[ [ [ “Vous ne pourrez pas nous tuer…” - Yannis Lehuédé

Cela fait dix ans maintenant que l’on confirme à chaque saison la mort de Christiania, la seule commune libre du monde, des dizaines d’hectares, au cœur de Copenhague, ancienne base militaire squattée par les hippies depuis 40 ans.

Avec un drapeau, et un hymne…

Quarante ans de résistance, et puis la fin ? Le quartier libre de Christiania, au milieu de Copenhague, c’est le village gaulois qui résiste aux légions de César. Cette enclave autogérée habitée par moins d’un millier de hippies et autres Copenhaguois désireux d’un mode de vie alternatif avait résisté aux autorités danoises depuis sa création en 1971 sur l’emplacement d’une ancienne caserne. Elle était même devenue l’un des squats les plus célèbres d’Europe. Le haschich y a longtemps été en vente libre dans un pays qui l’interdit. Cette tolérance pour le hasch ne signifiait pas que la ville libre était une zone de non-droit. Les habitants eux-mêmes avaient, au cours des décennies, instauré des interdits concernant les armes, les drogues dures ou les marques dans le dos des blousons de cuir, façon de lutter contre la présence des bandes criminelles de motards.

Ces quelque 22 hectares sont un joyau. Tous ses mini-quartiers, avec leurs bicoques rafistolées, leurs baraques de chantier des origines ou leurs maisons d’architecte écolo, font que Christiania est à déguster dans le détail, un mélange de bric et de broc que l’on découvre le long des sentiers. Christiania est devenu au fil des ans la deuxième attraction touristique la plus visitée de la ville. Certains Christianites lui reconnaissent volontiers un côté "zoo humain", mais le revendiquent, désireux de montrer qu’il existe un autre mode de vie possible. Cette époque paraît maintenant bien finie. Le 18 février, la Cour suprême danoise a confirmé que ce quartier très convoité par les promoteurs immobiliers devait rentrer dans le rang et que ces terres appartenaient bien à l’État danois.

La droite a voulu une normalisation

En arrivant au pouvoir en 2001, la droite avait fait de la normalisation de Christiania l’un des symboles de sa politique. Le gouvernement avait réussi à faire adopter en 2004 une "loi Christiania". En 2007, un accord envisagea notamment que les bâtiments soient regroupés au sein d’une organisation où n’importe qui pourrait avoir accès aux logements. Les Christianites avaient dit non à ce traité. S’ils persistaient, ils devraient alors acheter leur logement, ce qui aurait été impossible pour la plupart d’entre eux.

Cette culture alternative a fait long feu, sous la pression du gouvernement de droite, soutenu par l’extrême droite. Si la bataille juridique est terminée, et perdue pour les Christianites, les deux camps sont maintenant entrés dans une phase de négociations pour trouver une porte de sortie honorable. Le ministre des finances libéral, Claus Hjort Frederiksen, veut encore éviter la manière forte et a maintenant ouvert des discussions avec les Christianites pour évoquer le futur du quartier. Connaissant l’opiniâtreté des Christianites, ils vont sûrement déborder d’idées pour grappiller encore du temps. En attendant le retour de la gauche au pouvoir, peut-être à l’issue des législatives qui se tiendront d’ici à cet automne ?

23.03.11

[Source : Le Monde]

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