Alors que la majeure partie de la délégation du Ministère de la Régularisation de Tous les Sans-Papiers, présente à Bamako pour la caravane vers Dakar en vue du Forum Social Mondial, était reçue par quelques personnalités comme Mme SOUMARE (sœur d’un sans-papiers de la coordination des sans-papiers de Paris et présidente d’une association de femmes), M. DJIRE (président de la fédération du karité), Mr Younouss TOURE (vice-président de l’assemblée nationale) et Youssouf Coulibaly (maire du deuxième district de Bamako), espérant que cela lui permettra de s’“ouvrir des portes”, une délégation de huit personnes partait à Nioro du Sahel le 27 janvier, pour revenir à Bamako le 29.
Après un long périple en bus d’une dizaine d’heures, eux et environ deux-cent personnes constituant la caravane de Bamako à Dakar arrivèrent à Nioro. Le 28, ils organisèrent une marche silencieuse en mémoire des victimes de la migration. Le 29, ils partirent finalement à la frontière entre la Mauritanie et le Mali, aux portes du Sahel, après deux jours de discussions et de débats souvent houleux pour savoir s’il s’agissait d’y aller, et s’il fallait une escorte militaire et/ou policière. La peur de la “zone rouge”, dans laquelle se trouve pourtant quasiment Nioro, alimentait les débats. Alors qu’aucune décision collective ne fut prise après ces discussions interminables et redondantes, il fut “décidé” que ceux qui voulaient y aller iraient, et ceux qui ne voulaient pas n’iraient pas. En d’autres termes il ne fut rien décidé, puisque les gens sont libres d’aller là où ils veulent (il semble qu’on se batte aussi pour la liberté de circulation…).
Il valait le coup pourtant d’aller à Gogui, en plein dans cette zone rouge. Non pas pour sortir les banderoles et manifester pendant une demi-heure, alors que le trajet de Nioro à Gogui de 60km avait pris plusieurs heures (un bus étant tombé en panne). Non pas pour ignorer les rares habitants de ce village. Non pas pour photographier la frontière constituée d’une barrière rouillée et de pierres posée à même le sol. Non pas pour constater qu’il n’y avait que deux ou trois policiers pour garder cette “frontière”. Mais pour parler aux habitants, pour discuter avec un ancien conseillé municipal. Lui n’a pas vu de terroriste depuis 20 ans, mais s’est battu durant autant d’année pour ne serait-ce qu’un accès à l’eau. Ils sont ignorés des gouvernements, et la zone rouge tombe à pic pour dissuader toute personne d’aller voir à quel point ces habitants sont délaissés. Eux ils crèvent. Nous, on a peur.