[ [ [ Strasbourg : Cortèges sauvages réprimés - Yannis Lehuédé

« De nouveau, sur Strasbourg, les lycéens prennent la rue, et ce toute la journée, de 7h30 à 18 heures.

De nouveau, sur Strasbourg, la répression s’abat sans discernement, par de nombreux gazages et arrestations.

La détermination et la rage lycéenne ont ainsi de nouveau paralysé la ville qui s’est vue quadrillée par cars de police et CRS, BACceux et RG, dans une atmosphère d’agitation permanente.

Par le Jura Libertaire

Dès 7h30 ce matin, le lycée Fustel est barricadé par les lycéens malgré les intimidations et le mépris du proviseur et des CPE reconvertis en apprentis-BACceux tentant de briser le blocus. Une bonne soixantaine de lycéens tiennent tête et restent dans la rue malgré le froid grinçant et sec.

8 heures, on apprend que le lycée René Cassin est bloqué à son tour, bientôt suivi par les lycées Pasteur et Oberlin.

Vers 8h30-9 heures, alors que nous nous mettons en branle en cortège sauvage en direction du lycée Cassin où les lycéens, motivés et rassemblés à une grosse soixantaine attendent de pied ferme, les flics arrivent en masse pour encadrer de suite, avec des dizaines de cars de police et plusieurs colonnes de BACeux (on en a dénombré plus d’une soixantaine) masqués avec déjà matraques et gazeuses en main. Le cortège grossit à une petite centaine. Ensuite, nous rejoignons le lycée Marie-Curie où nous stagnons longtemps, rejoints vers 10 heures par une quarantaine de lycéens du lycée Pasteur. À partir de là, nous restons très mobiles, remontant jusqu’à Gallia avant de remonter vers le quartier Petite France que nous parcourons rapidement en passant devant plusieurs lycées (la porte du lycée Charles Frey a tenté d’être défoncée en vain). Le cortège grossit rapidement à plus de 200 personnes. Les flics encadrent de très près, les civils infiltrent, la tension monte.

Nous nous dirigeons par la suite vers le lycée Pasteur barricadé avant de remonter sur les quais Pasteur, en direction du carrefour Étoile Polygone qui sera bloqué. Un œuf est jeté en direction des flics, provoquant une rapide et violente intervention de la BAC interpellant plusieurs lycéens pour fouille et prise d’identité avant de les relâcher par la réaction solidaire et immédiate de tout le cortège. De même, la poignée d’étudiants et anarchistes présents est sévèrement encadrée par la BAC qui multiplie les menaces de les embarquer à la moindre tentative d’action et provocation de leur part.

Nouveau coup de tension au carrefour Étoile bloqué, car les lycéens ont compris l’importance stratégique d’aller vers l’entrée d’autoroute alors à 5 minutes de là, étroitement protégé par nombres de barrages de police que les lycéens tenteront vainement de percer. Nous sommes 200. Les lycéens choisissent alors de courir en cortège en direction du centre-ville pour prendre de court les flics. Gyrophares en trombe, cars déboulant de partout, charge de flics et BACceux sur les côtés après nous avoir rattrapés. Gazage et matraquage. Arrestations ?

Il est environ midi. Mobiles, déterminés, solidaires, nous remontons rapidement en direction de l’hyper-centre, entourés de flics de plus en plus nerveux. Nous investissons rapidement le carrefour axial stratégique de l’Homme de Fer que nous bloquerons près de deux heures avec de nombreux coups de speed des flics à coups de mini-charges, gazages et matraquages. Les lycéens tiennent tête et continuent de bloquer tous les trams de la ville, tentant de rejoindre les halles et la gare, mais se heurtant à des lignes de flics et BACceux qui procèdent à quelques interpellations.

Autour de 14 heures, alors que la tension baisse et que les lycéens commencent à quitter les lieux par petits groupes, l’info tombe : un cortège de 200 lycéens du bahut Kleber arrive en renfort, d’abord bloqués par un barrage sur le pont de la République mais parvenant à remonter jusqu’à Homme de Fer devenu point de jonction. Au moment de la jonction tant crainte par les flics qui pensaient en avoir fini pour la journée, nouveaux coups de speed. Deux caisses de flics foncent à travers les rails, roulant presque sur les lycéens qui la stoppent et tapent sur le capot pour les arrêter. À cet instant, déchaînement de violences policières pendant un gros quart d’heure. Les BACceux interviennent rapidement à coups de matraques et gazeuses, au moins deux arrestations. Solidairement, les lycéens chargent les flics, font pression, les encerclent, se font gazer mais reviennent à la charge. La jonction est faite, le blocage de l’Homme de Fer se maintient. Nouveaux coups de pression des lycéens pour percer les lignes de flics vers les halles, en vain.

Vu l’encadrement policier, ils choisissent de se replier sur la place Kleber avant de courir à nouveau à l’Homme de Fer. Mobiles, le cortège de 150-200 personnes remonte les rails en direction de la place de la République. Petit coup de pression devant la préfecture. Puis on remonte sur le lycée Kleber avant de remonter de nouveau sur le lycée Marais très excentré. Les flics chargent, gazent et matraquent sur le trajet.

Il est environ 15h30-16 heures. La situation est alors assez confuse en ville avec au moins trois cortèges plus ou moins gros qui tenteront vainement durant deux heures à converger : un premier cortège des lycées du centre qui se sont fait bloquer place Kleber, un second cortège du lycée Marais venu en renforts mais également bloqué. Enfin, le plus gros cortège, fort de 300 personnes, qui s’est replié derrière Broglie, hermétiquement encadré par les flics à la rue de la Nuée Bleue devant le pont. Les flics occupent militairement toute la ville pour ne pas se faire déborder. De partout, les gens klaxonnent solidairement, lèvent le poing aux fenêtres, assistent (passivement, certes) à la répression. Le gros cortège de la Nuée Bleue se fait repousser sur les quais par gazeuses et cars de flics. Le cortège remonte les quais jusqu’à la Synagogue, remonte sur la place Bordeaux devant le lycée Kleber où les CRS et BACeux choisissent de boucler complètement le périmètre. Pris au piège, cerné par cars, civils, matraques, paintball, flash et boucliers, les lycéens ne bougent plus pendant un moment. Il est environ 16h30.

Les flics, menaçant le groupe pris au piège de toutes leurs armes, optent pour la «méthode Lyon» : impossible de quitter les lieux sans passer par contrôle-fouille-prise d’identité individuels. Solidaires et fiers, la plupart des lycéens refusent le chantage et tiennent tête en face à face, parfois à coups de mortiers sur les lignes de flics. Alors que l’étau se desserre lentement, pensant que c’en est fini pour de bon, des groupes appellent à revenir sur l’Homme de Fer.

De 17 heures à 18h30, en effet, une cinquantaine de jeunes lycéens, malins, se vengent par un harcèlement sporadique et fixe, ne troublant aucunement les lignes de tram mais provoquant intelligemment la BAC massivement et exclusivement présente. Long face à face, les lycéens les épuisent par des jets de mortiers sur les colonnes de BACeux qui n’interviennent pas réellement. Ainsi, pendant une grosse heure et demie, les détonations tonnent sur l’Homme de Fer par harcèlement de vengeance sur des BACeux qui restent alors prudents.

Certes, moins de lycéens ont pris la rue aujourd’hui qu’hier avec une moyenne de 3-400 lycéens au lieu de 700 à 1000 la veille. Cependant, on peut noter l’extraordinaire détermination lycéenne à ne pas reculer ni se laisser intimider par l’occupation militarisée de la ville par les flics et leurs coups de pression, gardant toujours et au possible l’initiative, baladant les flics, les harcelant, par cortèges sauvages très mobiles et éparpillés sur la ville se retrouvant sur des points de jonction. Sans pourtant aller au casse pipe, ne ripostant par jets de projectiles et mortiers que lorsque le rapport de force devient favorable, extraordinairement solidaires, toujours à charger et faire pression sur les flics à la moindre provocation policière ou arrestation. Beaucoup de jeunes interpellés furent ainsi relâchés, limitant finalement le nombre d’arrestations. On dénombre une quinzaine d’interpellations minimum avec 7 arrestations effectives avec garde à vue. Les cibles de blocage restent stratégiques et économiques, le discours et les slogans politiques, la détermination et la rage populaires. Nombreux blessés légers par gaz et matraques, mais sans gravité aucune.

SOLIDARITÉ ! NOUS NE LÂCHERONS RIEN !

CONTRE LE CAPITAL, BLOCAGE TOTAL

ACTION, SABOTAGE, GRÈVE SAUVAGE

SEULES LES BARRICADES OUVRENT LA VOIE. »

g. - samedi 23 octobre 2010.

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