[ [ [ Expulsion de la rue de Charonne - Yannis Lehuédé

Socialiste ? La mairie de Paris ? C’est depuis dix ans, depuis qu’elle est au pouvoir, cette municipalité socialiste, que se multiplient les gens à la rue, d’abord des hommes, puis, depuis quelques années maintenant, des femmes, et maintenant des enfants.

Il ne restait plus qu’à intervenir de nuit, un dimanche à 23 heures, pour expulser dix enfants et une femme enceinte, parmi la quarantaine de personnes qui occupaient depuis une semaine, en période de trève hivernale, un immeuble, 141 rue de Charonne, dans le 11ème arrondissement de Paris.

L’immeuble appartiendrait à la Semidep, société immobilière municipale, dont le conseil d’administration est essentiellement composé d’élus. L’article ci-dessous épingle à juste titre sa présidente, Hélène Bidart, du Front de gauche. Qu’est-ce qui interdirait au Conseil d’administration de la Semidep de voter la réintégration des squatteurs indûment expulsés ?

Et le Conseil de Paris, ne pourrait-il voter l’arrêt de toute expulsion ?

Quant au ministre de l’Intérieur, on apprenait récemment qu’en tant que riverain, il aurait exaucé le souhait de sa compagne de ne plus voir tant de monde dans les rues autour de Bastille, ce que les pouvoirs sans limite du ministre auront permis d’exécuter aussitôt. Qu’il fasse plutôt la circulaire interdisant à ses services de procéder à toute mesure d’expulsion en cas d’urgence sociale manifeste dès lors qu’il y a des gens à la rue.

Ceci en attendant le droit d’occupation des lieux sans affectation réelle qui sanctionnerait toute expulsion qui ne soit aussitôt suivie d’une réaffectation et de travaux diligents à cette fin. La sanction comportant non seulement l’indemnisation des expulsés, mais l’obligation de les reloger. De même pourraient être interdites les dégradations de lieux habitables entreprises à fin d’éviter leur occupation. La sanction étant de devoir remettre en état.

Ces simples mesures permettraient d’éviter qu’il y ait ni des enfants ni des adultes dans les rues de la ville. Car contre ça, il y a déjà une loi : celle qui persécute les crimes contre l’humanité. L’élitisme radical qui organise la ville au bénéfice des nantis – à tel point que le mètre carré y atteint des prix astronomiques –, et qui refuse radicalement de prendre en compte les plus pauvres des plus pauvres, leur réservant les bottes de la flicaille, à quel genre de socialisme cela appartient-il ?

Les syndicats de police, qu’attendent-ils pour dénoncer les ordres indignes qu’on demande à des fonctionnaires d’exécuter ?

Les contribuables pourraient refuser de payer leurs taxes municipales.

Car les électeurs, on le sait déjà, sont otages, puisqu’ils auront toujours le bon sens de s’opposer au retour de la droite.

Une ville de gauche veut une majorité municipale de gauche... On attend toujours, le soutien au LMP, ce vaillant théâtre de la Goutte d’or, ou une politique qui permette aux gens de se loger plutôt que d’être à la rue.

Paris : Occupation puis expulsion du 141 rue de Charonne

6 novembre 2012

Ce texte est un récit écrit à 6 mains.

Ce dimanche 4 novembre, une centaine de personnes se sont retrouvées devant un immeuble du 141 rue de Charonne [Paris 11e], nouvellement occupé par l’Assemblée des mal logés acharnés et plusieurs soutiens, récemment expulsés du 260 rue des Pyrénées et du 38 rue des Bois. Cet immeuble appartient à la Société d’Économie Mixte Immobilière interDEPartementale de la région parisienne (SEMIDEP).

Trois voitures de flics arrivent une heure plus tard (vers 20 heures), puis deux autres, ainsi que des agents de la préfecture de police. Ils repoussent les personnes présentes sur le trottoir. Un vigile de l’entreprise de sécurité privée Sécuritas arrive aussi sur les lieux.

De plus en plus de flics et au loin on aperçoit des gyrophares. Ça sent l’expulsion, la circulation est bloquée. Une trentaine de personnes décide de rentrer dans l’immeuble tandis que les autres restent devant.

À l’intérieur on se réunit et on barricade la porte d’entrée avec du mobilier trouvé sur place. Des dizaines de flics en carapace, boucliers et matraques arrivent. Les gens dehors se font repousser violemment au bout de la rue. Tout le monde gueule. L’escalier est aussi bloqué ainsi que la porte de la pièce dans laquelle on se trouve au dernier étage. Coups de bélier, les flics rentrent, difficilement, dans l’immeuble et arrivent en mode chiens enragés dans la pièce où l’on est. Ils chopent une personne et la sortent violemment. On gueule et on dit qu’on veut sortir tous ensemble, ce qu’ils finissent par accepter. On arrive dehors, il est minuit, la situation est tendue, les flics sont surexcités et on se laisse pas faire. Les gens dehors se font aussi repousser violemment. Il y aura deux blessés dont un conduit à l’hôpital.

Ils nous embarquent dans le bus direction le commissariat de la police ferroviaire au 32, rue de l’Évangile (18e) sauf une personne qui est isolée et envoyée dans un autre commissariat pour une audition, puis relâchée dans la soirée. Arrivés au « commissariat », contrôle d’identité, on exige de donner nos identités à l’oral. Pour certain-e-s leurs sacs seront fouillés et ils trouveront leurs papiers. On ressort vers 2 heures sauf pour une d’entre-nous qui sera placée en garde-à-vue également. Les flics disaient chercher quelqu’un car l’un d’entre-eux – un de ceux en carapace, casque, bouclier et gants plombés – dit avoir été « mordu » lors de l’expulsion. Lundi 5 novembre, une cinquantaine de personnes se sont retrouvées en fin de journée devant le commissariat du 11e arrondissement pour exiger la libération de la personne arrêtée au bruit des casseroles, avant de se faire (encore) charger par les CRS.

LA PERSONNE A ÉTÉ DÉFÉRÉE AU DÉPÔT DU TRIBUNAL DE PARIS. ELLE PASSERA PEUT ÊTRE EN COMPARUTION IMMÉDIATE AUJOURD’HUI. TENEZ-VOUS AU COURANT

Solidarité ! On lâche rien, on continue ! COURAGE !

[Source : squatnet]

Paris 11e : pas de trève hivernale pour les squatteurs

Selon le cabinet d’architectes Hardel & Le Bihan, l’immeuble du 141, rue de Charonne (Paris, XIe), « très dégradé » devrait être démoli pour ériger un ensemble « d’une dizaine de logements sociaux ». Fort bien, mais en attendant l’immeuble, resté inoccupé depuis un an, venait d’être « réquisitionné » par le collectif Les Mal-Logés acharnés. Policiers et CRS ont expulsé les familles dans la soirée d’hier dimanche, alors que la trêve hivernale vient d’être instaurée.

Taline, une habitante du quartier Léon Frot, dans le 11e arrondissement parisien, comme beaucoup d’autres résidents, croisent chaque matin, devant le 24 de la rue, un jeune homme replier ses couvertures. Il aurait pu trouver refuge au 141, rue de Charonne, dans un immeuble voué à la démolition, occupé par le collectif Les Mal-Logés acharnés. C’est trop tard, il a été évacué de force, en usant « de violence », estiment divers voisins, hier, dimanche.

46 personnes, dont dix enfants, occupaient l’immeuble depuis mardi dernier. Les portes ont été forcées vers 23 heures. Les familles auraient effectué des demandes de logements sociaux, en vain, expose le comité. Le mois dernier, la ministre du Logement, Cécile Duflot, avait évoqué l’éventualité de réquisitionner des logements vides, provoquant l’ire de ténors de l’UMP.

L’immeuble de la Semidep, organisme de logement social, gérant près de 6 000 logements en Île-de-France, a longtemps attendu d’engager une rénovation ou une démolition. Seulement, voilà, une fois la décision prise, le début des travaux (et que dire de leur achèvement) tarde.

Ainsi, l’immeuble de la Sernam, rue de l’Échiquier (10e ar.), un temps occupé par le collectif culturel du Théâtre de Verre, a mis des années avant d’être entouré de palissades et de voir les premiers engins de chantier arriver.

Entre-temps, soit après que le Théâtre de Verre ait évacué les lieux, des squatteurs s’étaient installés.

C’est pour leur sécurité, qu’après des semaines et des mois, ils avaient été expulsés. Le DAL avait alors, pour quelques jours, installé des tentes à proximité.

Plusieurs mois après cette seconde occupation, les travaux débutaient. Ils se poursuivent et prennent du retard. Le (ou plutôt les) futur immeuble accueillera environ 80 logements sociaux.

Vers la mi-2013 ou « prochainement » ?

Dans son bulletin de juin 2010, la Semidep indiquait que le projet de démolition-reconstruction de dix logements et d’un local commercial au 141, rue de Charonne serait livré vers mai 2012 (février 2012 pour un document publié par le Pavillon de l’Arsenal, revue d’architecture). En novembre, occupation suivie d’expulsion, mais pas le moindre début de commencement de travaux et il est rare qu’un chantier soit lancé en plein hiver. Le document (52 pages, imprimé sur papier recyclable) est fort bien réalisé, consacrant deux visuels à cette opération, dont l’un couvrant une pleine page. On voit aussi, sur une autre page, Valérie Pécresse et Patrick Devedjian, tout sourire, assister à Bobigny, à la de la première pierre de la résidence étudiante « La Vache à l’aise ».

Sans mauvais jeu de mots, on peut se demander si, hier, vers 23 heures, policiers et CRS se sentaient aussi à l’aise pour procéder à l’expulsion rue de Charonne, d’enfants, de femmes, et d’hommes, ainsi que de militants des sans logis ou mal logés.

À présent, ce jour, Jean-Yves Mano, adjoint de Bertrand Delanoë, annonce que le chantier de démolition débutera vers la mi-2013. « Est espéré pour la mi-2013 », rapporte le Nouvel Observateur. Ce qui fait vers juin prochain. L’immeuble était-il dans un tel état que la sécurité de ses occupants aurait été mise en danger ? Ne pouvait-on laisser des squatters s’installer depuis plus d’un an et jusqu’au printemps prochain ? Telles sont les questions essentielles. Mais au fait, à propos de la présence de femmes et d’enfants, Jean-Yves Mano était donc sur les lieux, un froid dimanche soir de novembre, pour le constater de visu ? Admettons.

La Semidep, un très lourd passé

Selon le site de la Ville de Paris, « l’audit de la Semidep a révélé une société en crise profonde, tant sur le plan humain, avec un climat social dégradé et des pratiques condamnables en matière de frais généraux, que sur le plan financier et immobilier, avec une société déficitaire dotée d’un parc immobilier disparate, dispersé et vétuste. ». C’était en 1995. Le rapport de 130 pages avait été amputé de plusieurs pages « à la demande de la commission d’accès aux documents administratifs » et c’était « gratiné » tout du long. Le dossier judiciaire a été bouclé fin 2000. Selon l’instruction, un vaste système de travaux fantômes avait été mis à jour. On sait parfois prendre son temps (plus de cinq ans) dans certains cas. Là, pour l’expulsion, la réaction a été plus prompte (six jours).

Une association de locataires notait, fin 2010, « la Semidep reste fidèle à elle-même : peut-elle procéder à des augmentations de charges sans avoir clôturé l’exercice précédent ? ». En mai 2011, la Semidep faisait poursuivre en justice une famille de Bondy pour une dette de 300 euros. Ah, il est sûr que, déjà remaniée en 2006, l’image de marque et l’identité visuelle de la société ont fort bien évolué. Pas forcément les pratiques, en tout cas, certaines. En 2008, la Semidep se dotait d’un fort beau site Internet…

On apprend à présent qu’une femme a été placée en garde à vue lors de l’évacuation de l’immeuble. Elle aurait été accusée de « violences volontaires » sur la personne d’un fonctionnaire de police. Dans un premier temps, de source policière, l’AFP rapportait que l’évacuation s’était effectuée dans le calme.

La préfecture a démenti que des familles et des enfants auraient été évacués. Selon la préfecture de police, ce ne seraient plus dix, mais douze logements sociaux qui seraient prévus. Les travaux devraient débuter « prochainement ». Quand ? Plus de huit mois, c’est « prochainement » ?

Hélène Bidard, conseillère de Paris (membre du conseil national du PCF, groupe communiste et élus du Parti de Gauche) de Paris est présidente de la Semidep depuis 2008. Elle est aussi, pour le 11e ar., conseillère chargée des Droits de l’Homme et de la lutte contre les discriminations. Elle siège aussi à la SGIM « acteur d’équilibre pour l’habitat parisien », une autre SEM vouée au logement social. Elle représente le département de Paris au groupe Logement français.

Avec les élus communistes de son arrondissement, en février 2008, elle appelait à manifester pour « le droit au logement opposable ». Lequel « nécessite un moratoire sur les expulsions locatives », selon le communiqué d’alors.

Le communiqué exigeait « la réquisition de logements et de locaux vacants, la mise en commun de tous les réservataires (bailleurs, villes, préfecture et 1% logements), la mobilisation par la préfecture de logements dans le parc privé, un plan d’urgence de production de logements très sociaux pour contribuer au logement des familles reconnues prioritaires. ».

Syndrome Jules Moch

Admettons que Manuel Vals ou Hélène Bidard aient appris les événements de la nuit par la presse… Ou alors, il faudrait croire que le « syndrome Jules Moch » ait contaminé le Front de Gauche. Comme le rappelait Jean-Luc Mélenchon, dans la majorité gouvernementale, régnerait « dorénavant un syndrome Jules Moch, du nom du ministre de l’intérieur socialiste qui, à la Libération, se fit une réputation en réprimant avec cruauté les grèves ouvrières comme garantie de l’appartenance au bon camp de l’ancienne SFIO. ».

Les non dits, ou omissions, dans cette affaire, portent sur des « détails ». Ainsi, s’il n’y avait pas de femmes (dont l’une enceinte) et d’enfants lors de l’expulsion proprement dite, c’est que, vraisemblablement, l’intervention avait été signalée aux occupants, qui les ont évacués avant que la police défonce la porte. C’est en tout cas la version de voisines et voisins, témoins n’étant pas liés au collectif. Mais ils portent aussi sur des éléments plus importants. Qui a réellement décidé de cette opération ? Quelles mesures préalables avaient-elles été prises ? La mairie du 11e, soit au moins l’ensemble de la municipalité (au sens de réunion des adjoints), avait-elle été informée et au juste quand ?

Ce sont les questions que diverses habitantes et électeurs du quartier entendent poser au maire d’arrondissement, dans un premier temps.

[Source : C4N]

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