[ [ [ L’Église se soucie elle des pauvres ? - Yannis Lehuédé

On a appris hier que la ministre du Logement avait demandé à l’Église, étant une personne "morale" dans tous les sens du terme, de proposer plus de places d’hébergement d’urgence pour les sans-abris.
Un porte-parole du Cardinal de Paris s’est empressé de préciser que l’Église Catholique faisait son maximum et proposait cette année encore... 120 places aux sans-abris !

En faisant un rapide calcul, on dénombre pas moins de 135 églises catholiques dans Paris intra-muros (sur environ 40 000 en France), dont plus du quart fait partie du patrimoine des Monuments Historiques. Ne sont pas comptés les bâtiments annexes, administratifs, couvents, chapelles... qui appartiennent théoriquement à l’État et dont beaucoup sont entretenus et rénovés aux frais de nos impôts.

Signe des temps peut-être, la "charité" ne semble pas être une priorité pour les dirigeants de la papauté qui préfèrent suivre le match homos-hétéros dans leur paradis fiscal à Rome.
À l’approche de la Noël, il serait bon de se souvenir qu’avant la fête de la consommation, on célébrait la naissance - sur la paille d’une étable - du petit Jésus dans la pauvreté. Et rappelons qu’hier encore, les plus démunis se faisaient soigner par des religieuses et que la "maison de Dieu" était, jusqu’à peu, un lieu de repos et de quiétude pour tous. Désormais, la force publique y pénètre régulièrement pour "nettoyer" les troubles à l’ordre public et les jeter à la rue.

Si les édifices religieux et les lieux de cultes sont désertés des croyants et que les fonctionnaires du Vatican à Paris comptent son butin sans se soucier des quelques personnes âgées qui gardent leurs églises, la présence de personnes dans le besoin leur offrirait un peu de compagnie. Les jeunes précaires pourraient ainsi les veiller comme dans un hospice, ce dont on manque cruellement ou qui est devenu hors de prix.

Le partage, c’était le projet originel de toutes les religions et de l’État - de protéger les plus démunis - alors pourquoi ne pas leur ouvrir les portes des édifices de toutes les religions présentes sur le sol de la capitale ?
Et si l’État veut réquisitionner les lieux vides, il semble que de nombreux bâtiments publics pourraient également être mis à contribution : casernes désaffectées, vieux hangars et bâtiments de la SNCF et de la RATP, immeubles du patrimoine de la ville de Paris ou de l’État.
Paris ne manque pas de places d’hébergement potentiel. Signalons aussi que l’État pourrait en outre légiférer et réquisitionner les nombreuses tours de bureaux vides. On objectera que la plupart ne sont pas "aux normes" pour loger des gens... Mais en parallèle, on est indifférent à la vue de ces précaires qui installent leurs tentes au bord du périphérique ou que des bébé Rroms naissent dans la rue en hiver.
Le temps est venu de faire un grand inventaire de tous ces mètres carrés inutilisés, dans cette ville où le prix de l’immobilier continue de s’envoler démesurément tandis que la pauvreté progresse.

Mais aussi, il serait recommandable que chacun reprenne - sans arrière-pensée paradisiaque - le goût simple et traditionnel de l’hospitalité : offrir à boire, à manger, héberger chez soi... en Orient on lave les pieds de celui qui arrive, en Afrique on "demande la nouvelle"…

Paris s’éveille

Hébergement d’urgence : la riposte de l’Eglise aux demandes « agaçantes » de Mme Duflot

À la lecture du Parisien, lundi 3 décembre, les responsables de l’Eglise catholique à Paris se sont un peu étranglés. La ministre du logement, Cécile Duflot, assure au quotidien être prête « s’il le faut » à réquisitionner certains des « locaux quasi-vides » de l’archevêché de Paris pour offrir des places d’hébergement aux sans-abris. Elle précise vouloir « faire appel à toutes les bonnes volontés » et « aux personnes morales, qui disposent de bâtiments vides ». « L’Eglise fait partie des personnes morales… dans tous les sens du terme ! J’ai bon espoir qu’il n’y ait pas besoin de faire preuve d’autorité. Je ne comprendrais pas que l’Eglise ne partage pas nos objectifs de solidarité. »

« Agaçant », « étonnant » réagissait lundi dans la matinée, l’entourage du cardinal André Vingt-Trois, qui assurait par ailleurs ne pas avoir reçu la lettre, à laquelle la ministre fait allusion. « MmeDuflot fait comme si l’Eglise ne faisait rien. Avec le Secours catholique et d’autres associations, les chrétiens de Paris et d’ailleurs ne l’ont pas attendue pour agir ! ».

"La préfecture sait ce que nous faisons. Mme Duflot apparemment pas !"

Depuis cinq ans, le diocèse de Paris ouvre chaque hiver des paroisses pour accueillir des SDF. « L’an dernier nous avons accueilli 120 personnes, entre trois jours et quatre mois, précise-t-on à l’archevêché. Non seulement nous leur ouvrons les portes, mais des fidèles mangent et dorment avec eux puis les aident à recréer du lien pour se réinsérer. Dans Paris, encore, un foyer vient d’ouvrir pour faire cohabiter 50 jeunes chrétiens avec 50 SDF... La préfecture de Paris, avec qui nous avons eu une réunion en octobre sait bien ce que nous faisons. Mme Duflot apparemment pas. »

En riposte aux propos de la ministre, l’Eglise catholique va dresser la liste de toutes ses initiatives en matière d’accueil des sans-abris à Paris et en Ile-de-France. « En ce qui concerne les milliers de mètres carrès supposés vides, on est plus dans le mythe que la réalité, estime un responsable de la conférence des évêques de France (CEF). Les paroisses n’ont pas ce type de locaux. Et ceux des congrégations religieuses ne sont pas forcément adaptés à l’accueil de SDF. Comment demander à 10 religieuses de plus de 75 ans d’ouvrir leur maison ? ».

La Conférence des religieux et religieuses de France, dont les congrégations sont souvent propriétaires de vieux et vastes bâtiments, indique depuis plusieurs jours sur son site internet une liste des initiatives lancées à Paris et en province pour venir en aide aux plus démunis.

Plus politique, un responsable de la CEF juge que « cette nouvelle pierre du gouvernement dans le jardin de l’Eglise » n’est pas sans rapport avec l’hostilité affichée de l’institution face au « mariage pour tous ».

[Source Le Monde]

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