[ [ [ La police en accusation dans un rapport sur le centre de Vincennes. - Yannis Lehuédé

En février, des incidents auraient opposé une dizaine de sans-papiers à une soixantaine de policiers.

Les faits se sont produits dans la nuit du 11 au 12 février, au centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes (Val-de-Marne), là où sont enfermés les sans-papiers en attente d’expulsion. Quatre mois avant l’incendie qui a détruit les bâtiments, des incidents avaient opposé des policiers et des retenus. Hier, la Commission nationale citoyens-justice-police composée de la Ligue des droits de l’homme (LDH), du Syndicat des avocats de France (SAF) et du Syndicat de la magistrature (SM) a rendu un rapport sur ces violences. « Lorsque les événements se produisent dans la nuit du 11 au 12 février, le centre de rétention de Vincennes est sous tension depuis plusieurs mois, rappelle-t-elle en préambule. La Cimade, seule association habilitée à être présente dans les centres de rétention, avait attiré maintes fois l’attention sur la multiplication des violences tout particulièrement depuis la fin de l’année 2007 : tentatives de suicide, automutilations, grèves de la faim, départs de feu. »

Le 11 février, rapportent quatre retenus, dont les représentants de la LDH, du SAF et du SM ont recueilli les témoignages, une quinzaine d’étrangers sont en train de regarder la TV dans la salle commune lorsque six policiers viennent leur demander de regagner leur chambre. « Il semble qu’à ce moment, un des policiers, d’origine maghrébine, se soit dirigé vers le poste de télévision pour l’éteindre », racontent les témoins. Les retenus échangent, avec ce fonctionnaire, des injures en arabe. Le policier justifie son geste par une « nouvelle loi » et leur enjoint de se taire car ils ne sont que de la « mauvaise graine ». Les retenus regagnent leur chambre en attendant le comptage. Le fonctionnaire avec lequel ils ont eu un différend fait partie des policiers chargés de cette opération. De nouveau, la tension monte. Nouvelles injures. Des renforts de police sont appelés. De « cinq fourgons » descendent des CRS « portant casques, [...] matraques et boucliers ».

Les policiers entrent dans la chambre où se trouvent deux des quatre hommes auditionnés par la commission. L’un d’eux reçoit une décharge de pistolet à impulsion électrique tirée à moins d’un mètre à hauteur de poitrine. Il reprendra connaissance à l’hôpital. Un autre est blessé au bras et assommé d’un coup de matraque. Les deux blessés évacués, les forces de l’ordre quittent les lieux. D’autres retenus enfument alors deux matelas. Les pompiers arrivent, puis les CRS. « Tous les retenus ont été regroupés dans la cour où ils ont attendu jusqu’à 4 heures du matin », relate le rapport. Mains sur la tête, ils sont fouillés, ainsi que les chambres.

Saisie.

Dès le lendemain, pour l’un, à sa sortie de l’hôpital pour l’autre, les blessés portent plainte pour violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique. Quatre autres font de même. La Cimade saisit l’Inspection générale des services (IGS, la police des polices), et Nicole Borvo, sénatrice de Paris, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), autorité administrative indépendante. La police se serait rendue coupable de deux abus de pouvoir : « absence de proportionnalité dans les moyens utilisés » - 60 policiers contre moins de 10 retenus impliqués dans les incidents - et utilisation d’un Taser en dehors des instructions officielles (légitime défense, état de nécessité, crime ou délit flagrant). Hier, les organisations ont souligné qu’elles seraient extrêmement vigilantes » sur les suites judiciaires qui seront données à ces événements.

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