranée", poursuit le chercheur. L’autre solution consiste à anéantir les bases de l’armée de l’air syrienne à l’aide de missiles de croisière.
"S’ENGAGER, C’EST ACCEPTER QU’IL Y AIT DES PERTES"
L’efficacité d’une telle zone d’exclusion reste aussi incertaine. Car même sans aviation, l’armée de Bachar Al-Assad compte des milliers de chars et d’hommes. "Seule, elle ne suffira pas", estime Philippe Migault. Il y a quelques mois, l’ASL a déjà demandé une sorte de couloir aérien humanitaire, vers la frontière turque, qui lui aurait permis d’y établir une sorte d’état-major. Une version que Jean-Claude Allard, directeur de recherche à l’IRIS, juge "plus réaliste". Déjà mis en place après la première guerre du Golfe (1980-1988), lorsque Saddam Hussein lançait des offensives contre les chiites au sud ou les kurdes au nord, "le ’outhern watch’ et le ’northern watch’ avaient été efficaces", se souvient le chercheur et spécialiste de la défense aérienne.
Les combattants de l’ASL pris sous les bombardements voient toujours peser au-dessus de leurs têtes la menace aérienne. Wassel Ayoub, commandant de la brigade Nour Al-Haq, a affirmé avoir subi un bombardement "inouï" ce matin. Mais pour Philippe Migault, l’armée syrienne n’a rien de comparable avec celle de la Libye : "Ici, décider de s’engager, c’est accepter qu’il y ait des dommages collatéraux, et des pertes en hommes."
[Source : lemonde.fr]
Is Syria’s balance of firepower close to a tipping point?
As Free Syrian Army blames ammunition shortage for pulling back in Damascus, regime is also struggling with logistics issues
There is a modern military saying : amateurs talk tactics, professionals talk logistics. If evidence were needed of the truth of that, it was supplied last month in the fighting in Syria’s capital, Damascus, when an offensive by opposition forces sputtered out as its fighters ran short of ammunition.
In the fighting for Aleppo the same problems seem to be recurring. On Thursday opposition fighters, under heavy pressure from a regime assault, finally pulled back from the Salahedin neighbourhood. As they did they blamed shortages of ammunition, not least of rocket-propelled grenades (RPGs), which some commanders have said they have been using at a rate of some 60 a day. Petrol, too, has increasingly become an issue.
But is not only the opposition that has had problems with logistics. According to reliable accounts, the Syrian armed forces have also had difficulties, not least in maintaining the serviceability of the attack helicopters on which they have become increasingly reliant.
In a conflict in which President Bashar al-Assad’s armed forces appear unable to defeat an opposition growing ever more effective, both tactics and logistics have suddenly become crucial. So what has happened?
The reality is that while the military balance between the two sides remains hugely uneven, the opposition has been able to play to its advantages – in the short term at least – while the regime has found it increasingly difficult to exploit its strengths as the fighting has moved to the country’s largest cities.
When the conflict began, the Assad regime had more than 300,000 troops under arms and could call on more than 100,000 militia and paramilitary personnel. While defections and combat casualties are likely to have made some inroads into that total, experts believe regime forces are still likely to be two to three times larger than the 70,000 or so the Free Syrian Army claims to have fighting on its side.
The regime also maintains its monopoly on air power, with little hard evidence that the FSA – despite its claims to the contrary – has significant numbers of anti-aircraft missiles or the training to use them.
In terms of armour, opposition forces remain hopelessly outgunned, claiming just over half a dozen captured tanks and some other armoured vehicles against the almost 5,000 the regime had at the outbreak of hostilities.
Despite all that, analysts believe things have changed. "My sense is that the military balance is shifting," said Jeffrey White, a former US intelligence officer who now comments on Syria for the Washington Institute for Near East Policy.
"People are always looking for the mythical turning point in Syria. There has not been a decisive moment but there has been a change."
White, like others, believes that one decisive factor has been improvements by the FSA’s fighters in using what weapons are easily available to them, captured or bought from the army, and improvements in the quality of their leadership despite continued heavy losses among leaders.
"What they have got – like small arms and RPGs – they are using much more effectively," he said. "They are also using captured anti-aircraft systems like the ZU-23s and Dushkas much better."
The result, White believes, is that the regime is taking ever higher numbers of casualties. "In the last couple of months we are talking about 150-160 killed a day," he said.
What is counterintuitive – despite all the talk of weapons deliveries for the FSA paid for by Gulf allies such as Saudi Arabia and Qatar and talk of US and Turkish intelligence and co-ordination assistance – is how little hard evidence there is so far of large amounts of weapons being delivered from outside. What evidence there is of weapons entering the country suggests that so far it has largely been small arms. JBelgian journalist and blogger Damien Spleeters has been attempting to identify the source of small arms that do not appear to come from the Syrian military, including Belgian-made FAL and Austrian Steyr AUG rifles that have been seen in rebel hands.
Some reports have suggested they have been smuggled from Libya via Iraq into northern Syria. Instead, examination of still photographs, videos and first-hand reports indicates that most of the weapons acquired by the opposition are of Syrian origin, largely older, Soviet-supplied equipment.
One fighter interviewed by Reuters in late July described how his own unit, operating in Idlib province, had obtained its heavy weapons. "We took their anti-aircraft guns, the booty, and left a dozen of their men dead," said Radwan al-Saaour, 26, a former labourer from Latakia.
"We did not have the experience to lay explosives, or any coherent leadership … but this is now changing," said Khaldoun al-Omar, another rebel interviewed at the same time. "The battles are looking more like warfare between two armies, even though they far outgun us."
The growing effectiveness of the FSA has been fuelled by a number of factors that are likely to be increasingly important even if the rebels lose the current battle for Aleppo.
As the Assad regime has lost control of more of the rural areas, the opposition has found it easier to move men and arms, while denying the same ability to the regime.
Despite that, some observers believe the regime retains considerable military resilience in terms of personnel and equipment. They argue that Assad’s generals, anticipating a crisis over the Golan Heights, had topped up their military arsenal to be able to fight a two-year conventional conflict against Israel if necessary.
However, a number of experts say that one significant feature of the latest phase of the fighting appears to be a change in tactics by the regime.
It has placed far greater reliance on the use of air power in the fighting around Aleppo, including use of an L-39 jet to strafe rebel positions and the dropping of 550lb OFAB free-fall bombs from Hind helicopters, while holding back ground troops and tanks until the last few days.
While some have interpreted this as a shortage of artillery in place around the city, other have suggested that it signifies an increasing unwillingness to risk the loss of troops loyal to Assad through casualties or defection.
Colonel Richard Kemp, a former British army commander who contributed to a recent report by the thinktank RUSI on the trajectory of the Syrian conflict, said he had heard "whispers" of the FSA acquiring anti-aircraft missiles from outside, "but nothing concrete". But he believes that most of the assistance from the US and its Gulf allies is likely to have been with communications, training and intelligence. He also pointed out that the regime has been in receipt of similar aid from Iran and Russia.
"The question in any case is how useful sophisticated weapons would be to a force like the FSA," he said, adding that Turkey and the US are likely to be cautious about supplying anti-aircraft weapons that could fall into the wrong hands.
"People will remember what happened in Afghanistan where it was necessary to have a buy-back programme for Stingers that were supplied."
Like others, Kemp has detected a change of regime tactics in the battle for Aleppo as the FSA has grown more confident militarily. "It is possible that is because the regime itself is aware that the more the fighting escalates, the greater the risk there is of outside intervention," he said.
[Source : The Guardian]