[ [ [ Il faut sauver le chanvrier Rappaz - Yannis Lehuédé

Après l’aricle de Rue89 la semaine dernière, c’est le blog des inrocks de Arnaud Aubron, Drogues news, qui publie le deuxième article de la presse française sur la grève de la faim du chanvrier et ses soutiens.

Une manifestation devant l’ambassade de Suisse et une grève de la faim solidaire à Paris, des soutiens médiatiques comme José Bové, Daniel Cohn-Bendit ou Jean Ziegler, des articles dans la presse internationale… le cas du chanvrier Bernard Rappaz, en grève de la faim depuis 103 jours (et dont je vous parlais au mois d’avril), commence à sérieusement embarrasser les autorités helvètes.

Condamné en appel en 2008 à 5 ans et 8 mois de prison pour « violation grave de la loi sur les stupéfiants, blanchiment d’argent et gestion déloyale aggravée », Bernard Rappaz est un activiste écologique qui s’est lancé dans la production industrielle de chanvre dans les années 90, alors que la Suisse vit une grande période de tolérance. Le vent tourne au début des années 2000 et Bernard Rappaz se retrouve alors dans le collimateur des autorités du conservateur canton du Valais, qui multiplient les motifs de poursuites pour arriver à leurs fins. S’ensuivront plusieurs grèves de la faim « victorieuses ».

Lui se voit lui comme un « prisonnier politique » victime de l’acharnement judiciaire du canton. Le 20 mars, jour de son arrestation, il entame donc une grève de la faim. Voilà ce qu’il en disait quelques jours avant son arrestation.

Après une première interruption lors d’une suspension de peine, sa grève a repris. Elle en est à son 103e jour. Il est extrêmement affaibli et en danger physique réel :

« Être confronté à Bernard est aujourd’hui un choc, confie son ami Boris Ryser qui le voit une fois par semaine au quartier carcéral des Hôpitaux universitaires de Genève. Le choc de voir un vieillard qui a perdu 37 kilos ! Il dort presque 23 heures sur 24. Mais il n’a pas perdu ses capacités mentales et on dirait que son corps, à force de grèves de la faim, a développé des capacités de rééquilibrage. »

Les médecins genevois refusent l’ordre reçu de la justice de nourrir le prisonnier de force. « Pour eux, on peut nourrir de force un anorexique, mais pas un prisonnier qui utilise la grève de la faim comme moyen d’expression », explique Boris Ryser. Les Hopitaux universitaires de Genève ont donc déposé un recours en ce sens auprès de la justice.

Sur le plan juridique, une nouvelle demande de suspension de peine de six mois a été déposée auprès des autorités valaisannes. « Mais elle sera rejetée et il faudra attendre un mois pour que ça aille au Tribunal fédéral », précise Boris Ryser. Etant donné l’état de santé de Bernard Rappaz, le tribunal pourrait toutefois prendre une mesure transitoire avant de juger au fond.

Mais c’est sur les politiques que comptent aujourd’hui ses soutiens. Jean Ziegler, vice-président du Comité consultatif du conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, et les eurodéputés écologistes José Bové et Daniel Cohn-Bendit ont signé ce week-end une pétition de soutien, remise ce lundi à l’ambassade de Suisse à Paris. De son côté, l’éditeur libertaire Michel Sitbon a entamé à son domicile parisien une grève de la faim de solidarité qui en est à son 19e jour :

« C’était très supportable jusqu’à ce mardi, mais je sens la fatigue monter. C’est la première fois que je mène une grève de la faim. J’aimerais l’arrêter, mais je ne peux pas. Même si mon geste n’est pas suicidaire. »

Une mobilisation internationale qui fait visiblement son effet en Suisse, explique Michel Sitbon :

« La presse lui était très hostile et pour la première fois, il y a eu des articles présentant le point de vue inverse. Et les autorités suisses sont très sensibles à l’opinion de l’étranger. Ce serait totalement stupide de faire un martyre. Et pour quoi au juste ? C’est d’une extrême bêtise. »

En attendant, la mobilisation grossit. De manière parfois inattendue. Bernard Rappaz est en tête du vote de 4500 internautes pour devenir la personnalité de l’année du quotidien francophone Le Matin. Devant Roger Federer.

Arnaud Aubron

[Source : drogues news]

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