Que se passe t-il à Paris ?
Depuis plusieurs jours les tunisiens de Lampedusa sont traqués à Paris. Nombreux avaient trouvé refuge au 51 avenue Bolivar immeuble appartenant à la mairie de Paris.
Ce mercredi peu après 13 heures les forces de l’ordre ont forcé la porte de leur habitat et les ont embarqués puis répartis dans plusieurs commissariats de la capitale. Cette expulsion c’est faite -à la surprise générale- à la demande de la mairie de monsieur Delanoé qui jugeait "minables" les arrestations de migrants d’Afrique du nord par les forces de l’ordre il y a encore quelques jours.
La plus part des tunisiens seraient gardés à vue pour dégradation de bien public et occupation illégales.
Non seulement la mairie en demandant leur expulsion discrédite complétement toutes ses propositions d’aide envers les migrants, et semble bien ainsi pactiser avec le ministère de l’intérieur ; mais en plus, l’expulsion sans titre d’expulsion est toute à fait illégale. récemment, le conseil constitutionnel a censuré la fameuse loi Hortefeux ou, LOPPSI qui prévoyait l’expulsion forcé en cas de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques après expiration d’un délai de 48h.
Ci-dessous reproduit un "petit argumentaire législatif" envoyé par email.
Un appel à solidarité devant le ministère de l’intérieur est prévu à 18h30 aujourd’hui jeudi 05 mai 2011, place de la Madeleine, métro madeleine.
D’autres rendez-vous sont à prévoir.
Premier point : l’expulsion était-elle légale ?
Au regard de la loi, le 51, avenue Simon Bolivar constituait sans doute possible le domicile des Tunisiens.
En effet, le terme de domicile au sens de l’article 184 du Code pénal ne désigne pas seulement le lieu où une personne a son principal établissement mais encore le lieu, quʼelle y habite ou non, où elle a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et affectation donnée aux locaux.
(Cass. 26 février 1963, 62-90653 ; Cass. 04 janvier 1977, 76-91105 ; Cass. 13 octobre 1982, 81-92708 ; Cass. 24 avril 1985, 84-92673).
Si l’article concerné est depuis 1993 le 226-4, le fait que la notion de domicile s’applique aux occupants sans droit ni titre a été confirmé par le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2011-625DC du 10 mars 2011, par les considérant 51 à 56 sur la censure des paragraphes I et II de l’article 90 de la LOPPSI.
Ces articles prévoyaient l’évacuation forcée des lieux en cas de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques après expiration d’un délai de 48h. Le considérant 55 précise : ces dispositions permettent de procéder dans l’urgence, à toute époque de l’année, à l’évacuation, sans considération de la situation personnelle ou familiale, de personnes défavorisées et ne disposant pas d’un logement décent ; que la faculté donnée à ces personnes de saisir le tribunal administratif d’un recours suspensif ne saurait, en l’espèce, constituer une garantie suffisante pour assurer une conciliation qui ne serait pas manifestement déséquilibrée entre la nécessité de sauvegarder l’ordre public et les droits et libertés constitutionnellement garantis.
Les droits et libertés constitutionnellement garantis comportant l’inviolabilité du domicile et la liberté d’aller et venir.
En l’absence de titre d’expulsion, les agents et les donneurs d’ordre se trouvent en infraction de l’article 432-8 du code pénal (2 ans de prisons et 30 000 euros d’amende.)
Une expulsion ne peut se faire qu’en vertu d’un titre d’expulsion, qui peut prendre diverses formes.
Dans le cas présent, aucune décision de justice n’a été rendue : ni référé contradictoire, ni ordonnance sur requête. La possibilité d’une expulsion en flagrance ne peut se faire que s’il y a eu délit de violation de domicile préalable. Tel n’était évidemment pas le cas pour cet immeuble vide depuis 2008, ayant déjà subit des tentatives d’occupation en décembre 2009 et avril 2011.
Par ailleurs, même dans ce cas, l’article 38 de la loi DALO prévoit un délai après notification qui ne peut être inférieur à 24h.
L’article 129-3 du code de la construction et de l’habitation permet au maire, à Paris au préfet de police, de prendre un arrêté d’interdiction d’occupation "en cas d’urgence ou de menace grave et imminente.
On retrouve ces dispositions aux article 511-1 à 511-6 du même code. L’arrêté doit être notifié aux occupants, à défaut par affichage sur la porte de l’immeuble. C’est la procédure utilisée pour la rue de Candie ou la MECI.
A défaut d’un arrêté d’interdiction d’occupation notifié, l’expulsion est illégale. Les interpellations suivantes me semblent donc illégales également.
Deuxième point : la dégradation.
Il est important de noter que l’effraction (132-73 du code pénal) n’est pas en tant que telle une infraction, mais une circonstance aggravante de différentes infractions autres. N’est un délit que la dégradation, sauf s’il en est résulté un dommage léger. Si la dégradation a été commise du fait même de l’effraction, et non grâce à l’effraction, je doute qu’on puisse appliquer cette circonstance.
Dans le cas présent, il appartient au parquet d’apporter la preuve que ces dégradations ont été commises par les personnes arrêtés. Or, il est douteux, à considérer même qu’on constate des dégradations lourdes, qu’un état des lieux ait été fait après le départ des derniers occupants, le 17 avril.
De l’extérieur, je n’ai pu constater qu’une vitre cassée. ça ne semble pas une dégradation suffisante pour caractériser un délit... En tout état de cause, 138 personnes ont été interpellées. A ma connaissance, il n’y a pas dans ce cas de complicité ou de non dénonciation. Il est peu probable que ces 138 personnes ait brisé ensemble la vitre, et les punitions collectives ne semblent pas faire partie du droit français. Je ne vois guère de possibilité d’identifier l’auteur réel de l’infraction.
Enfin, la Cour Administrative d’Appel de Versailles a estimé le 15 juillet 2009 (n°08VE03042) que l’occupation illégale ne constituait pas en elle même une menace à l’ordre public, annulant ainsi un arrêté de reconduite à la frontière...