[ [ [ Le Gabon, fâché contre un reportage de France 2, menace d’expulser des (...) - Yannis Lehuédé

Libreville proteste contre un reportage de France 2 sur le patrimoine immobilier du président Bongo et pourrait expulser 500 à 1000 Français « en situation irrégulière » selon les autorités.

Il y a de la friture sur la ligne de la Françafrique. Mercredi, Libreville a annoncé réfléchir « à la suite à donner aux relations franco-gabonaises » et a transmis à l’ambassadeur de France une « note de protestation ». La raison de cette colère contre l’ancienne puissance coloniale ? La diffusion lundi d’un reportage de France 2 sur l’important patrimoine immobilier de plusieurs présidents africains en France, le Gabonais Omar Bongo en tête.

Trente-trois appartements ou maisons, dont un hôtel particulier de dix-huit millions d’euros à Paris, pour une valeur totale de cent-cinquante millions d’euros, voitures de luxe, etc. : la famille d’Omar Bongo (15.000 euros de salaire officiel) est dans la ligne de mire de l’équipe de télévision, comme elle l’était ces derniers mois d’une enquête de police. Une plainte avait en effet été déposée en juin 2007 par trois associations françaises pour « recel de détournement d’argent public ». Mais en novembre dernier l’affaire était classée sans suite pour « infraction insuffisamment caractérisée ». Les observateurs y avaient perçu une intervention des autorités françaises, soucieuses de ne pas égratigner un « ami de quarante ans ». Malgré les discours de Nicolas Sarkozy, la « Françafrique » ne semble pas morte.

Un Français refoulé de Libreville

Mercredi, le ministère gabonais des affaires étrangères – qui considère sans doute que France 2 représente la voix de la France – a « exprimé son étonnement sur la diffusion par l’audiovisuel d’État d’un dossier qui a fait l’objet d’un non-lieu de la justice française ». Diffusion qui s’est faite « au mépris » des « intérêts mutuels, de l’excellence des relations qui lient » la France et le Gabon, alors que « le Gabon est toujours demeuré un allié sûr pour la France ».

Mais cette « affaire » survient alors que le Gabon avait déjà averti la France sur un autre dossier sensible : l’immigration. « Il y a beaucoup de Français en situation irrégulière au Gabon. Ils pourront être reconduits à la frontière si, au cours d’un contrôle de police, ils ne justifient pas de carte de séjour », a affirmé mercredi le ministre de l’Intérieur André Mba Obame. Selon lui, « cinq à dix pour cent » des quelque dix-mille Français installés au Gabon ne seraient pas en règle et pourraient donc être expulsés. Un Français venant travailler dans le secteur pétrolier a d’ailleurs été refoulé mardi soir à son arrivée à l’aéroport de Libreville.
« Reconduites abusives »

Le gouvernement Bongo ne digère pas la reconduite aux frontières en février, au motif de résultats universitaires insuffisants, de deux étudiants gabonais résidant à Reims et Toulouse. Libreville avait fait part lundi de sa « stupeur et indignation », estimant que la France avait « violé » de manière « flagrante » les accords entre les deux pays avec des « reconduites abusives ». Selon André Mba Obame, « normalement, il y a une concertation entre les services gabonais et français, mais depuis quelque temps les services français arrêtent des Gabonais sans nous consulter et ils les mettent dans l’avion ». En mesure de rétorsion, André Mba Obame a assuré que l’« on n’avisera pas les services français et on reconduira les Français à la frontière. Ce sont les services français qui ont commencé les premiers ».

Enfin, un communiqué du ministère des Affaires étrangères soutient « qu’à ces violations, s’ajoutent les plaintes récurrentes des Gabonais excédés par la survivance de tracasseries et de nombreux refus de visa, parfois abusifs au consulat de France à Libreville ». L’ambassade de France à Libreville n’a pas souhaité répondre à ces accusations. Pas plus de déclarations sur la campagne de presse du journal gouvernemental L’Union qui a consacré trois unes en huit jours à ce dossier. « Vive la fermeté » titrait mercredi le seul quotidien du pays, qualifiant la France de « puissance moyenne aux ambitions néocoloniales évidentes et constantes qui n’a de cesse d’imposer sa volonté en Afrique ».

En février, les autorités gabonaises s’étaient félicité des bonnes relations avec la France, notamment après l’accueil à la base militaire française de Libreville des étrangers évacués du Tchad lors de l’offensive rebelle manquée sur N’Djamena.

[Source : Libération, RESF]

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