[ [ [ Les retenus parlent - Yannis Lehuédé

Retranscription intégrale de discussions avec quelques
détenu·e·s du centre de détention administrative de Lyon
St-Exupéry, les 1er et 2 février.

« Ici, tout le monde est stressé. »

« Tout le monde a ses propres soucis, on s’en fout un peu. »

« Vous pouvez appeler la CIMADE, ils vous donneront plus d’information, d’ailleurs
j’ai un rendez-vous avec eux. »

*

« On nous frappe souvent… C’est tout le temps le bordel. Le 19 janvier, y’avait un
feu… C’était galère. »

« Ils veulent faire une loi augmentant la durée de détention à 18 mois ? Ben laisse les
faire, que veux tu y faire ! »

« Y’a une vieille dame qui veut mourir, elle va mourir, depuis deux jours elle a pas eu de
médecin. Il y a un gamin de un an et demi. »

*

« Tous les jours y’a le feu… On veut allumer des feux tous les jours. Pourquoi ils nous
retiennent ici, trente jours ? On n’a rien fait… On n’est pas des vendeurs de drogue… »

« Renvoyez moi dans mon pays, je reviens plus... on veut allumer le feu. »

« Un gamin de un an et demi ici, c’est grave ! »

« On a plein de médicaments (calmants), dans le café, dans les repas. On nous oblige de
sortir dehors, et de rester dans le froid. Il faut trouver une solution, renvoyez-moi au bled. »

*

« Qu’est ce qu’ils ont gagné ? »

« Quand ils font le ménage, ils nous font sortir. »

« On est des prisonniers, on a aucun contact rien, on dirait les prisons de haute sécurité
de Californie... On nous prend pour des criminels... Tout est fermé... Chacun attend
son jour... »

« Je suis malade… j’ai un certificat médical... Mon dossier médical est en traitement à
la préfecture... Je sais pas si je vais voir mon avocat pour le jugement... ou si je vais avoir
un avocat d’office... Ça fait sept ans que je suis en France... J’allais prendre le train,
j’avais mon billet. »

« De toute ma vie, je ne suis jamais rentré dans un commissariat, ou garde-à-vue ou
quelque chose de ce genre... C’est la première fois que je suis dans des conditions d’enfermement...
C’est un centre inhumain... C’est du contrôle humain... Y’a des barbelés
de partout... Y’a une centaine de policiers... On est parqués dans un coin tous seuls
comme des animaux... On n’a aucun contact... »

« Vous, les associations, faites quelque chose... Il nous faut des avocats... »

« J’ai vu qu’il y avait une manif aujourd’hui à Paris. »

« Y’a la Cimade, mais je crois qu’ils sont pas top, ils sont choisis. »

« Y’a une mamie de 70 ans, elle bouge pas, elle parle pas, elle mange pas, elle est
malade... elle est assise toute la journée... elle doit peser 30 kg... mais dites moi, qu’est
ce qu’elle fait ici... une mamie de 70 ans... on sait pas si elle va mourir aujourd’hui ou
demain... y a des gens, ils ont rien à faire ici... »

*

« C’est la merde générale ici… Ils veulent gagner de l’argent avec nous... Juste pour dire
voilà ce qu’on fait... Regardez ce qu’ils arrêtent... Y’a un gars ici qui a un visa normal...
Il est ici, qu’est ce qu’il fait là ? »

« Les gendarmes sont venus me chercher chez moi à 6 heures du matin ! Je suis malade,
je suis en dépression, j’ai le diabète et j’ai des crises d’angoisse. J’ai des attestations des
médecins et tout... Quand les gendarmes sont venus, je me suis évanouie... j’ai vomi...
au poste, ils me disaient “arrête de faire du cinéma”, alors que moi je savais même pas
ce qu’il se passait... »

« Au centre, y’a des gens qui vont mourir... Y’a des bébés ! ! Les gens sont tellement
stressés, nerveux… Y’a des bagarres souvent... Moi qu’est ce que j’ai fait ? J’ai tué personne
 ! ! C’est de la bêtise... »

« Ce que je veux, c’est juste un délai pour prendre mes affaires personnelles et repartir. »

« La bouffe est dégueulasse… Même les chiens du bled, ils ne la mangeraient pas !

Ils
mettent plein de médicaments dedans...
On est tous dans un état somnolant à deux
de tension. Aujourd’hui, ils nous ont
donné du riz blanc, seul avec un morceau
de fromage. Ils savent très bien que les
musulmans ne mangent pas de viande
non-hallal. Ils le font exprès. »

« Les matins, ils nous réveillent à 8 heures,
et ils nous sortent de force. Ils disent
qu’ils vont faire le ménage dans les chambres
 ; nous on reste jusqu’à midi dehors,
dans la cour, au froid... Vous imaginez les
bébés ! ! Après quand on revient dans les
chambres à midi, rien n’a changé, ils n’ont
pas fait le ménage ; ils le font jamais ! ! »

« Y’a la télé… C’est pour nous calmer et
passer le temps. On a la une, la deux, la
trois... J’ai vu qu’il y avait des manifs
pour les sans-pap aujourd’hui à Paris. »

« Ici c’est tellement glauque, y a rien, tu
peux même pas te suicider ! ! »

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