[ [ [ Camp pour étrangers de Vincennes, le 4 juillet 2009 - Yannis Lehuédé

La personne que nous avons au téléphone nous raconte que des
manifestants sont venus hier soir aux abords du centre. On en profite
pour lui lire l’article de l’Humanité publié la veille. La grève de la
faim continue au centre.

Voir aussi les témoignages :
Camp pour étrangers de Vincennes, le 1er juillet 2009
Camp pour étrangers de Vincennes, le 2 juillet 2009

« Hier, vers 20h30 à côté du centre il y a eu une foule qui manifestait
pour nous. Un ami qui appelait sa fiancée dehors est rentré dans la
chambre pour nous dire qu’il y avait des manifestants qui criaient pour
nous. Il a dit qu’il fallait sortir, on ne s’attendait pas à ça, on est
sorti d’un seul coup.

Ca m’a vraiment touché. On ne pouvait pas voir mais on a entendu crier,
on nous parlait en criant. La petite foule demandait la libération des
retenus, la liberté. Ça m’a fait beaucoup plaisir, ça m’a chauffé le
cœur. On a crié avec eux même si on est fatigué par la grève de la faim.
On a fait des efforts pour qu’ils nous entendent. Je sais pas combien de
minutes ils sont restés puis ils sont partis, je pense à cause de la
sécurité. Peut être la police a dispersé les manifestants. On était très
heureux. Ca m’a vraiment touché pour moi et pour les autres, ça nous a
donné le courage pour qu’on continue la grève.

Avec la police ça a été mais on peut pas écouter ce qu’ils disent entre
eux, Ils ne savent jamais quand ça peut chauffer dans le centre, mais
nous on est pas agressif. On crie pour qu’on nous entende. On a commencé
à rigoler et après les policiers sont partis.

On était dans le petit jardin, ce n’est pas grand, mais on a entendu
bien comme il faut les cris et les paroles.

Les policiers font leur travail au niveau sécurité mais on leur a
expliqué qu’on était pacifiques, qu’on n’aime pas faire des trucs pas
bien. On est pas ici parce qu’on est des criminels, on crie pour notre
liberté, c’est tout.

On a déclenché l’alarme pour être entendu de l’extérieur.

On a été très heureux, on a dit que les autres essayent de combattre
pour nous et nous on doit pas craquer, on doit continuer le combat.

En ce moment il y a toujours des nouveaux qui arrivent en rétention, des
chinois et des blacks mais certains mangent. On parle à ceux qui mangent
pour qu’ils comprennent. Il y a aussi des gens malades et eux on ne peut
pas les obliger. Mais la grande majorité tient toujours le courage et le
souffle pour notre liberté. Les nouveaux disent qu’ils s’en foutent, que
demain ils partiront au bled ou à Bangkok.

La dernière fois on a demandé du sucre, la police était d’accord, elle a
demandé du sucre au personnel civil du réfectoire. Les travailleurs nous
en ont donné mais quand leur chef a vu ça il a gueulé, il a dit que si
on voulait du sucre on avait qu’à prendre les repas. On a refusé. Après
le personnel civil ne voulait plus nous donner de sucre.

Alors on a protesté auprès du capitaine pour avoir du sucre et on a fini
par obtenir du capitaine de pouvoir aller chercher du sucre et du sel à
l’infirmerie.

On continue de faire des réunions entres les grévistes, il y a toujours
le commandant et le capitaine qui viennent discuter avec nous pour voir
comment ça se passe. Nous on lui parle de nos problèmes même si on
arrive pas bien à s’exprimer : par exemple il y a des gens qui ont une
famille dehors. Mais il ne peut rien faire, il est là comme chef de la
police ou de la rétention qui observe et qui fait les commandes de
nourriture. Par rapport à nous le commandant ne peut rien faire, malgré
tout on est là et on attend le jour de notre libération.

Il y a des policiers qui montent dans les chambres et viennent chercher
les gens pour manger.

En ce moment il y a beaucoup d’expulsions vers l’Asie, vers Bangkok, pas
trop vers l’Algérie. Chaque jour il y a 2 ou 3 expulsions.

[On lui demande si les flics continuent à les compter plusieurs fois par
jour avec leur carte de retenus]

J’ai une carte avec mon nom et ma photo, c’est pour les visites et les
repas. La police ne compte pas avec les cartes. Pourquoi ils nous
compteraient ? On n’est pas militaires, ni policiers, ni criminels !

Je suis depuis 25 jours dans le centre. La dernière fois je suis rentré
dans la chambre et j’ai trouvé un ami pendu. Quelques secondes plus tard
il serait mort. Je n’ai jamais vu ça, depuis que je suis ici j ai vu 5
tentatives de suicide. Les gens qui font ça ils se disent :
« s’il y a
quelqu’un qui vient à mon secours tant mieux, sinon je suis mort », ça
leur évite de partir au bled. Y a rien au bled, ils aimeraient bien
rester ici, ils ont un travail ici. Il y a même des gens qui ont une
famille ici, comme moi par exemple.

[Il nous décrit le centre]

C’est un grand chalet avec des compartiments. A l’étage, chaque chambre
est soit de 2 personnes soit de 4 personnes, et il y a les cabines
téléphoniques. Il n’y a pas de poste de police à l’étage mais de temps
en temps il y a des rondes. Au rez-de-chaussée il y a le réfectoire et
la salle télé et une play station. A l’extérieur il y a un jardin. Avant
il y avait deux chalets mais ça a brûlé et à la place ils ont mis un
gazon. C’est là qu’on était quand on criait hier soir. Au dessus du
jardin il y a un couloir réservé à la circulation des flics, avec deux
guérîtes

Il y a des cameras partout de tous les cotés, dans les couloirs et le
jardin, c’est une observation totale, heureusement il n’y en a pas dans
le chiottes et les douches. »

fermeturetention@yahoo.fr

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