On apprenait la nouvelle ce dimanche. Samedi soir, celui qui a incarné la conscience de la France face au génocide des Tutsi du Rwanda, s’est éteint.
Dans une lettre, il citait Einstein : « Le danger ne vient pas de ceux qui font le mal, il vient de ceux qui regardent et qui se taisent. »
Jean Carbonare n’était pas de ceux qui se taisent.
Rappelons que Jean Carbonare avait pu annoncer le génocide, dès janvier 1993, et dénoncer, à la télé, au journal de 20 heures, la responsabilité française dans la préparation du crime – l’entraînement des milices, la formation à la torture.
Surtout, Jean Carbonare avait alors interpelé la conscience de tous, en interpelant le présentateur du journal : « Vous aussi vous pouvez quelque chose, monsieur Masure ! »
Tout le monde « pouvait quelque chose », mais en avril 1994 le crime annoncé déferlerait néanmoins.
Quinze ans plus tard, Carbonare se souvenait de comment, revenant du Rwanda, il avait eu « la grande naïveté » « de penser que la cellule africaine de l’Élysée allait prendre toutes les mesures nécessaires » pour empêcher le crime annoncé.
Il est alors reçu par Bruno Delaye, patron de cette « cellule africaine » :
« Dès le début de l’entretien, il met ostensiblement ses pieds sur son bureau, décroche le téléphone et appelle une autre autorité à laquelle il propose “d’intégrer Mobutu dans le processus d’intervention au niveau du terrain”. Puis il repose son téléphone, et me regarde avec un léger sourire. »
Carbonare quittait alors le bureau du prince, « conscient qu’il n’y a plus rien à attendre de la part de nos autorités ».
Un grand témoin vient de partir.