[ [ [ Incidents à répétition au CRA, conséquences de « l’industrialisation » de la (...) - Yannis Lehuédé

Incidents, violences, départs de feu : le
centre de rétention administrative de
Vincennes, le plus grand de France, est
le théâtre depuis plusieurs semaines de
tensions, conséquences, pour les associations,
de « l’industrialisation » de la
rétention des étrangers sans papiers.

Dans la nuit de lundi à mardi, une
soixantaine de policiers sont intervenus
dans le CRA à deux reprises de manière
musclée, d’après des témoignages
recueillis par la Cimade : la première
après l’extinction des téléviseurs et la
deuxième après des débuts d’incendie de
literie plus tard dans la nuit, suivie d’une
fouille des chambres durant laquelle des
téléphones portables ont été cassés, des
fils de chargeurs ont été coupés et un
Coran a été déchiré et piétiné.

Deux plaintes ont été envoyées au procureur
par deux détenus, la première sur
violence policière et blessures, la
deuxième sur l’injure qui a été faite par la
destruction d’un Coran par les policiers.

Deux retenus ont été hospitalisés. L’un
d’eux, revenu dès mardi, présentait un
gros hématome au bras et un traumatisme
crânien sans perte de connaissance
attestés par un certificat médical,
qui préconise des soins pendant dix
jours, selon la Cimade. Le second est
revenu jeudi avec des « hématomes, le
bras en écharpe et des agrafes sur le
crâne », a précisé l’association à l’AFP.

Cette poussée de fièvre illustre le climat
de tension qui règne depuis la fin du
mois de décembre dans ce centre, toujours
extrêmement plein. Les associations
estiment que Vincennes 1 et 2,
distants de 15 mètres, ne forment qu’un
seul centre de 280 places, « symbole de
l’industrialisation de la rétention et de l’expulsion
 ».

« La tension n’est pas redescendue et l’épisode
des Maliens (interpellés mardi dans
un foyer du 13e arrondissement de Paris et
dont 90 ont été placés en rétention) n’aide
pas », fait valoir une intervenante de la
Cimade.

Le président de la Ligue des droits de
l’Homme, Jean-Pierre Dubois, parle
« d’une augmentation de la violence particulièrement
nette depuis plusieurs semaines
 » avec des cas de « brutalités physiques
 », de « vexations comparables aux
brimades en milieu carcéral ».

« Ces gens
se disent qu’ils n’ont plus rien à perdre et
autant ne pas se laisser faire comme des
moutons », analyse M. Dubois.

Le président de la Commission nationale
de contrôle des CRA et des zones
d’attente, Bernard Chemin, mettait en
exergue, dans ses observations
annexées au rapport remis au
Parlement en décembre, les « interrogations
 » suscitées par la dimension des
centres les plus récents, dont fait partie
celui de Vincennes. M. Chemin estimait
que « le regroupement de personnes
 » susceptibles de se faire expulser et
« soucieuses de faire échec » à une telle
mesure, « joint à un régime de type carcéral
(...) aboutit souvent à créer un climat
de tension, d’hostilité, voire d’agressivité
 ».

Les comportements « désespérés »
ont une réalité, souligne à l’AFP la
Cimade : « entre dix et vingt tentatives de
suicide depuis fin décembre, des automutilations
fréquentes, des grèves de la faim
individuelles, des départs de feux quasi
quotidiens, l’intervention de renforts policiers
extérieurs au moins deux fois par
semaine ».

Lors d’une visite organisée pour la
presse le 4 janvier, après des
mouvements de protestation, Bruno
Marey, chef du service de garde des
CRA de Paris à la Préfecture de Police,
avait qualifié « d’exceptionnelle » l’intervention
de forces extérieures le 30
décembre.

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