[ [ [ Énorme manifestation intergénérationnelle dans le bocage - Yannis Lehuédé

Ce samedi 17 novembre a connu une gigantesque manifestation : du bourg de Notre Dame des Landes à la Zone À Défendre, la ZAD.

Rappelons que depuis les expropriations de paysans et habitants de la zone, les opposants historiques, élus opposés au projet d’aéroport et zadistes se sont unis et la sourde et violente opération d’expulsion a resserré leurs liens.
Ceux qui s’opposent au projet avec des recours juridiques et ceux qui réoccupent illégalement les terres ont appris à se connaître et s’aider les uns les autres.

À la suite de la répression, des collectifs locaux de soutien ont été créés récemment partout en France et même ailleurs. Même les partis politiques (du NPA au Modem, en passant par le PG et EELV évidemment) et des syndicats ont relayé l’appel.

En parallèle du coup du vigile agressé (vite mis sur le dos des militants), des étranges "mises en garde" avaient été faites aux parents qui amèneraient leurs enfants à la manifestation. La liste des opérations "mafieuses" d’intimidation s’allonge au fur et à mesure qu’on rencontre les acteurs du dossier.

Sur le place, des chapiteaux, des cuisines collectives, des campings et des dortoirs ont été installés pour acueillir les gens. Une véritable leçon de solidarité et d’auto-gestion, récompensée par la réussite du week-end.

Vendredi, pendant que les gens commençaient à affluer de partout, Eva Joly et José Bové se refaisaient une jeunesse en ouvrant un lieu à coup de pied de biche devant de nombreux journalistes. Le ton était lancé : désobéissance civile face à la mascarade de concertation et de démocratie.

Samedi matin, le bourg de Notre Dame des Landes s’est rempli de monde, de tracteurs, d’outils et de palettes de bois. Il y avait là les zadistes de toute la zone, des paysans et leurs 400 tracteurs, des militants de partout (même depuis le Canada), des familles, des journalistes, des membres de syndicats et de partis politiques et des journalistes... Les drapeaux et les personnalités "récupératrices" étaient priés de se faire discrets. Un immense défilé s’est élancé sur la départementale jusqu’à arriver au champ des prises de paroles (certaines sont reproduites plus bas). Sur cette route, le cortège a défilé pendant plus de cinq heures. À la nuit tombée, les derniers n’étaient pas encore partis tandis que le champ était rempli de monde, dans une ambiance festive. Les chiffres sont difficiles à manier (on parle de plus de 40 000 participants) tant l’importance était dans la diversité des participants, l’unité et la solidarité. Seuls les policiers en uniforme étaient absents...
Petits et grands parlaient de désobéissance civile et de "1940-44" - quand la loi était devenue immorale - avec une étonnante lucidité.

Tandis que la tête du cortège arrivait dans le champ des chapiteaux, les travaux de reconstruction commençaient. Une gigantesque chaîne humaine a déchargé les matériaux et de nouvelles maisons s’érigeaient. Certaines avec des poutres, d’autres entièrement faites de palettes de bois. Des étudiants en architecture de différentes écoles avaient apporté leur contribution. La construction de ces cinq maisons sur pilotis s’est poursuivi dimanche, sous le regard et la contribution de tous, restés la nuit ou revenus le lendemain. La forêt de Rohanne doit être réoccupée dans la semaine qui suit.

Durant tout le weekend, des cantines auto-gérées par tous ont offert des repas à prix libre, une projection vidéo et de la musique étaient proposés le soir, le tout d’une minutie à faire pâlir les organisations traditionnelles et sans incident. Une ambiance intergénérationnelle solidaire et joyeuse s’est installée dans le fragile bocage. Au delà du projet d’aéroport, le tournant écologique et la réoccupation de l’espace rural est désormais ancré dans les consciences. La mobilisation a redonné le courage aux "historiques" et la légitimité aux résistants, sans qui ce lieu serait déjà perdu.

Même après cette victoire, la lutte continue, tous à la ZAD !

Paris s’éveille

Voici la prise de parole des zadistes lors de la manifestation de réoccupation du 17 Novembre

Ami-e-s d’ici, ami-e-s d’ailleurs,

Nous, expulsé-e-s ou expulsables, habitant-e-s qui résistent au projet d’aéroport et à son monde , nous tenons à vous remercier.

Merci d’être venu-e-s, de Vigneux ou de Turin, de Rennes ou de Bruxelles, pour participer à cette lutte, pour reconstruire aujourd’hui ensemble les bases matérielles nécessaires à la poursuite de la résistance sur le terrain.

Merci de vous être réappropriés ce combat, en organisant des rassemblements, des collages, des moments de rencontres sur les marchés de vos villes et de vos villages, en créant des comités locaux...

Vous avez su exprimer notre colère contre les aménageurs par un foisonnement de gestes solidaires : du péage gratuit au défilé de tracteur, du sabotage au concert de soutien, de la prise d’antenne sauvage aux messages qui nous parviennent depuis plusieurs semaines maintenant !

Vous avez participé à cet immense élan de solidarité, solidarité mot qui aujourd’hui prend tout son sens et qui s’est répandu comme une traînée de poudre bien au-de-là du bocage.

C’est vous, anonymes, animés par d’inébranlables convictions qui faites la lutte. Vous qui ne cherchez ni la gloire superflue sous le crépitement des flashs et des caméras, ni les privilèges et le confort d’un siège de député ou de ministre. Vous qui êtes là parmi nous, humblement, et qui avez décidé d’agir plutôt que de subir. La parole des politiques ne doit pas étouffer celle des habitants pour s’y substituer. Cette lutte c’est la notre, c’est la votre, parce que c’est avec vous que nous obtiendrons l’arrêt immédiat du projet et que nos pourrons faire plier les décideurs, ici comme ailleurs.

Nous avons toujours dit, « un territoire se défend avec celles et ceux qui l’habitent ». Et ces dernières semaines ont prouvé que les habitant-e-s de la zone se défendent ! Une armada policière débarque et le balais infernal des machines emporte dans sa danse macabre, maisons et cabanes, vieux chênes et salamandres... La tristesse et la colère nous gagnent face à Vinci et à l’État socialiste écologiste qui défigurent sous nos yeux ce paysage si familier. Ils ravagent la nature et cherchent à effacer nos souvenirs. Qu’ils nous jettent à la rue à coups de matraque ou nous poussent au déménagement par les pressions, c’est toujours la même violence et le même arbitraire qui nous écrasent. Il est légitime que l’on retourne cette violence contre ceux qui nous l’infligent.

Face à l’État, tous nos gestes de résistances peuvent paraître dérisoires, mais ils sont o combien justes et nécessaires. Rassemblements, manifs, défense des lieux vie, ouverture collective de maisons, occupation forestière, ravitaillement, blocage de routes, reconstruction, assemblées... Nous avons voulu montrer que nous ne sommes pas de simples meubles qu’on déménage, que nous pouvons nous organiser, résister, dire non !

Ces semaines ne sont qu’un début ! La lutte ne fait que commencer : défense du Rosier, réoccupation de la forêt de Roanne pour s’opposer à son abattage, blocage des travaux du barreau routier, procès et expulsion à venir des habitant-e-s en bail précaire et des paysans. Il y encore tant à faire. Hollande, Ayrault et les cadres de Vinci doivent comprendre qu’il n’y aura pas de retour à la normale jusqu’à l’arrêt immédiat du projet d’aéroport. Qu’ils prennent garde, car plus la lutte se renforce sur le terrain et plus elle se répand !

Notre rêve, c’est que tous les ami-e-s d’ici et d’ailleurs ramènent chez eux un peu de la détermination qui est née dans ce bocage. Que cette lutte nourrie par celle du Val di Susa comme par celles de Plogoff et du Larzac, renforce en retour d’autres combats.

Nos révoltes ne se limitent pas à Notre-Dame-des-Landes et à son aéroport. Pendant que les caméras et l’attention se focalisent ici, ils continuent d’expulser et de bétonner ailleurs, tous les jours, en silence... L’État oppresse, enferme, réprime partout, tout le temps. Il est confortable de fermer les yeux, facile de se résigner, mais indispensable de se révolter. Partout, pour contrer tous les Césars qui veulent aménager nos vies et nos territoires, continuons de construire des foyers de résistance irréductible.

Ici comme ailleurs, défendons nos rêves et cultivons nos révoltes pour qu’elles deviennent leur cauchemar !

Voici la prise de parole du comité Nantais contre l’aéroport lors de la manifestation de réoccupation du 17 Novembre

Le collectif Nantais est présent sur la lutte de l’aéroport depuis maintenant plusieurs années. Nous sommes surpris mais heureux de voire que le moment des expulsions, qui devait arriver, a aussi été celui du rassemblement de tous ceux et toutes celles qui s’oppose à l’aéroport et même plus largement à son monde.

L’élan inespéré de solidarité montre une détermination commune à annuler le projet, qui ne concerne pas que les habitantEs de la zone. Devant la mobilisation qui grossit, il redevient possible de penser que la lutte sera victorieuse. Comme elle fut à une autre époque, au Carnet, au Pellerin, ou encore à Plogoff.

Et dans ces luttes, on sait bien que ce qui a compté avant tout, c’est la solidarité entre les composantes. Faire bloc pour faire comprendre aux élites qu’on ne lâchera pas. Faire bloc aussi, parce que ce n’est pas aux décideurs du projet de définir les règles de notre combat, ni de comment nous le menons. C’est pourquoi le collectifs Nantais contre l’aéroport est solidaire de toutes les actions qui vont à l’encontre de ce projet.

Nous sommes un collectif d’habitants et d’habitantes de Nantes qui se sont rencontéEs autour de la lutte contre l’aéroport. Nous souhaitions porter cette lutte au cœur de la métropole Nantaise.

Assez vite lors de nos discussions, nous nous somme rendu compte que la question de l’aéroport n’était qu’un maillon de projets bien plus larges. Ils touchent tous les territoires et leurs habitants entre Nantes et Saint Nazaire.

Dans un premier temps, nous avons écrit et diffusé un journal, Nantes Nécropole, qui nous a permis de définir plus précisément nos positions politiques et mieux cerner les enjeux que représente cette organisation du territoire, voulue par quelques élites. Vous pouvez le trouver sur les tables de presse.

Nous organisons aussi des manifestations mensuelles dans le centre ville de Nantes. La prochaine aura lieu le 24 Novembre à 16H Place royale. Vous êtes cordialement invités à nous rejoindre pour continuer cette mobilisation.

Nantes, dans sa course au développement, a pour ambition de créer la métropole la plus étendue de France en faisant se rejoindre Nantes et Saint-Nazaire. Comme dans beaucoup d’autres villes, et à grands renforts d’événements tels que Nantes Estuaire ou Voyages à Nantes, il y a la volonté de conquérir des terres jusque là peu « attractives ».

Leur but est d’y attirer certaines franges aisées de la population Nantaise afin d’amorcer l’urbanisation, le bétonnage et l’implantation d’une nouvelle culture.

Ainsi tout le territoire se retrouverait compartimenté en espaces dédiés à une seule activité : pôle financier avec Euronantes, loisirs et créativité sur l’île de Nantes, banlieues et zones dortoirs dans certaines campagnes, agriculture parquée en Brière, etc...

Les décideurs, Ayrault et Auxiette en tête, assument ainsi d’avoir déjà planifié l’aménagement du territoire de la métropole jusqu’en 2030 avec une pseudo-concertation de la population.

Cette pratique de démocratie participative est un outil bien connu des municipalités PS. Elles laissent croire comme lors des enquêtes publiques que la population pourrait donner son avis et changer des choses. Mais les décisions sont déjà prises ailleurs, et tout cela n’est qu’une opération de communication.

Nous ne croyons pas à leur démocratie, et préférons celles que nous construisons ensemble dans cette lutte, au sein de l’AG, de nos collectifs et entre eux.

Nantes s’est lancée dans la compétition acharnée qui sévit entre les métropoles européennes. Chaque métropole cherche à se démarquer des autres en se créant de la singularité. Dans le cas de Nantes, après la culture, c’est l’écologie qui est devenue l’argument marketing. Ainsi Nantes a décroché son titre de capitale européenne de l’écologie en mentant sur le dossier de l’aéroport soit-disant HQE.

Cela ne l’empêche pas pourtant de raser des arbres centenaires au parc Mercoeur ou encore de planter des vergers dans le centre ville qui sont destinés à être arraché à la fin de l’année. Ceci nous ferait bien rire, si ce n’était représentatif de la nouvelle mode du capitalisme vert. L’écologie sauce capitalo devient un lobby, un marché juteux et un moyen de contrôle de la population.

Le projet de métropole Nantes Saint-Nazaire rencontre des oppositions dans différents bourg qui sont concernés par un de ses projets. Ainsi les résistances contre le tram-train, contre les nouveaux franchissements de la Loire, contre la destruction du parc Mercoeur, ou encore les luttes paysannes montrent que ces projets ne sont pas les bienvenues. Comme autrefois au carnet, au pellerin, et lors des velléité d’agrandissement de la raffinerie de Donges.

C’est pour toutes ces raisons que nous sommes là aujourd’hui. Nous refusons cette logique et voulons pouvoir décider nous même du devenir de nos espaces. En ce sens, il nous semble que cette lutte n’est qu’un début, et un bout d’une lutte à mener contre la pieuvre de la métropole.

Mais pour que cette lutte prenne de la puissance et pèse sur les décideurs jusqu’à la victoire, il nous faudra continuer à être solidaire. C’est pourquoi le comité Nantais contre l’aéroport condamne fermement les déclarations de certaines élites d’Europe Ecologie Les Verts visant à la désolidarisation et à la division du mouvement.

Ces élites ne font que répéter les mêmes discours que les décideurs du projet et ne contribue qu’à nous affaiblir, en pointant du doigt une partie de l’opposition au projet, pour des fins électoralistes et de reconnaissance par le pouvoir. Nous appelons la base, qui est elle sur le terrain au côté des occupants, à faire pression sur les « cadres » afin que cesse ce comportement !

Nous tenons à affirmer que nous ne voulons pas de médiateur ni de moratoire. Ceux et celles qui se permettent de négocier en haut lieu sans concertation avec le mouvement ferait bien de ne pas oublier la volonté de ceux et celles qui luttent sur le terrain contre ce projet : son arrêt immédiat !

[Source ZAD]

[Sources ZAD et diverses]

Communiqué de l’ACIPA du 19 novembre 2012
Notre-Dame-des-Landes : La mobilisation citoyenne contre le projet d’aéroport s’étend

L’ACIPA constate que la mobilisation citoyenne s’est considérablement amplifiée ces dernières semaines, en réaction légitime et humaine à la volonté impitoyable de l’Etat et d’AGO/Vinci de vider la zone en 48 heures !

La manifestation impressionnante de samedi 17 novembre 2012 a dépassé les attentes en terme d’affluence et de solidarité, avec de l’ordre de 40 000 participants et le soutien du monde agricole et ses 400 tracteurs. L’absence totale de membres des forces de l’ordre a permis à cette manifestation de remplir complètement ses objectifs et a tenir ses engagements. Elle était festive, familiale, et cependant totalement déterminée.
Force est de constater que s’il n’y a pas de présence policière à Notre-Dame-des-Landes, il n’y a pas non plus de violences !

Les constructions vont bon train sur la zone. Nous appelons toutes les personnes disponibles à venir donner un peu de leur temps pour la reconstruction de bâtiments sur le terrain d’un propriétaire en procédure d’expropriation. De ce fait, ce terrain se trouve concerné par l’accord politique du 8 mai 2012 obtenu après 28 jours de grève de la faim et validé par les signatures des présidents de Nantes Métropole, du Conseil Général 44 et de la Région Pays de la Loire.

D’autres lieux restent cependant expulsables : le Rosier, le Far Ouest et la gare de Vigneux, et l’ACIPA appelle à rester mobilisés.
La permanence du bourg de Notre-Dame-des-Landes est maintenue jusqu’à nouvel ordre, à partir de 9h près de la mairie.

Communiqué de l’ADECA du 19 novembre :

L’ADECA, Association de Défense des Exploitants Concernés par le projet d’Aéroport, se félicite de la très forte mobilisation citoyenne ce samedi 17 novembre pour la manifestation de réoccupation.
Comme toujours cette manifestation s’est déroulée dans le calme et avec efficacité pour commencer les constructions sur un terrain que son propriétaire refuse de vendre amiable.
Les porteurs du projet sont d’autant plus virulents qu’ils sont inquiets devant l’intensité de la mobilisation et la multiplication des comités de soutien.
Mettre en marche une foule de 40 000 personnes n’est pas une mince affaire, et cela a retardé le démarrage du cortège de tracteurs et modifié le circuit.
En fait, la mobilisation agricole était énorme, aussi énorme que les 40 000 personnes, avec 400 tracteurs, mais elle n’a pas été mise en avant par la presse. Les chauffeurs sont venus dire non à la répression et non au gaspillage des terres agricoles.
Nous tenons à remercier chaleureusement nos collègues, souvent venus de loin, pour leur soutien et leur détermination.
Il est essentiel que l’opposition des agriculteurs à ce projet soit très importante et très visible si nous voulons obtenir une consommation minimale du foncier dans tous les domaines.

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