[ [ [ Manifestation étouffée à Paris - Yannis Lehuédé

Récit.

« Vers quinze heures, environ deux-cent personnes étaient rassemblées devant la fac de Jussieu. Une cantatrice de l’unef à la sono et une dizaine de militants chantait sagement leur chanson lancinante et débile : « à 67, à 62, et 62 ans et 67 ans... (ter) ».

Et manifestement ça saoulait une grande majorité des manifestants. Comme l’unef semblait décidée à ne pas bouger et à continuer à clamer des slogans insignifiants devant une université vide, environ cent cinquante personnes, soit les trois quarts de la manif, ont décidé de déborder ce syndicat complice des patrons et de leur pouvoir. Aux cris de « tous ensemble, grève générale ! En grève, en grève jusqu’à la retraite ! Unef-medef même combat ! »

Une manifestation sauvage s’ébranle boulevard Saint-Germain puis rue Saint-Jacques. Tout le monde (ou presque) se réjouit d’avoir ainsi spontanément débordé l’unef, dont quelques militants ont penaudement et vainement essayé de nous retenir. On entend un sonore « Qu’est-ce qu’on est bien sans l’unef ! ». On invente un : « uni plus medef égalent unef ! » puis un autre, moqueur : « unef, unef, on t’a mis un zef ! ». Tout le monde rigole et approuve, sauf une manifestante, un peu vexée, qui a courageusement bravé les ordres de son syndicat.

On fait un tour de la Sorbonne et puis on commence une belle ballade en prenant tous les axes à contre-sens pour ne pas faciliter la poursuite des keufs qui, au début, sont un peu dépassés et ont du mal à s’organiser. Pour une fois, les slogans sont unanimement repris et ils sont rageurs : « A bas l’état, les flics et les patrons ! A bas l’état, les juges et les médias ! Les patrons ne comprennent qu’un seul langage : Grèves, blocages et sabotages ! Médias partout, infos nulle part ! Paris debout, soulève-toi ! Travaille, consomme et ferme ta gueule ! » … On fait plus de bruit qu’un grand défilé syndical.

Les gens dans la rue, aux portes ou aux fenêtres, sont sidérés. Leur télé leur avait pourtant martelé que c’était terminé. On sent parfois de l’hostilité dans les regards, surtout à l’écoute de nos slogans pas toujours consensuels, mais notre combativité apparente, empêche toutes les tentatives verbales ou physiques d’agression de petits bourgeois sarkozystes excités et excédés. Il y aussi de nombreux messages d’encouragement. Des ouvriers, dans une camionnette, nous soutiennent, poings levés en nous lançant : « A samedi ! ».

On traverse la Seine au Pont-Neuf et rue de Rivoli, on tourne vers l’Hôtel de ville. Quelques si-vils nous tracent à présent, mais les crs sont encore loin. Tout au long de ce périple, l’ambiance est festive et combative. On gueule on chante et on se marre.

On se dirige vers République et les si-vils sont maintenant des dizaines à nous fliquer. A chaque coin de rue, on aperçoit les manœuvres des camions pleins de poulets. Arrivés vers Arts et Métiers, les CRS nous bloquent devant et derrière les bacqueux nous collent au cul. Certains s’enfuient, mais une quarantaine d’autres manifestants est encerclée et embarquée. [Ils ont été tous relâchés.]

Trois heures après, les manifestants ne sont toujours pas libérés. Il n’y a pourtant eu ni dégâts matériels, ni affrontements avec les flics. Ils sont au commissariat du 11ème 14 passage Charles Dallery, 75011 paris prés du métro Ledru Rollin, mais peut-être aussi a celui du quai bourdon a bastille.

Solidarité ! »

[Source : Indymédia Paris]

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