[ [ [ Rroms, sans-papiers : une même lutte pour la dignité et le droit de (...) - Yannis Lehuédé

L’époque est délétère, il y a des signes qui ne trompent pas.
En Italie, la chasse à l’homme rrom est ouverte : trois
meurtres ont été commis ces dernières semaines.

En
France, le pogrom n’est pas de saison, mais on assiste
depuis cet été à une augmentation des rafles de Rroms et à
une intensification de ce qu’il faudrait bien appeler, si on
cherche le mot juste, la déportation de ces indésirables. Le
26 septembre à Bondy, le 17 octobre à Bessancourt, le 24 à
Bagnolet, le même scénario d’expulsion collective s’est
reproduit. L’État français via, les forces de polices et
l’ANAEM, orchestre des « retours volontaires forcés ». La
police arrive sur le terrain, l’encercle en bloquant la circulation
et en interdisant l’accès à toute personne extérieure.

Accompagnée de l’ANAEM, elle fait signer les obligations
de quitter le territoire français ainsi que la demande d’aide
au retour, soit 153 euros par adulte et 46 euros par enfant,
sous la menace d’emprisonnement. Ce renvoi des Rroms,
n’a pas l’heur de plaire aux gouvernement de leur pays
d’origine, si bien que l’idée d’interner des Rroms dans un
bout de désert égyptiens à même été formulée par un
député roumain [voir QSP n° 15].

Face à ces traitements dégradants la résistance des Rroms
s’organise. Le 31 octobre dernier, environ quatre cent
Rroms de Roumanie ont manifesté à Saint-Denis pour
dénoncer les rafles récentes sur le département et revendiquer
le droit de travailler régulièrement en France. Face à
la surdité des autorités françaises, les organisations rroms et
leurs soutiens ont appelé à un nouveau rassemblement
samedi 1er décembre, à Paris cette fois. Plusieurs centaines
de personnes ont de nouveau battu le pavé, parisien cette
fois, de Denfert-Rochereau à l’indigne ministère de
l’Immigration et de l’identité nationale. Le cortège mêlait
joyeusement Rroms, Français et migrants africains revendiquant
ensemble le même droit pour tous de vivre et travailler
en paix sur le sol français et dénonçant les traitements
discriminatoires et indignes des autorités locales.
Sur les visages, se lit la fierté d’avoir bravé la peur, la jubilation
d’occuper la rue, la joie de se sentir soutenu par des
citoyens ordinaires et regardé autrement par les passants.

La convergence des luttes des Rroms et des Sans-papiers
semble inquiéter les représentants d’un État déjà froissé
que « l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie complique la
réalisation de l’objectif chiffré de 25.000 expulsions d’étrangers
 », dixit Hortefeux. Diviser pour mieux écraser est un
adage d’actualité essentiel en « République Autocratique
de Sarkozie ». Le Responsable des forces de Police est ainsi
venu demander aux organisateurs de la manifestation d’expulser
les membres du 9ème collectif de Sans-Papiers qui
étaient dans le cortège. Cet honorable représentant de
l’État, semblait faire peu de cas du droit de quiconque de
répondre à un appel à manifester, et oubliait que le 9ème
collectif fait partie des associations qui ont appelé à ce
rassemblement. En Italie, également la convergence des
luttes des Rroms et d’autre luttes sociales inquiète.

Fabio,
militant milanais présent dans la manifestation parisienne,
rapporte qu’en Italie des Rroms ont participé à la
récente grève générale, et ont soutenu des actions de protestations
contre l’évacuation de squats occupés par des
Italiens. On comprends que l’affirmation des Rroms en
tant que sujets politiques à part entière de « la chose publique
 » inquiète.

Si ces hommes et femmes n’acceptent plus d’endosser le
statut de parias et de citoyens européens de seconde zone
qu’on leur a imposé jusque là, si avec eux les sans-papiers
refusent de céder à la peur obligatoire et, si avec les
citoyens ordinaires, tous exigent que le droit commun
s’applique à chacun sans discrimination d’aucune espèce,
alors l’avenir pourrait bien déroger aux scénarios établis
par ceux qui nous gouvernent.

QSP

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