[ [ [ En revenant de Vincennes (le 3 janvier) - Yannis Lehuédé

Ce jeudi-là, au matin, la radio relatait d’un ton léger que les membres du
Saint Gouvernement allaient gaiement recevoir les récompenses pour la
besogne accomplie, des mains du Grand Manitou.

L’un de ces sinistres
personnages, B**** H********, se trouvait passible d’une « mauvaise note »
(si si le président note ses élèves - ministres, c’est-y pas mignon ??)
pour n’avoir pas bien fait son devoir. Malgré le zèle des flics en cette
fin d’année, les chiffres n’étaient pas suffisants, « le compte n’y était
pas ». Pourtant, au micro de la journaliste, le triste sire, revenant d’un
« petit déjeuner ministériel » où il s’était assurément pété le bide, se
contentait d’une petite boutade et d’un rire de circonstance. Qu’à cela
ne tienne !

Les 25 000 « indésirables » n’ayant pas pu être expulsés cette
année, le Pouvoir entend « travailler plus pour expulser plus » l’an
prochain, en fixant la barre à 28 000 déportations en 2008. Les bonnes
résolutions n’attendent pas chez les hautes sphères de l’Etat.

Une marche vers le centre de rétention de Vincennes était organisée
l’après-midi du même jour. Quelques 200 personnes étaient présentes,
motivées mais pacifistes pour la plupart. Après une heure de marche, nous
arrivons, en plein milieu des bois, devant cet endroit innommable. Une
forte présence des gardes mobiles nous avait précédée. Pour qui ne s’est
jamais retrouvé en face d’un bâtiment pareil, il faut se représenter la
chose : un fort énorme avec des murs hauts de dix mètres, sombres et
recouverts de barbelés, dominés par des miradors et des projecteurs
aveuglants. Depuis notre emplacement, nous pouvons apercevoir les immenses
baraquements à l’intérieur de l’enceinte. Là se trouvent enfermés des
centaines de personnes, attendant dans l’angoisse qu’on les saisisse et
qu’on les déporte vers ce que les autorités appellent « leur pays ».

Nous réussissons à gueuler assez fort pour nous faire entendre des
prisonniers, et ceux-ci répondent aux cris de « Liberté ! Liberté ! » et « 
Murs par murs, pierre par pierre, nous détruirons toutes les prisons ! ».
Un élu inopportun tente de prendre la parole, pour noyer le sujet en
évoquant un « soutient à l’amélioration des conditions de détention dans
les centres. ». Fort heureusement, nous parvenons à faire taire ce cuistre
modérateur et récupérateur professionnel, qui ensuite ne tarda pas à
s’éclipser.

Un dialogue par téléphones interposés se met en place avec
les détenus, ces derniers décrivant leur calvaire et les violences
policières subies par eux à l’intérieur du camp, ainsi que leur récente
révolte. Les témoignages furent poignants, très durs parfois, tant ce que
ces personnes subissent est difficile à imaginer, pour nous qui sommes en
« situation régulière ».

Devant nous, deux rangées de militaires, certains s’échangeant des blagues
dont nous ne souhaitons connaître le contenu.Dans leur regard à tous, la
même expression vide, l’absence de réaction à nos invectives, symboles de
la violence étatique, sourde et muette. Et toujours le même constat :
nous ne sommes pas assez nombreux, désarmés, impuissants devant cette
infâme prison, pas assez enragés peut-être.

Pourtant, au fond, nous
savons tous qu’aucun gouvernement ne réglera ce versant de la question
sociale, étant donné que la « gauche socialiste » aussi a participé
largement à la construction de ces camps inhumains, ainsi qu’aux lois
anti-immigrés qui en sont la cause. Alors ?

Alors il faudra bien un jour que toutes celles et tous ceux qui,
révolté(e)s par ce drame quotidiennement renouvelé, tirent la conclusion
suivante : ces monstruosités carcérales qui détruisent des vies humaines
doivent disparaître, et personne ne le fera à notre place.

Non Fides (Groupe Anarchiste Autonome)

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