[ [ [ Extraits du blog des grévistes sans-papiers de la pizzeria - Yannis Lehuédé

LUNDI 2 JUIN

Michèle Boissy, secrétaire de l’UL CGT du IXe arrondissement
de Paris : « Depuis ce matin, je n’arrête pas. Il y a un flot
continu de travailleurs sans-papiers -ils ne font pas partie du mouvement
de la pizzeria Marzano- qui passent pour nous demander
de les aider à emplir leur dossier. On leur explique les démarches
à suivre, les pièces dont ils vont avoir besoin. C’est assez compliqué
parfois parce que, même s’ils travaillent tous, certains le font
sous un nom d’emprunt ou avec les papiers d’un cousin. Déjà que
c’est compliqué, alors là… »


« Le plus difficile pour constituer un dossier, ce sont tous les
papiers qu’il faut demander à l’employeur. Outre les feuilles de
paye et les déclarations URSSAF, ils doivent fournir la liste des
candidats au poste de l’ANPE et expliquer, au cas par cas, pourquoi
ils ont choisi de prendre un sans-papiers plutôt qu’un français
à la recherche d’un emploi. Franchement à la préfecture, ils nous
gâchent la vie. »

« Aujourd’hui on a donné un coup de main à Samaté et Diabaté
dont le récépissé de la carte de séjour expire demain. Il a fallu
qu’on aille à la préfecture de Cergy-Pontoise pour faire une demande de prolongation, en fournissant, bien sûr, un dossier
avec toutes les pièces demandées. »

« Chez Papa, ils en sont à 24 régularisations pour 40
employés. Par contre, ils commencent à manquer de tout,
un peu comme nous en fait ! Ici, ça nous coûte 87 ? par jour
de grève, juste en frais alimentaires. On vient d’ailleurs
d’envoyer un communiqué à nos collègues de la CGT pour
qu’ils fassent un geste. »

On fête notre anniversaire ce soir : 50 jours que le mouvement
a commencé. Il faut allumer une bougie, et la laisser
allumée. Ce n’est pas la peine de l’éteindre. »

MERCREDI 3 JUIN

Eric Wichegrod, trésorier de l’UL CGT du 9ème arrondissement
et Stéphane, syndiqué et soutien des sans-papiers
 : « Six sans-papiers sur dix ont été régularisés sur le
site de la Pizzeria Marzano. Demain les quatre demandeurs
restants doivent se rendre, accompagnés de leur employeur,
à la préfecture de Bobigny. Le patron, qui est le responsable
France du groupe, s’investit d’avantage car il souhaite que
les choses se décantent rapidement. »

« Le 15 avril, premier jour de grève, coïncide avec le jour
d’arrivée en France du gérant de la pizzeria, en provenance
d’Espagne où se situe le siège du groupe. Il croyait qu’à partir
du dépôt des demandes de régularisation, tout allait être
réglé... Il a tout de suite collaboré, notamment pour nous
laisser une partie du restaurant, mais il faut dire que nous
ne lui avons pas réellement laissé le choix. De son côté, il a
contacté les responsables d’autres restaurants touchés par
des grèves de sans papiers, afin de faire pression sur les pouvoirs
publics. Les restaurateurs jugent le Synorca (premier
syndicat de la restauration sur Paris) trop laxiste et pas assez
impliqué concernant les demandes de régularisation. »


« À Bobigny, on a l’impression que tout est fait pour ralentir
la procédure. A chaque préfecture son fonctionnement,
et malheureusement d’une à l’autre, des documents différents
à remplir. Lorsque nous nous rendons à la préfecture
de l’Essonne, les dossiers à remettre sont différents de ceux
réclamés par la préfecture de Seine-Saint-Denis et ainsi de
suite dans tous les départements. »

« Que la grève dure un mois, nous nous y étions préparés,
c’était prévu ; mais qu’au bout de 50 jours certains grévistes
n’aient pas encore reçu leur récépissé...La justice à deux
vitesse existe bel et bien en France, il n’y a qu’à voir avec
quelle rapidité les sans papiers du restaurant Market (la cantine
des ministres, avenue de Matignon), ceux du café de la
Jatte et du Country Club à Neuilly, ont été régularisés. »

« En 50 jours, les choses ne sont pas allées assez vite. Le
gouvernement espère que nous allons nous essouffler, mais
il n’a pas compris que le moral est encore là et que les grévistes
n’ont rien à perdre. Ils sont d’autant plus impliqués
dans la lutte que certains voient leurs camarades être régularisés,
et se demandent pourquoi eux ne le sont pas. »

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