[ [ [ Semaine d’actions en solidarité avec les 9 de Reykjavik - Yannis Lehuédé

À l’attention de tou-te-s, et en particulier de celles et ceux qui ont lu le récent article "Islande, la révolution silencieuse" paru d’abord sur Paris S’éveille, puis relayé sur différents médias n’ayant pas pris le temps de vérifier la véracité des propos tenus par le journaliste.

Je ne lui jette pas la pierre, mais cette apologie de l’Islande n’est certainement qu’un vœu pieux.

Au risque de décevoir tout le monde, me voilà dans l’obligation de vous révéler que l’Islande n’est qu’une autre oligarchie ultra capitaliste où la répression sévit aussi durement qu’ailleurs, tandis que les ressources naturelles sont pillées sans vergogne dans la plus belle démonstration de capitalisme "vert".

Maintenant, il s’y passe des choses réelles et sérieuses, particulièrement en matière de répression. Le seul avantage d’un si petit pays, c’est le retentissement considérable qu’auront les moindres actions que nous pourrons organiser cette semaine.

À bon entendeur !

DROIT DE RÉPONSE DU JOURNALISTE AUTEUR DE VŒU PIEUX

Il se trouve que nous avions publié nous-même l’article sur les "neuf de Reykjavik" dans notre précédent article "Que vive la révolution islandaise !", avec l’article de Rue89 qui pareillement contestait notre point de vue sur l’intérêt de ce qui se passe en Islande depuis deux ans, et particulièrement depuis qu’un processus constitutionnel s’est mis en place, une assemblée constituante ayant été élue en novembre dernier, et se trouvant actuellement au travail.

Nous avions nous-mêmes insisté sur la dimension "anarcho-autonome" de cette révolution, à la simple vue des images de foules, très semblables à celles de manifestations parisiennes, composées à la fois d’écologistes et de libertaires, pour parler schématiquement. On voyait bien (disons plutôt qu’on devinait) à travers les images que les épisodes les plus actifs de cette révolution s’étaient bien produits sous l’impulsion de ces groupes rouges et noirs, portés par une protestation citoyenne plus large, unanime en fait, où l’on comprend (devine) que la coloration écologiste est dominante.

Ils sont amusants, les gens qui nient qu’il y ait eu une révolution en Islande et qui s’enflamment pour ceux qui, précisément, en envahissant le Parlement, sont parvenus à faire tomber le gouvernement, et provoquer le processus constitutionnel actuel...

C’est sûr que les idéologues post-staliniens qui pullulent par les temps qui courent ne peuvent même pas concevoir ce que c’est qu’un processus constitutionnel.

Comme on le disait dans notre précédent article sur le sujet, on va bien voir le résultat du procès où les "neuf" encourent la peine maximale en Islande, 16 ans.

S’ils sont relâchés sous les acclamations du public, ce ne sera peut-être pas la même chose que le scandale dont rêve notre critique.

Ce qui nous a beaucoup amusé dans cette affaire, c’est que suite au "buzz" qu’on a vu circuler sur internet grâce à notre article, on a eu droit à deux réponses, également virulentes et insultantes, l’une de la presse bourgeoise, rue89, et l’autre des réseaux anars, publiée comme on voit y compris sur notre site.

Notons simplement que les deux, aussi bien informés soient-ils, ont la particularité commune de considérer que de faire une nouvelle constitution n’a aucune importance. Mais que serait l’objectif d’une révolution sinon de faire une nouvelle constitution ?

Il est bien sûr possible, et même probable, que le résultat de cet effort islandais ne sera pas "miraculeux". Il ne s’agit pas de faire surgir l’utopie avec une baguette magique, mais de transformer le monde réel où nous vivons, aussi radicalement qu’il le faudra, pour pouvoir continuer à y vivre.

Et on sait bien qu’il ne peut s’agir que de tâtonner.

En attendant, comptons sur tous les réflexes idéologiques de la terre pour freiner la dynamique et rendre, parfois sans même le vouloir, les plus grands services au parti de l’ordre.

Gageons qu’au fond, on se sera mal compris : une révolution est un processus. On peut voir avec la révolution de jasmin tunisienne comment, même après avoir chassé le dictateur avec pertes et fracas, ses ministres de l’intérieur et de la défense sont encore au pouvoir, même s’ils ont dû composer avec le parti des internautes et lui accorder le ministère de la jeunesse et des sports...

Si les tunisiens n’en sont pas encore à refaire la constitution comme les islandais qui ont mis deux ans, et plusieurs épisodes révolutionnaires pour en arriver là, ils semblent bien avoir d’’ores et déjà conquis les droits politiques et la liberté d’expression qui leur étaient niées jusque-là. Ce qui correspond bien à une “réforme constitutionnelle”, essentielle comme on voit.

Est-ce suffisant pour autant ? Les islandais se posent la question au deuxième degré de cette problématique. Le système acquis jadis avec la monarchie constitutionnelle sert toujours de modèle unique, avec ses menues variantes, pour l’essentiel des “démocraties”. Il n’a jamais été sérieusement remis en cause nulle part, même dans les régimes autoritaires à la chinoise où existe bien un parlement, comme partout ailleurs pourrait-on dire…

Même en réclamant de simples libertés politiques, les tunisiens ne font pas quelque chose de banal, tant celles-ci ont pu être vidées de leur sens partout, sous diverses formes. Une véritable liberté de la presse, et une véritable démocratie, voilà le défi. En Islande comme en Tunisie.

Est-ce que ça voudrait dire qu’une révolution se réduit à une réforme constitutionnelle ? Non, bien sûr : on a pu voir la moquerie qui en est faite en France par exemple.

Un autre cas, a priori plus intéressant, nous est proposé par un correspondant qui vient de découvrir que, depuis deux ans, c’est à Genève qu’a été entreprise une refonte complète de la Constitution cantonale – sans que personne ne s’en avise. Il ne semble pas pour autant que soit en train de se produire une révolution en Suisse romande...

Il n’en reste pas moins que la réflexion entreprise par des constituants, que ce soit en Suisse ou en Islande, ne peut qu’intéresser les autres sociétés humaines, dont on ne peut pas dire qu’elles soient vraiment organisées à la satisfaction de tous.

Paris s’éveille

Un appel a été lancé pour une semaine d’actions en soutien aux Neuf de Reykjavik (RVK9), du 10 au 16 janvier 2011.

Ces neuf individus, anarchistes et gauchistes radicaux, risquent jusqu’à 16 ans de prison ferme pour avoir manifesté contre le parlement islandais.

En décembre 2008, la balle qui tua Alexandros Grigoropoulos mit le feu aux rues d’Athènes, un feu qui se propagea rapidement à toutes les villes de Grèce.

Ce même mois de décembre, à l’autre bout de l’Europe, en Islande, une autre révolte était en route, née des décombres de l’économie qui s’était effondrée à l’automne.

Au cours de l’hiver 2008, l’Islande, première victime de la crise mondiale, assistait à la plus large mobilisation de son histoire. Des manifestations, rassemblements de masse et assemblées populaires, actions directes et confrontations quotidiennes, et pour finir des émeutes, réussirent à faire tomber le gouvernement de droite de l’époque.

Pourtant, tout comme en Grèce cette balle n’était qu’une seule des causes d’une révolte qui tenait à des milliers de raisons, en Islande la bulle qui éclata cet automne n’était que l’étincelle nécessaire à la rage et à la frustration refoulées au cours de deux décennies contre le gouvernement néo-libéral – et plus largement, contre le système politique et économique tout entier.

A l’heure actuelle, l’Etat islandais menace d’emprisonnement neuf individus, choisis comme bouc-émissaires de l’insurrection qui mena à la chute du gouvernement en janvier 2009.

Ils et elles sont les Neuf de Reyjavik.

Le 8 décembre 2008, pendant qu’en Grèce des milliers de personnes descendaient dans la rue, à Reyjavik, en Islande, un groupe d’une trentaine de personnes prenait d’assaut le parlement. Elles entrèrent dans le but d’interrompre l’assemblée et de lire un communiqué de protestation. Malgré le fait que l’accès aux tribunes publiques est ouvert à tous, la police, secondée par les gardes, bloqua l’entrée et arrêta le groupe dans l’escalier. Seuls deux des trente personnes parvinrent à accéder à la tribune. Après une légère échauffourée, plusieurs personnes furent arrêtées et les autres forcées de se disperser.

Un an plus tard, les autorités ciblèrent 9 de ces 30 personnes. Ils et elles sont principalement accusé-e-s, entre autres, d’avoir menacé l’autonomie du parlement. La peine associée est d’un an de prison minimum, jusqu’à la perpétuité (soit 16 ans en Islande) !

Cette action n’en était qu’une parmi une pléthore d’actions qui eurent lieu quotidiennement en Islande au cours de l’hiver 2008 : manifestations massives, visites aux domiciles des ministres et banquiers, sabotages de propriétés de l’Etat, perturbations des réunions gouvernementales et sabotage massif du système de transmission en direct du débat annuel des partis politiques. Une part intrinsèque de cette insurrection fut le mouvement anarchiste en pleine expansion, qui trouve son origine dans des années de luttes contre l’industrie lourde et la destruction environnementale qui en résulte, toujours au nom d’un « développement vert » !

Les racines de cette insurrection apparurent clairement lorsqu’elle adopta en masse et pour la première fois des tactiques de confrontation, comme lors de l’attaque sans précédent du commissariat central de Reykjavik par une foule de 500 personnes répondant à l’arrestation d’un anarchiste.

La révolte atteint son paroxysme les 20 et 21 janvier 2009, lorsque des milliers d’individus se rassemblèrent devant le parlement afin d’empêcher sa première assemblée de l’année. Le début de la fin pour ce gouvernement fut signé par un nouveau groupe formé d’étudiant-e-s, Oskra, lorsque celui-ci brisa les lignes de police devant le parlement. Cette action fut suivie de 48 heures de rage et de furie, accompagnées de bruit, de feu et de pierres. Le sapin de Noël fut sacrifié sur le feu et toutes les vitres du parlement furent brisées sans exception. Pour la première fois en 60 ans les gazs lacrymogènes se répandirent dans l’air de Reykjavik.

La police à bout de nerfs, il restait deux options pour l’Etat : faire appel à l’armée danoise (colons historiques de l’Islande) qui attendait depuis 3 mois dans le port extérieur de Reykjavik, ou dissoudre le gouvernement.

Le procès de Neuf de Reykjavik est un cas flagrant de persécution politique. Les enregistrements des caméras de vidéo-surveillance utilisés comme preuves ne prouvent rien d’autre, et sans que le moindre doute soit possible, que le fait que la violence était du côté de la police et des gardes.

Le gouvernement actuel « de gauche » a prit le pouvoir en mai 2009 sur le dos du mouvement populaire qui avait renversé le précédent. Ce gouvernement refuse de se mêler de ce procès. Il ne s’agit pas d’un manque de volonté politique, mais bien d’une volonté politique claire de criminaliser les éléments radicaux de la révolte, après avoir utilisé cette même révolte et ignoré les exigences populaires de rétribution à l’encontre des politiciens et des banquiers responsable de la crise, dont aucun n’a été amené devant la justice !

Tout comme dans d’autres pays d’Europe, le « socialisme » semble être le médium le plus approprié pour la plus vicieuse restructuration néo-libérale de l’économie. En Islande, le gouvernement de gauche, avec la bénédiction des syndicats vendus et sous la surveillance stricte du FMI, est celui qui réalise les réductions budgétaires massives, la privatisation et la grande braderie des ressources naturelles pour développer plus avant l’industrie lourde. Tout ceci bien sûr au nom de « la crise » et dans un climat de nationalisme, néo-fascisme et xénophobie qui en sont la conséquence. Il est à noter que des groupes néo-nazis ont soudain émergé et participé aux récentes manifestations « contre la crise » à Reykjavik en 2010 ! Ils ont heureusement été attaqués par des manifestants anarchistes.

L’audience finale du procès de Neuf de Reykjavik aura lieu au tribunal de Reykjavik les 18, 19, et 20 janvier 2011. Un appel a été lancé pour une semaine d’actions internationales en soutien aux Neuf de Reykjavik, la semaine précédant le procès, soit du 10 au 16 janvier.

Pour cette petite île-Etat à la périphérie de l’Europe, toute attention négative venant de l’étranger a un impact fort sur les autorités, l’élite et les médias institutionnels. Pour cette raison il est impératif que nous leur donnions toute l’attention négative qu’ils méritent. Que les autorités islandaises sachent que le monde les regardent, qu’elles sachent qu’il y aura des conséquences sérieuses si les Neuf de Reykjavik sont condamné-e-s !

Nous appelons à TOUT TYPE D’ACTIONS en solidarité avec les RVK9 et contre l’Etat islandais !

LA SOLIDARITE EST NOTRE ARME !

Merci d’envoyer des photos, communiqués ou autres informations à propos d’actions à rvk9@riseup.net pour permettre la traduction et diffusion des informations sur place.

Archives