[ [ [ Informations et impressions des raffineurs de Feyzin - Yannis Lehuédé

Rebellyon : Du point de vu de la mobi­li­sa­tion aujourd’hui il y a du monde sur le piquet de grève, vous en êtes où ?

— On a la chance d’avoir la pré­sence de nos col­lè­gues de Lyon Sud CGT qui est venu nous sou­te­nir ce matin, encore une fois. Ce matin , on a vu encore JTEK qui est venu. Le groupe com­mu­niste de Vénissieux, les élus de Feyzin... qui ont débar­qué. Des étudiants, des jeunes chô­meurs... (ndr : quelqu’un s’agite à côté...)

• Tu veux par­ti­ci­per ?

— HCL Lyon Sud : Non, non... mais c’est impor­tant d’être là sur les piquets de grève d’être là aussi, comme nous on le voit sur l’hôpi­tal aussi. Y a des che­mi­nots qui vien­nent nous sou­te­nir, des étudiants, les raf­fi­neurs et c’est ça qui est bien, parce que c’est la soli­da­rité entre tout le monde quoi. Y a des chô­meurs, des retrai­tés qui vien­nent sur nos piquets de grève et ça c’est hyper inté­res­sant.

• Mis à part aujourd’hui, où appa­rem­ment le Progrès est venu vous voir, on avait pas de nou­vel­les sur ce qui se pas­sait dans le cou­loir de la pétro-chimie, qu’est-ce que tu res­sent face à ça ?

— C’est ce qu’on a pu repro­cher à tous les jour­na­lis­tes qui soient de la presse écrite ou de la presse audio­vi­suelle. Y a pas la prise en compte de tous les piquets de grève de tous les mou­ve­ments qui peut y avoir. Actuellement, il y a un piquet de grève à la Poste Bellecour impor­tant, y a les éboueurs, y a des actions de la part de tous les sec­teurs comme disait le copain.

Hier après midi, on était avec les étudiants devant l’UMP, puisqu’on à pu appren­dre lundi soir, que c’était le projet de Mme Parisot asso­cié à l’UMP qui était dis­cuté à l’Assemblée et au Sénat...

Il est évident que la contes­ta­tion bat son plein, que la presse ne joue pas son rôle puisqu’elle évite le sujet. Comme tu le dis par rap­port au Progrès qui fait des papiers le pre­mier jour et puis plus rien après, on parle pas des dépôts, on parle de rien , tout va bien... C’est la manière de faire de ce gou­ver­ne­ment et de ce qui s’asso­cie à ce gou­ver­ne­ment. Ce qui est grave, et qui ne nous permet pas d’avoir une véri­ta­ble coor­di­na­tion réelle de tout ce qui se passe. Les actions exis­tent, la lutte existe, l’ampleur de la par­ti­ci­pa­tion de tous les sala­riés qui vien­nent appor­tés du sou­tien, finan­cier, morale...

• Étonnant ces cais­ses de soli­da­ri­tés qui se sont mis en place .

— Tout à fait. À la demande des gens qui veu­lent vrai­ment nous sou­te­nir, qui sou­tienne tous les com­bats actuels pour lutter contre ce projet de réforme et contre ce gou­ver­ne­ment qui appli­que ces réfor­mes en jouant avec sa majo­rité à l’Assemblée et au Sénat. C’est de la dic­ta­ture dégui­sée quoi. Une démo­cra­tie , tu peux en faire une répu­bli­que dic­ta­to­riale. On voit bien le pré­si­dent de ce pays qui ne fédère per­sonne et ne joue qu’avec une partie des fran­çais, style qui se veu­lent du MEDEF. Y a que le profit... On vient de décou­vrir que son frère était à la tête d’un nou­veau dis­po­si­tif de retraite par capi­ta­li­sa­tion.

HCL Lyon Sud : Et même pour aller plus loin, comme demain c’est la réforme de la Sécu et c’est elle qui va être remis en jeu par rap­port aux hôpi­taux des ser­vi­ces publics, donc on voit bien toute la magouilles de ce gou­ver­ne­ment. Et pour reve­nir sur la Presse. Elle est pas libre la Presse. On a par­ti­ci­per à une confé­rence de Presse avec la ville de Lyon, et on a parlé des Hospices Civils. Et le pro­blème c’est qu’il a paru 10 lignes dans les jour­naux... Mais on sait pour­quoi. Parce que 3 jours après ils sor­taient un 8 pages sur les Hospices Civiles de Lyon. Nous ont parle des pro­blè­mes de per­son­nels, ont parle pas des nou­vel­les tech­no­lo­gies, tout ce qui fait du bien à la santé par rap­port au patient, y a de la moder­ni­sa­tion, on le reconnaît. Mais qui on met dedans pour tra­vailler ? On met du per­son­nel ? Non... Donc nous on a cri­ti­qué toute cette forme qui est mis en place, sans vigi­lance, sans sécu­rité. Ca tenait 10 ligne, et vu les 8 pages qui sont paru ensuite, on a com­pris que la Presse était muse­lée.

— C’est vrai que les syn­di­ca­lis­tes peu­vent pas se payer des pages dans les jour­naux. C’est vrai que l’on a une com­mu­ni­ca­tion qui est réduite à la simple volonté de celui qui veut bien faire une syn­thèse. Alors 10 lignes bien sûr... Il a pas parlé des heures de nuit des infir­miè­res qui a été com­plè­te­ment sup­pri­mées.

HCL Lyon Sud : Y a 9 € d’écart...

• Si vos machi­nes sont arrê­tées, l’essence dans les sta­tions, elle vient d’où ?

— Alors les pro­prié­tai­res des sta­tions ser­vi­ces des réseaux de dis­tri­bu­tion disent qu’ils achè­tent du pro­duit en Italie, ils achè­tent du pro­duit dans le Sud... Mais je pense que les chauf­feurs rou­tiers font beau­coup de kilo­mè­tres. Puisque le dépôt, ça fait 15 jours qu’ils tapent dedans et y a pas la quan­tité sou­hai­tée , à proxi­mité... Alors ils font venir le pro­duit de très loin.

• Tout sim­ple­ment ?

— Tout sim­ple­ment. Et au dépend des condi­tions de tra­vail des rou­tiers, même des règles de sécu­rité puis­que Mr Bussereau à auto­ri­ser à passer de 44 tonnes à 40 tonnes le char­ge­ment d’un poids lourd.

• Et sur cette fameuse cir­cu­laire de réqui­si­tion qui pou­vait se poin­ter, vous avez des pres­sions sur ça ?

— Comme je te l’avait dit, nous on a peu de pro­duit en stock. On a de l’essence, mais du gazole , on en a que 4000 m3, donc... Ca fait 160 camion, le tra­vail d’une mati­née, à peine. On pro­duit pas, on reçoit pas de pro­duit. Il n’y a pas de pos­si­bi­lité de pro­duire, donc une réqui­si­tion, elle pour­rait bien arri­ver, de fait elle serait arrê­tée , blo­quée, obso­lète.

• Qu’est-ce que tu attends de cette AG ? Celle de ven­dredi pro­chain ?

— Si il y a AG, for­cé­ment c’est les sala­riés qui déci­dent. Ils déci­de­ront de la pour­suite ou de la non pour­suite. Mais nous on sou­haite conti­nuer le combat, on a pas encore gagné. Il faut lutter. Il faut coor­don­ner toutes nos luttes, il y a une contes­ta­tion évidente et vio­lente de la part des sala­riés dans ce pays, il faut que ça conti­nue.

[Notes du rédac­teur :Cette entre­vue a été retrans­crite grâce à des prises de notes.]

Conditions de tra­vail péni­ble, rou­le­ment en 3/8 et envi­ron­ne­ment pollué, les ouvriers raf­fi­neurs de Feyzin se racontent. Juste avant de partir en AG !

Rebellyon : Racontez moi vos jour­nées.

Qu’est-ce que tu veux qu’on te dise... On fonc­tionne en 3/8, le matin on prend à 6h. Alors bon, du coup la vie de famille en prend un coup.

Ouais, et puis on tra­vail les week-end aussi. On a qua­si­ment deux week-end sur cinq tout le long de l’année. On passe le réveillon et les fêtes à la raf­fi­ne­rie.

• Et vos condi­tions de tra­vail, quel­les sont-elles ?

Là dessus c’est poli­ti­que. On nous parle de sécu­rité et de qua­lité sans arrêt. Mais au niveau de la sécu­rité de tous, on sait que pour la direc­tion « faut pas que ça appa­raisse... » Ah ! ah !

Oui ! (Tout le monde acquiesce.)

La sécu­rité sur le site tout le monde veut bien en parler, tant que ça se passe bien... Il y a de l’hypo­cri­sie. Comme sur l’ air qu’on res­pire.

• C’est à dire ?

Via les direc­ti­ves envi­ron­ne­men­ta­les, la raf­fi­ne­rie se voit impo­sée des normes de rejet dans l’atmo­sphère. Et ça fonc­tionne selon des quotas. L’an der­nier nous avons dimi­nué nos rejets, et donc les quotas n’étaient pas rem­plis... Et bien on nous a demandé de raf­fi­ner jusqu’à être aux quotas maxi­mum !

Sinon Total perd des cré­dits... des sub­ven­tions qui per­met­tent, dans l’absolu, de moder­ni­ser l’outil de pro­duc­tion, pour l’écologie quoi.

On res­pire de la merde. Des matins c’est hor­ri­ble. On parle des retrai­tes, un copain , lui, n’a même pas eu le temps d’en pro­fi­ter, c’est dur ici.

Évidemment, comme ça , sur le moment, on peut pas dire si notre lieu de tra­vail nous bou­sille la santé, mais mais sur une car­rière com­plète ça joue, c’est sur. L’atmo­sphère est pollué de manière dif­fuse et conti­nue. Le gou­ver­ne­ment nous fait un amen­de­ment sur l’inva­li­dité, ça ne va pas. C’est de péni­bi­lité qu’il faut parler !

• On appro­che de l’hiver, et ici ça ne res­sem­ble pas vrai­ment à des emplois de bureaux...

Et oui. Comme tous les métiers de l’exté­rieur t’es soumis aux intem­pé­ries. A la dif­fé­rence que nous, on a pas de droit de retrait si il pleut ou qu’il fait trop mau­vais. Les gars qui tra­vaillent sur les chan­tier dans le BTP, eux, en ont un ! Qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il fasse 40°, tu bosses.

Oh, l’été dans cer­tains sec­teurs si tu tra­vailles près des fours, tu perds 3 litres d’eau dans la jour­née... Et l’hiver t’es gelé.

• Comment vous voyez l’avenir ?

Actuellement, Total perd de l’argent sur ses raf­fi­ne­ries... Les bud­gets sont res­treint.

• Ça se res­sent au niveau des effec­tifs ?

Non... ça change pas grand chose.

Mouais..., t’avouera qu’on est « rick­q­rak ». Des fois c’est limite. On sait de toute manière que nos emplois ne sont pas renou­ve­lés. Comme dans l’Est de la France, où des jeunes se sont vus pro­po­sés des postes loin de leur lieu d’habi­ta­tion.

Du coup, régu­liè­re­ment on attend une fer­me­ture, tous les 2 ans, on a des annon­ces... Quand à des reclas­se­ments, il n’y a pas de boulot dans la région. La direc­tion fait tirer les anciens jusqu’au bout et refuse d’embau­cher des jeunes. Dans jeunes qui ont suivi une for­ma­tion, il leur faudra peut-être atten­dre 4 ou 5 ans au Pôle Emploi avant de trou­ver quel­que­chose.

Oui , ils pré­fè­rent garder les vieux, l’effet direct c’est qu’il y a un manque de place pour les jeunes.

Eh les gars , ça part pour l’ AG !

Allez ciao.

Propos recueillis sur le piquet de grève de la raf­fi­ne­rie de Feyzin, le mer­credi 27 Octobre 2010 à 13h 30.

[Source : rebellyon]

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